Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Convention fiscale avec l'allemagne — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le problème le plus sensible auquel le présent avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 apporte une solution est, sans conteste, celui des retraités résidents de France qui, depuis 2009, sont tenus de s’acquitter d’un revenu sur leurs pensions de retraite de source allemande.

La plupart des conventions fiscales ratifiées par la France prévoient une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État de résidence de la personne retraitée et non par l’État source du revenu. Toutefois, en raison de son ancienneté, la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée permet une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État source du revenu.

Alors que la législation allemande avait pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents, elle a été modifiée sur ce point en 2005 pour être mise en conformité avec une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, en date du 6 mars 2002, qui imposait que les non-résidents participent à la réforme des retraites mise en œuvre par l’ancien chancelier Gerhard Schröder.

À la suite de cette évolution, les résidents français percevant des pensions allemandes ont commencé à recevoir des avis d’imposition allemands à partir de 2009, ce qui n’est pas très agréable…

Environ 70 000 retraités résidents de France et percevant des pensions de source allemande ont été touchés par cette modification législative, qui a entraîné de fait une imposition plus lourde et l’introduction de modalités de gestion complexes.

Après plusieurs années de discussions, l’Allemagne a accepté de renoncer à l’imposition à la source des pensions versées au titre des assurances sociales légales en contrepartie de la mise en place d’une compensation financière entre les deux États, se traduisant par le paiement par la France d’un solde net, qui sera calculée sur une base de 16 millions d’euros pour 2013, puis augmentera de 9, 4 % par an à compter de 2014 pour atteindre 30 millions d’euros en 2020, le premier versement intervenant au titre de l’année d’entrée en application de l’avenant.

Le deuxième point essentiel du présent avenant porte sur la consolidation du statut fiscal des travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant leur activité en Allemagne. Ces derniers sont nombreux puisque, en 2013, selon l’INSEE, leur nombre s’élevait à 41 450. Par ailleurs, on dénombrait 4 220 frontaliers dans la situation inverse.

La convention modèle de l’OCDE et la plupart des accords bilatéraux posent le principe de l’imposition des travailleurs frontaliers dans le pays où ils exercent leur activité. Toutefois, certains dispositifs concernant ces salariés y dérogent et prévoient une imposition dans le pays de résidence, afin de prendre en compte les liens entre ces contribuables et l’État où ils vivent et ainsi financer les dépenses publiques correspondantes. C’est le cas du régime frontalier franco-allemand.

Alors que l’Allemagne voulait, dans un premier temps, supprimer ce régime spécifique, qu’elle jugeait défavorable pour elle d’un point de vue budgétaire, ce dernier se voit conforté par l’article VI du présent avenant. En contrepartie, l’Allemagne a demandé à bénéficier d’une compensation financière, à l’instar de nos accords conclus avec la Suisse et la Belgique. Le taux de cette compensation a été fixé à 44 % du produit de l’impôt sur le revenu perçu par la France, cette approche semblant représentative du coût du travailleur frontalier pour chaque pays.

Sur la base d’un produit annuel de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers s’élevant à 50 millions d’euros pour la France, cette proportion de 44 % représenterait donc 22 millions d’euros. Pour cette raison, le montant du premier versement par la France, qui aura lieu l’année suivant celle de l’entrée en vigueur de l’avenant, est fixé à 22 millions d’euros.

Le troisième axe majeur du présent avenant à la convention franco-allemande de 1959 consiste à faire évoluer certains dispositifs fiscaux, notamment en matière d’imposition des plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers en France par des résidents en Allemagne. Aux termes de l’actuelle convention, les plus-values afférentes à la cession des immeubles situés dans un État, mais détenus directement par une personne physique résidente de l’autre État sont imposables dans l’État où se situe l’immeuble.

En revanche, dans l’hypothèse d’une cession de titres d’une société de capitaux détenant des immeubles situés dans l’autre État, l’imposition de la plus-value a lieu dans le pays de résidence du cédant. Cette situation est particulièrement avantageuse pour les résidents en Allemagne, dans la mesure où les plus-values de cessions de titres qu’ils sont susceptibles de réaliser en France ne sont imposables en Allemagne qu’à hauteur de 5 % de leur montant.

Le présent avenant a donc pour objectif de conforter, à la demande de la France, le principe de l’imposition in situ des plus-values de cession des biens immobiliers en prévoyant, au paragraphe 4 de la nouvelle rédaction de l’article 7 de la convention, le cas de la détention indirecte de biens immobiliers via des sociétés. Cette clause figure dans le nouveau modèle de l’OCDE, ainsi que dans les autres conventions fiscales récemment signées par la France, notamment avec le Luxembourg, comme nous le verrons, plus longuement, dans quelques instants.

Je précise d’ailleurs que l’action n° 6 du projet BEPS, de l’OCDE, adopté par le G20 qui s’est tenu à Antalya le 15 novembre dernier, vise à empêcher le contournement de cette clause par l’exploitation des failles demeurant dans certaines conventions fiscales.

Une fois l’avenant entré en vigueur, les plus-values afférentes à la cession, par des résidents en Allemagne, de sociétés à prépondérance immobilière française seront donc imposables en France au taux de droit commun, en vertu des dispositions de l’article 244 bis A du code général des impôts. Sur ce point, j’ai une question à poser au secrétaire d’État : pourquoi le présent avenant ne précise-t-il pas que les sociétés en question peuvent prendre la forme d’une fiducie, alors que l’avenant à la convention avec le Luxembourg le prévoit ? Comme nous examinons de manière successive cet après-midi les projets de loi autorisant l’approbation d’avenants aux deux conventions en cause, la question se pose de manière particulièrement aiguë.

Par ailleurs, l’article 9 de la convention, relatif aux dividendes, prévoit dans sa rédaction actuelle un principe d’imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire de dividendes tout en laissant à chacun des États contractants le droit de percevoir l’impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation, dans la limite de 15 % du montant brut des revenus.

L’article IV de l’avenant insère, au sein de l’article 9 de la convention, un dixième paragraphe disposant que cette limite de 15 % ne s’appliquera pas aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par des véhicules d’investissement immobilier qui distribuent la plus grande partie de ces revenus annuellement et dont les revenus et gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d’impôt, lorsque l’actionnaire ou le porteur de parts détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital du véhicule d’investissement qui paie les dividendes.

Cette clause, appelée « real estate investment trust » dans les travaux internationaux, vise en particulier les sociétés d’investissements immobiliers cotées, les SIIC, et les organismes de placements collectifs immobiliers, ou OPCI, dont nous reparlerons plus longuement à propos de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.

Ainsi, les dividendes distribués par ce type de sociétés pourront être imposés sans restriction, et la France et l’Allemagne pourront éviter que des investisseurs ne contournent la règle de l’imposition des revenus et gains immobiliers dans l’État de situation des immeubles par le recours à des véhicules exonérés d’impôt.

Enfin, pour éviter les délocalisations à des fins purement fiscales, l’article II de l’avenant insère à l’article 7 de la convention un paragraphe autorisant la France et l’Allemagne à appliquer leur dispositif interne d’exit tax.

Au bénéfice de ces différentes observations, la commission des finances – qui a émis la semaine dernière à la quasi-unanimité un avis très favorable – vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi.

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