Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste ne nourrit aucune hostilité de principe à l’égard des accords commerciaux.
Bien au contraire, le commerce est, par excellence, un levier de développement et de rapprochement entre les peuples et les cultures. Toutefois, pour paraphraser et prolonger le concept bien connu décrit par Montesquieu, il nous semble que, pour être « doux », le commerce doit également être juste et équitable. C’est à l’aune de ces principes qu’il nous faut juger cet accord.
À cet égard, la méthode suivie est problématique. Cet accord n’a pas pu être conclu avec la Communauté andine des nations, compte tenu du refus de la Commission européenne d’adopter une approche différenciée. De plus, il limite très fortement, en son article 329, la marge de négociation des autres pays andins qui souhaiteraient accéder à l’accord. Il y a, vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État, quelque paradoxe à voir l’Union européenne prendre ainsi le risque de saper l’intégration au sein de l’organisation régionale la plus ancienne d’Amérique du Sud !
Plus encore, le contenu de cet accord, dont l’essentiel fait l’objet d’une application provisoire depuis 2013, en fait un texte marqué du sceau d’un libre-échangisme peu soucieux de développement équitable ou durable. Les maigres garde-fous prévus ne nous semblent pas être en mesure de prévenir la mise en difficulté des secteurs agricoles péruvien et colombien, confrontés aux productions subventionnées de l’Union européenne. La filière équitable, qui est bien implantée et que cet accord ne prend pas en compte, pourrait ainsi être particulièrement fragilisée.
La libéralisation des marchés publics, dans le sens d’une égalité d’accès, va priver les pouvoirs adjudicateurs d’un outil essentiel de politique économique en faveur de leurs entreprises, notamment de leurs PME. De même, la libéralisation de nombreux secteurs des services risque de se révéler préjudiciable aux services publics, menaçant notamment la logique de péréquation qui est la leur et compromettant ainsi la poursuite d’une politique d’aménagement du territoire.
Les facilités ouvertes par cet accord entraîneront une augmentation des investissements dans les agrocarburants et l’exploitation minière, activités préjudiciables à l’environnement, mais aussi aux droits humains. Elles signifient en effet accaparements de terres et déplacements forcés, à l’encontre notamment des populations indigènes. On sait que le Pérou et la Colombie font souvent peu de cas de l’obligation de recueillir le consentement préalable des populations indigènes lors de ces opérations, en violation de la convention n° 169 de l’Organisation internationale du travail.
Cet accord suscite donc de fortes réserves de notre part. Pour autant, nous entendons les raisons plaidant en faveur de ce texte. Ainsi, il est certain qu’il vise à inciter les pays partenaires à une meilleure prise en compte des droits humains, ainsi que des standards sociaux et environnementaux. Par l’adoption d’une feuille de route précise, le Parlement européen a d’ailleurs entendu expliciter ce souhait. Il y a certes des insuffisances dans les garanties prévues, et les effets induits par cet accord contreviendront sans conteste à ces objectifs.
Il faut cependant avoir conscience que ces pays en fort développement sont en recherche de partenariats économiques. Il nous faut donc savoir y répondre, afin de garder une relation privilégiée avec eux. Ce faisant, nous pouvons aider à consolider des démocraties et des États de droit encore balbutiants avec une très forte marge de progression en la matière.
C’est donc parce qu’il est conscient de la nécessité d’entretenir le lien avec ces pays, mais très réservé sur les conséquences de cet accord que le groupe écologiste s’abstiendra sur ce projet de loi autorisant sa ratification.