Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2015 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Cela étant, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 14 décembre dernier, n’est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, en raison de points de désaccord résumés dans le texte de la motion précitée, que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat. Je vais les présenter rapidement.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire entre les dates d’exécution, de 2014 à 2015, de 3 milliards d’euros et, en conséquence, une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale.

Ce texte traduit une hausse des dépenses de l’État, dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ainsi que sur la charge de la dette.

L’ampleur inédite du schéma de fin de gestion pour 2015 témoigne de l’incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu’il a lui-même fixées en loi de finances initiale, ainsi que d’un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits, qui atteignent maintenant 8 %.

On peut regretter – je souscris aux propos tenus à l’instant sur l’organisation de nos travaux – que le collectif budgétaire comporte une réforme d’ampleur de la fiscalité énergétique, laquelle aurait dû trouver sa place dans le cadre du projet de loi de finances initiale. Elle contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir.

Ce projet de loi de finances rectificative comprend de nombreuses mesures introduites par voie d’amendement sur l’initiative de parlementaires ou du Gouvernement, dans des conditions n’ayant pas permis leur examen approfondi. Nous le déplorons, comme nos collègues de l’Assemblée nationale.

Pour toutes ces raisons de fond, la commission mixte paritaire a échoué. Toutefois, l’Assemblée nationale a conservé un nombre significatif d’apports du Sénat.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 comptait initialement quarante-quatre articles, dont l’article liminaire. À l’issue de la discussion en première lecture par l’Assemblée nationale et de l’adoption de nombreux amendements – le Sénat est moins prolixe ! –, il en comportait cent dix.

Lors de sa première lecture, le Sénat a adopté soixante-quatre articles conformes ; trente-quatre ont été modifiés, onze supprimés et vingt-quatre ajoutés. En conséquence, soixante-neuf articles restaient en discussion en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

À cette occasion, l’Assemblée nationale a adopté une rédaction conforme à celle du Sénat sur quarante-quatre articles et modifié son texte de première lecture sur douze articles, dont onze aboutissaient à un accord partiel avec les propositions du Sénat en première lecture. Elle a seulement rétabli son texte de première lecture sur dix articles et supprimé quatre articles introduits par le Sénat.

Parmi les dispositions reprises par l’Assemblée nationale, je citerai la suppression de l’article 25 nonies, relatif à l’extension de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, à laquelle nous nous étions fermement opposés, ainsi que la suppression de l’article 30 ter, instaurant la déductibilité de TVA pour les véhicules à essence, afin de protéger nos constructeurs automobiles. L’article 30 quater relatif à l’application rétroactive du taux spécifique de TVA à 2, 1 % à la presse en ligne a également été supprimé, de même que l’article 35 undecies obligeant les grandes entreprises à publier les informations relatives aux activités et aux bénéfices de leurs implantations pays par pays, le fameux reporting.

L’Assemblée nationale n’a toutefois pas seulement confirmé des suppressions. Elle a adopté des dispositions nouvelles introduites par le Sénat, comme celles qui sont relatives à la réforme de l’ISF-PME à l’article 13, en reprenant nombre de nos propositions ou encore nos apports à l’article 35 quater relatif aux dons aux victimes du terrorisme, dont le champ a été étendu en faveur des policiers, des pompiers et des militaires.

Elle a également adopté l’article 42 bis A, qui impose au Gouvernement de déposer un rapport tous les ans sur le montant et l’utilisation des crédits reportés en retenant une date de remise au 30 juin de chaque année. Elle a retenu également l’article 16 terdecies affectant la taxe d’aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » adopté sur l’initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui s’en réjouit !

Malgré ces éléments, nous pouvons bien évidemment nourrir certains regrets, notamment en matière de fiscalité énergétique, puisque l’Assemblée nationale est revenue sur son texte de première lecture concernant l’article 3 créant le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Cette modification est d’ailleurs intervenue en cours de navette, ce qui est pour le moins surprenant. Nos regrets s’attachent également à l’article 11, relatif à la fiscalité des énergies, et à l’article 11 ter, que nous avions supprimé en tant que cavalier budgétaire.

L’Assemblée nationale n’a pas non plus repris nos propositions d’amélioration du comité consultatif du crédit d’impôt recherche à l’article 19, alors même que les amendements que nous avions adoptés étaient consensuels, ni les compléments que nos avions apportés à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Nous regrettons cette position, s’agissant d’une réforme d’ampleur dans laquelle le Sénat avait veillé à préserver les intérêts des collectivités locales en matière de recettes.

Nous déplorons surtout que le Gouvernement ait choisi d’ouvrir de nouveaux sujets en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui interdit d’introduire de nouvelles dispositions à ce stade de la discussion.

Ainsi, l’adoption très tardive, cette nuit, de deux amendements à l’article 21 concernant le FPIC, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Cette question est pourtant sans rapport avec cet article, lequel traite seulement des locaux professionnels.

Un amendement du Gouvernement introduit ainsi trois paragraphes supplémentaires à cet article qui réforment l’architecture même du FPIC et qui emporteront des conséquences très fortes pour les communes d’Île-de-France. Un tel ajout est contraire, selon moi, je le répète, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Malgré les regrets que j’ai exprimés, en particulier sur le crédit d’impôt recherche ou la révision des valeurs locatives, je voudrais en conclusion saluer l’attitude constructive, lors de la commission mixte paritaire, de nos collègues de l’Assemblée nationale et de Mme la rapporteure générale qui, malgré nos divergences, ont accepté de reprendre nombre des dispositions introduites par le Sénat.

La commission des finances a cependant estimé que même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait pas de nature à faire évoluer fondamentalement les choses, en particulier sur les points de désaccord majeur tels que la fiscalité énergétique. Monsieur Dallier, nous pourrions dans l’idéal refaire une lecture uniquement de l’article 21, mais nous allons nous épargner cette peine.

Pour cette raison, la commission des finances soumet au Sénat, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, une motion tendant à opposer la question préalable.

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