Intervention de Jean-Marie Bockel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 décembre 2015 à 10h05
Déplacement au bundestag — Communication

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Je partage l'essentiel des vues de Daniel Reiner, mais je crois qu'il faut relativiser le changement d'orientation de l'Allemagne sur les questions de défense. Ce changement est réel, dont acte ; mais ce n'est pas encore une révolution... On connaît les réticences de la République fédérale, de nature historique, à s'engager de façon armée, et l'hostilité de la population allemande à cet engagement paraît demeurer. Du reste, c'est à certaines conditions que l'Allemagne s'engage : elle se rend sur le terrain, certes, mais elle ne frappe pas. Et nos homologues du Bundestag nous ont fait part de leurs interrogations.

Ils s'interrogent d'abord sur la solidité de la base juridique de l'intervention militaire en Syrie. En droit allemand, le débat porte sur le point de savoir si cette intervention s'inscrit bien dans le cadre d'un dispositif de sécurité collective, critère qui autorise l'intervention armée de la République fédérale. Ce point devrait être clarifié dans la décision de la Cour constitutionnelle à venir, sur le recours de Die Linke. Les risques juridiques paraissent assez faibles.

Nos homologues nous ont également questionnés sur la « stratégie globale » de l'intervention en Irak et en Syrie, et sur la sortie de crise envisagée. Les ministres de la défense et des affaires étrangères allemands, respectivement Mme Ursula von der Leyen et M. Frank-Walter Steinmeier, ont dernièrement mis en avant les trois « piliers » de cette stratégie : d'abord, l'engagement militaire, autorisé le 4 décembre par le Bundestag ; ensuite, la négociation d'une transition politique en Syrie - l'Allemagne défend, dans le processus de Vienne, les mêmes positions que la France ; enfin, l'assèchement des ressources financières de Daech. Dans ce dernier objectif, les ministres des finances français et allemand, MM. Michel Sapin et Wolfgang Schäuble, se sont réunis à Berlin, le 2 décembre dernier.

Les députés allemands s'interrogent aussi, comme nous, sur les garanties de sécurité offertes par les contrôles aux frontières extérieures et intérieures de l'Europe, dans le contexte d'arrivées massives de migrants. Le débat sur la mise en place d'un registre européen des noms de passagers (Passenger Name Record, PNR) se greffait sur cette question ; comme vous le savez, un accord politique en la matière a été trouvé lors de la réunion des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, le 4 décembre.

Enfin, nos collègues du Bundestag sont attachés à s'assurer que les risques soient bien circonscrits sous trois aspects :

- en premier lieu, les dommages pour les populations civiles, susceptibles de se produire dans les zones de frappe de la coalition. L'inquiétude des députés allemands porte notamment sur la possibilité que des frappes qui seraient décidées sur la base de renseignements d'origine allemande puissent engendrer de tels dommages collatéraux ;

- en deuxième lieu, la montée du risque d'attentats visant l'Allemagne, à la suite de l'engagement de celle-ci contre Daech. À cet égard, nos homologues se sont fait l'écho des préoccupations de l'opinion publique allemande qui, même si l'Allemagne constitue déjà une cible affichée comme telle par Daech, redoute que l'implication du pays dans la coalition ne renforce le péril terroriste. Cette peur s'inscrit naturellement dans le contexte de la grande émotion suscitée, en Allemagne, par les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre dernier, dont témoignaient, lors de notre passage, les nombreux bouquets de fleurs déposés en hommage devant l'ambassade de France ;

- en dernier lieu, les dissensions internes de la société allemande, laquelle, comme la société française, comporte une importante communauté musulmane.

Sur tous ces sujets, comme l'ont signalé Jacques Gautier et Daniel Reiner, nos échanges ont été de bonne qualité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion