Intervention de André Reichardt

Réunion du 16 décembre 2015 à 14h30
Convention fiscale avec l'allemagne — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 1959, la France et l’Allemagne sont liées par une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

Ce texte a été modifié trois fois, par trois avenants datant respectivement de 1969, 1989 et 2001.

Le présent projet de loi vise à autoriser l’approbation du quatrième avenant à cette convention, signé le 31 mars 2015 à Berlin et dont l’objet est de sécuriser et de clarifier, en particulier, la situation fiscale des salariés qui habitent la zone frontalière française et exercent leur activité dans la zone allemande et, surtout, celle des résidents de France percevant des pensions de retraite versées par l’Allemagne, au titre des assurances sociales légales allemandes.

Entre 50 000 et 70 000 « retraités d’Allemagne » vivant en France sont concernés par ces mesures, dont près de 30 000 résident en Alsace.

Le manque à gagner fiscal qui en résultera pour chaque État fera l’objet d’une compensation financière. Le premier versement par la France à l’Allemagne, qui aura lieu l’année suivant l’entrée en vigueur de l’avenant, est fixé à 22 millions d’euros. Il compensera la perte subie par les services fiscaux allemands sur les pensions de retraite versées à des personnes ayant travaillé sur son territoire et qui, à partir de 2017, paieront leurs impôts uniquement en France.

En tant qu’élu alsacien je ne peux, à l’instar de mon collègue du Bas-Rhin, que saluer cette démarche de clarification et de simplification fiscales.

Monsieur le secrétaire d'État, je peux vous assurer que ce texte est très attendu, notamment localement, par toutes les personnes qui ont eu affaire ces dernières années à un imbroglio juridique et administratif insensé.

En effet, la législation allemande a pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents. Pour se mettre en conformité avec une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe de 2002, l’Allemagne a modifié sa réglementation en 2005. Mais c’est seulement à partir de 2009 que les résidents français percevant des pensions allemandes ont commencé à recevoir des avis d’imposition de la part des services fiscaux allemands… Autant vous dire qu’ils n’y ont rien compris !

Depuis quelques années, c’est donc une double imposition que ces retraités se sont vu appliquer, en plus de modalités de gestion complexes.

Mes chers collègues, économiquement, une double imposition n’est pas acceptable ! Ses effets ne sont évidemment pas négligeables sur le budget des personnes concernées, qui, rappelons-le, sont retraitées.

Aussi, même si ce texte constitue indéniablement une avancée, permettez-moi de regretter qu’il vienne si tard et, surtout, qu’il ne règle pas la situation de celles et de ceux qui se verront encore réclamer par l’Allemagne, tout au long de l’année - et même au-delà, car le travail a à peine commencé du côté des services allemands -, des arriérés d’impôts pour des pensions perçues depuis 2009. Pour nos retraités frontaliers, ça tombe toujours comme à Gravelotte !

En effet, en 2016, les retraités devront encore établir une déclaration auprès des services fiscaux allemands et payer leur impôt dans le pays voisin. Ce n’est qu’en 2017 que ce problème sensible sera véritablement assaini, puisque c’est à cette date seulement que les bénéficiaires d’une retraite allemande vivant en France pourront déclarer leurs revenus et paieront leurs impôts en France.

Certes, je n’ignore pas qu’une convention fiscale du type de celle du 21 juillet 1959 peut difficilement être rétroactive. Mais, compte tenu des grandes difficultés que connaissent ces retraités du fait de l’application de cette convention modifiée désormais, il aurait été bon qu’une solution puisse être trouvée pour une application immédiate.

Certes, les élus alsaciens, notamment ceux qui, comme moi, sont membres du conseil régional, se sont naturellement attelés à résoudre cette question dès 2010. Ainsi, en 2013, un tournant décisif a pu s’opérer avec la mise en place d’une « task force retraite », composée d’agents et créée sous l’impulsion de la région Alsace. Depuis 2013, cette task force met à la disposition des retraités un véritable service d’assistance, pour les aider à répondre aux diverses demandes de l’administration fiscale allemande, bien entendu rédigées en langue allemande, à laquelle je répète qu’ils ne comprennent rien. Tout le monde ne parle pas l’allemand, même en Alsace, et je puis témoigner, pour les avoir eus au téléphone, que certains travailleurs frontaliers vivent à Pau ou encore à Carcassonne !

Au reste, le siège du service fiscal allemand demandeur ne se trouve pas sur le Rhin, mais dans le nord de l’Allemagne… Pour s’y déplacer, bonjour !

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’espère que vous mesurez maintenant les difficultés que certains retraités ou conjoints de retraités décédés peuvent rencontrer pour répondre aux demandes qui leur sont adressées.

Pour autant, était-ce bien aux élus régionaux d’assurer ce travail d’information à la place des États concernés ? Pour l’avenir – peu importe le passé –, il me paraît nécessaire que ce soit l’administration fiscale qui réalise elle-même l’information sur une nouvelle disposition de ce type. Monsieur le secrétaire d'État, nous comptons vraiment sur l’État français pour s’en charger chaque fois qu’une modification intervient !

Surtout, considérant que le public concerné par la modification de l’article 13 de la convention, opérée par l’article 6 de l’avenant, est en grande majorité composé de retraités et de personnes âgées, voire très âgées, il est à redouter que bon nombre de ces personnes ne seront pas totalement informées à temps des modalités déclaratives des revenus d’origine allemande.

Il serait d’ailleurs utile que, à l’échelle locale, une coopération des administrations fiscales soit vraiment organisée, voire qu’un pôle de compétence franco-allemand sur les questions fiscales soit créé. Ce pôle pourrait notamment avoir pour missions d’organiser des rencontres régulières entre les autorités fiscales – cela ne semble véritablement pas être le cas pour le moment –, d’identifier les problèmes dans le domaine fiscal et tout simplement de les faire remonter aux instances compétentes de chaque pays.

Que de difficultés avons-nous effectivement rencontrées, nous, les élus, pour sensibiliser les autorités fiscales aux problèmes que nous avons enregistrés par milliers ! Monsieur le secrétaire d'État, le travail quotidien de la task force et des structures d’information et de conseil en matière d’impôts, de sécurité sociale et de travail pour les transfrontaliers que constituent les Infobest a permis de repérer de manière précise des manques cruciaux sur le sujet.

Sans chercher à être exhaustif, je veux en citer trois. Tout d’abord, les centres des impôts français et allemands pourraient coopérer plus – ils ne semblent le faire actuellement que de manière très ponctuelle. Ensuite, les centres des impôts, quels qu’ils soient, sont dépassés par les questions de fiscalité internationale, qu’on le veuille ou non. Enfin, il n’existe quasiment pas d’informations fiscales précises dans la langue du voisin…

Aussi souhaitons que cet avenant soit le point de départ de discussions permettant de résoudre les différents points juridiques et fiscaux encore en suspens entre l’Allemagne et la France, que les auditions larges menées par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale ont permis de mettre en exergue.

Enfin, je veux profiter de mon intervention à cette tribune pour redire toute l’importance des liens entre la France et l’Allemagne, notamment en zone frontalière, comme en Alsace, et pour me féliciter de toutes les avancées législatives qui permettent plus de fluidité entre nos deux pays.

En conclusion, ce texte n’appelle naturellement pas d’opposition. Il a d’ailleurs été adopté par l’Assemblée nationale sans discussion et notre commission des finances l’a adopté sans modification. Aussi, tout en souhaitant que nos observations soient prises en compte dans le détail, j’invite chacun à le soutenir.

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