Intervention de Alain Gournac

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 décembre 2015 à 10h05
Déplacement à la 70e assemblée générale de l'onu — Communication

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

J'évoquerai les dossiers africains et les opérations de maintien de la paix. L'Afrique occupe 60 % du temps du Conseil de sécurité, et concentre l'essentiel des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Sur les dossiers africains, la France a un leadership incontesté au Conseil de sécurité. 4 diplomates de notre mission à New York se consacrent à plein temps aux dossiers africains.

Barkhane est appréciée de tous aujourd'hui : un effort de communication nous semble avoir été fait sur Serval d'abord, puis l'opération au Sahel Barkhane, et sur ses résultats en matière de lutte contre le terrorisme. Un travail étroit avec le ministère de la défense est engagé en ce sens et de nombreux rapports sont faits au Conseil de sécurité.

Ban Ki Moon nous a d'ailleurs spontanément félicités pour notre action au Mali y compris pour la protection des casques bleus de la MINUSMA, qui continuent de payer un lourd tribut puisqu'on déplore 41 morts et 150 blessés graves depuis son déploiement. Hervé Ladsous, le patron des casques bleus, nous a indiqué qu'il y avait une attaque au mortier ou à la mine tous les deux jours contre les casques bleus au Mali. Il a souligné la bonne articulation avec Barkhane. Naturellement les trafics de drogue et d'armes dans cette région sont deux facteurs qui perturbent la bonne application des accords politiques dans le Nord du pays. Mais à son sens le risque d'une installation de Daech au nord Mali -un scénario catastrophe- n'est pas aujourd'hui avéré.

En 2015, 106 000 policiers et militaires de 124 Etats et près de 20 000 civils sont déployés dans le cadre de 16 opérations de maintien de la paix de l'ONU, essentiellement en Afrique subsaharienne. En 1996, ils n'étaient que 12 400, soit une multiplication par 10 en 20 ans !

Les missions sont désormais le plus souvent des mandats complexes et multidimensionnels (alliant protection des civils, réforme des secteurs de la sécurité, construction d'un État de droit, protection des Droits de l'homme, soutien au processus politique, coordination de l'assistance économique et humanitaire...). De plus, les opérations de maintien de la paix sont de plus en plus déployées dans des environnements non stabilisés, où la population est à la fois la cible et l'enjeu de la violence, ce qui rend nécessaire une posture plus « robuste », c'est-à-dire plus engagée militairement.

Le budget total de l'ensemble des opérations de maintien de la paix est passé de 840 millions de dollars en 1999 à près de 8 milliards de dollars aujourd'hui. Cette somme représente près de quatre fois le budget ordinaire de l'ONU.

La France est le 32e pays contributeur de troupes (2e membre de l'UE, 2e du P5), avec 924 hommes déployés principalement au sein de la FINUL au Liban.

Financièrement, la France est actuellement 3e contributeur financier au budget des opérations de maintien de la paix (354 millions d'euros versés en 2014-2015), avec une quote-part majorée, en tant que membre permanent, de 7,21 %. La France apporte également un appui direct aux opérations de maintien de la paix, en déployant des troupes sous commandement national en soutien comme c'est le cas au Mali avec Barkhane et en RCA avec Sangaris.

Nous contribuons également à renforcer la performance des opérations de maintien de la paix en permettant à nos partenaires, notamment africains, de disposer de troupes correctement formées, puisqu'au total, 18 540 militaires de pays africains ont été formés en 2014, dont 8 083 spécifiquement au profit des opérations de maintien de la paix (MINUSMA, AMISOM, MINUSCA, ONUCI), soit une dizaine de bataillons d'infanterie africains servant en opérations de maintien de la paix.

Tout le monde n'est pas engagé autant que ne l'est la France.

Six États procurent les deux tiers du budget des OMP (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France et Italie) tout en ne fournissant que peu de troupes (117 casques bleus américains par exemple) alors que les principaux contributeurs de troupes, notamment du sous-continent indien, ne contribuent que très peu au budget des OMP (moins de 0,5 % par pays) -et financent, de fait, leurs militaires via l'ONU. Quasiment absents depuis la fin des années 90, certains partenaires européens ont tiré parti de leur désengagement d'Afghanistan pour réinvestir prudemment les OMP (Pays-Bas, Suède), d'autres ont engagé une réflexion en ce sens (Royaume-Uni notamment). Mais ce mouvement n'est pas encore de nature à changer la donne.

Ainsi à l'initiative du président Obama, un sommet a été organisé en septembre dernier pour mobiliser plus de contingents pour les opérations de maintien de la paix. 53 pays ont fait des offres de contingents de casques bleus à cette occasion, ce qui est positif.

Face au nombre et à la complexité croissante des opérations, leur rationalisation constitue une triple nécessité opérationnelle, budgétaire et politique. L'enjeu est de gagner des marges de manoeuvre afin d'être capable de faire face à de nouvelles crises, et d'alléger la facture. Cette réflexion est engagée depuis plusieurs années et le département des opérations de maintien de la paix en a bien conscience. On nous a cité 3 OMP qui allaient d'ailleurs bientôt arriver à la fin de leur mandat : en Haiti, au Libéria, et en Côte d'Ivoire (l'ONUCI).

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