Intervention de André Gattolin

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 nous revient en nouvelle lecture dans une version qui diffère au fond assez peu de celle qui avait été initialement soumise au Sénat. L’opinion générale des écologistes sur la politique que ce texte définit n’a donc pas non plus beaucoup varié.

Nous persistons à considérer qu’il était et qu’il est toujours assez inopportun de chercher à réduire le déficit à marche forcée, en même temps que l’on garantit aux entreprises des dizaines de milliards d’euros de nouvelles exonérations fiscales et sociales. Pour un bénéfice au final très discutable, cette politique a un coût très élevé : d’abord, à travers le transfert de fiscalité en faveur des entreprises ; ensuite, par le recul des services publics, notamment dans les territoires périphériques. Or, malheureusement, force est de constater que la population la plus touchée par cette politique est aussi celle qui exprime, scrutin après scrutin, un sentiment d’abandon toujours plus prégnant.

Nous n’avons toujours pas compris, par ailleurs, quel aura été l’impact budgétaire réel des quelque 750 millions d’euros de dépenses nouvelles relatives à la sécurité – nous les avons tous votées – engagées en urgence après les attentats. Les expressions successives du Président de la République, lors du Congrès, et des différents ministres, de Bercy ou des relations avec le Parlement, ont été pour le moins contradictoires à ce sujet. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel traitement budgétaire a finalement été réservé à ces 750 millions d’euros ? Contribuent-ils à dégrader le solde ou bien ont-ils été compensés et, dans ce dernier cas, par quoi ?

En matière d’écologie, la contribution essentielle de ce projet de loi reste la réduction de près d’un millier d’emplois au sein de la mission. On y cherchera donc vainement la traduction du sentiment d’urgence qui a émaillé les discours du Président de la République et du ministre des affaires étrangères lors de la COP 21.

Pour le reste de la politique budgétaire et fiscale relative à la transition écologique, nous sommes censés nous référer au projet de loi de finances rectificative. J’ai eu l’occasion, à maintes reprises, en me répétant quelque peu, d’exprimer mon profond regret devant cette répartition des mesures tout à fait inappropriée. S’il fallait en proposer une illustration, ce pourrait être la vie fulgurante de l’article 8 bis de ce projet de loi.

Introduit à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, cet article amorçait, dans l’urgence, un rattrapage de fiscalité entre l’essence et le diesel. D’emblée, la répartition annoncée avait donc vécu, puisque l’on examinait une partie de la fiscalité des carburants, et une partie seulement, dans le projet de loi de finances.

Après la suppression de cet article par le Sénat, on s’attendait à ce que le Gouvernement, mû par la même nécessité qu’en première lecture, en demande le rétablissement à l’Assemblée nationale. Mais non ! Le projet de loi de finances rectificative en navette semblait désormais le satisfaire, et le leurre de l’article 8 bis ayant dignement rempli son office fut abandonné.

Pour reprendre une expression qui a souvent cours au sein de la commission des finances – depuis Jean Arthuis, me semble-t-il –, le Gouvernement, en jouant sur des renvois complexes entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, nous demande, au moment d’adopter l’un des textes, « d’acheter un lapin dans un sac » ! Il va donc nous falloir réfléchir, mes chers collègues, aux moyens d’ausculter le lapin pour redonner un peu de cohérence à nos discussions non pas cynégétiques mais budgétaires de l’automne.

Même si le texte, je l’ai dit, a peu bougé, il me faut tout de même relever, sans prétendre à l’exhaustivité, quelques évolutions positives par rapport à la première lecture.

Tout d’abord, trois de nos amendements, adoptés par le Sénat, ont été maintenus par l’Assemblée nationale : l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones Natura 2000 ; la sécurisation législative des modalités de financement des associations de surveillance de la qualité de l’air ; la demande d’enrichissement des annexes budgétaires à propos des contentieux européens. La baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines a également été préservée ; j’en remercie le Gouvernement.

Ensuite, sur quelques autres sujets, l’Assemblée nationale a rétabli sa version, que le Sénat avait, de mon point de vue, dégradée. Je pense par exemple à la TGAP sur les installations classées, à la taxe intrajournalière sur les transactions financières ou encore à l’amorce d’une CSG progressive, réintroduites dans le texte.

Je regrette en revanche que l’Assemblée nationale n’ait pas préservé le crédit de taxe sur les salaires inférieurs à 2, 5 SMIC pour les organismes privés à but non lucratif du secteur sanitaire et social.

Si ce texte est encore loin de ce qu’attendaient les écologistes, la version qui nous est soumise en nouvelle lecture constitue néanmoins une amélioration, sur un certain nombre de points précis, par le travail successif des deux chambres.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler que c’était la première année que le projet de loi de finances s’accompagnait d’un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Je m’en félicite et je renouvelle mon souhait, pour les années à venir, que ce rapport bénéficie d’un contenu plus abouti et puisse, concrètement, participer de la définition de notre politique budgétaire.

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