Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet accord commercial, signé le 26 juin 2012 entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part, est présenté comme l’accord le plus substantiel jamais conclu par l’Union européenne avec des pays andins.
Il est le fruit d’une négociation, entamée en 2007, sur la base de l’accord-cadre de coopération, signé en avril 1993 par l’Union européenne avec la Communauté andine des nations, qui amorçait une nouvelle relation commerciale, tout en ménageant une place à la protection des droits de l’homme et au respect des principes démocratiques.
L’ensemble de l’accord est déjà appliqué, à titre provisoire, avec le Pérou depuis le 1er mars 2013 et, à l’exception de quatre articles, avec la Colombie depuis le 1er août 2013. Ainsi, la France, qui sera l’un des derniers États membres à le ratifier – il ne manque plus que quatre ratifications à ce jour –, bénéficie déjà des préférences commerciales et de la levée des obstacles non tarifaires aux échanges qu’il prévoit.
L’Union européenne et la France entretiennent des relations commerciales avec la Colombie et le Pérou, qui n’épuisent pas leur potentiel et ne pourront que croître et prospérer avec cet accord.
La Colombie est la troisième puissance économique d’Amérique du Sud, avec un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars américains en 2014. Elle connaît une croissance soutenue depuis plusieurs années. L’Union européenne est son deuxième partenaire commercial, avec un volume des échanges d’un peu plus de 14 milliards d’euros en 2013. La même année, la France était son huitième pays fournisseur, avec une part de marché de 2, 4 %, et le premier employeur étranger, avec 100 000 emplois.
Le Pérou est une économie de taille moyenne, avec un produit intérieur brut de 203 milliards de dollars américains, qui a connu une croissance forte entre 2006 et 2013 – quelque 6, 8 % en moyenne annuelle – et moindre en 2014 – quelque 2, 4 % – du fait de la baisse du prix des minerais. L’Union européenne est son troisième partenaire commercial et le premier investisseur étranger. Le volume des échanges entre l’Union et le Pérou a atteint 9 milliards d’euros en 2013. Avec environ 544 millions d’euros d’échanges commerciaux directs en 2014, la France est le 23e client et le 21e fournisseur du Pérou.
Cet accord commercial dit « de nouvelle génération » vise à libéraliser progressivement le commerce des biens et à favoriser l’intensification des échanges commerciaux dans un environnement stable et durable, en vue d’instaurer, à terme, une zone de libre-échange.
Son volet commercial est très proche de celui de l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, que nous avons examiné l’an dernier et que la France a ratifié. L’Union européenne s’engage à ouvrir son marché aux exportateurs du Pérou et de la Colombie au travers de la libéralisation immédiate des produits industriels et de la pêche, notamment les crevettes.
En contrepartie, le Pérou et la Colombie éliminent respectivement 80 % et 65 % des droits de douane sur les importations de produits industriels européens, pour les supprimer totalement au bout de onze ans.
S’agissant des produits agricoles, les échanges sont plus ouverts que par le passé et des contingents tarifaires libres de droits ont été accordés de part et d’autre.
La commission s’est particulièrement penchée sur les dispositions relatives à la banane, qui est un produit sensible, à fort enjeu pour nos territoires d’outre-mer. Deux mécanismes de protection sont prévus : la clause de sauvegarde, d’une part, et le mécanisme de stabilisation, d’autre part. Selon le rapport annuel de décembre 2014 de la Commission européenne sur la mise en œuvre de cet accord, ces mécanismes n’ont pas été utilisés pour l’instant. Ils pourraient l’être à l’avenir, si le besoin s’en faisait sentir.
Cet accord est aussi un accord dit « de nouvelle génération », ce qui signifie qu’il couvre non seulement les sujets traditionnels du commerce international, mais aussi, plus succinctement, les questions relatives aux droits de l’homme et au développement durable. Il contient ainsi un chapitre « Commerce et développement durable ».
De ce fait, en cas de dégradation significative de la situation des droits de l’homme en Colombie et au Pérou – un sujet qui reste une préoccupation majeure de l’Union européenne –, l’accord pourrait être suspendu, notamment sur la base de l’article 1er relatif aux principes démocratiques et droits fondamentaux de l’homme.
La commission s’est naturellement intéressée de près aux conséquences potentielles sur l’environnement, notamment du fait des industries extractives minières présentes dans ces deux pays.
L’accord contient, dans son article 271, des obligations environnementales qui sont similaires à celles qui figurent dans les précédents accords de libre-échange signés par l’Union européenne. Il est à noter que la Colombie et le Pérou participent à l’initiative norvégienne sur la transparence des industries extractives, qui est une norme internationale pour la transparence de la gestion des revenus tirés des industries extractives comportant sept exigences.
Dans ces deux domaines, l’Union européenne et la France seront attentives au strict respect, par ces deux pays, des feuilles de route présentées par les gouvernements colombien et péruvien au Parlement européen en novembre 2012.
Quelles sont, enfin, les conséquences attendues de cet accord ? Celui-ci ne devrait pas remettre fondamentalement en cause la structure et le volume des échanges de biens entre les parties à l’accord, puisqu’il sécurise des « préférences commerciales » déjà accordées à la Colombie et au Pérou par l’Union européenne.
Compte tenu de la sensibilité du secteur laitier, le lait et le beurre sont exclus de la libéralisation pour la Colombie et libéralisés, sur une période comprise entre quinze et dix-sept ans, pour le Pérou. En 2015, la France et la Colombie ont signé un accord de coopération entre leurs ministères de l’agriculture, en vue d’aider la Colombie à restructurer, notamment, sa filière laitière.
Les grandes industries exportatrices de l’Union européenne du secteur des produits industriels et des produits de la pêche devraient, quant à elles, bénéficier d’économies de droits de douane pour un montant annuel de 250 millions d’euros, au plus tard dix ans après l’entrée en vigueur de l’accord.
S’agissant des produits agricoles, à la fin de la période de transition de dix-sept ans, on table sur environ 270 millions d’euros d’économies par an.
Depuis l’application provisoire de l’accord en 2013, la France enregistre d’ailleurs une forte augmentation de ses exportations de produits agroalimentaires : céréales, fruits et produits laitiers. J’ajouterai que, depuis 2013, quelque 92 indications géographiques européennes sont désormais protégées, dont 43 françaises.
En conclusion, et compte tenu de ces observations, nous recommandons l’adoption de ce projet de loi, car cet accord permet l’approfondissement du dialogue avec les pays d’Amérique latine en complétant les accords nous liant au Chili, au Mexique et au Brésil. Une clause d’adhésion ménage d’ailleurs aux autres pays membres de la Communauté andine des nations la possibilité de participer à l’accord, lorsqu’ils le jugeront opportun. L’Équateur a ainsi engagé des négociations commerciales avec l’Union européenne qui ont abouti à un accord, conclu en juillet 2014.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous demande d’adopter ce projet de loi.