Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre rapporteur a souligné à juste titre les enjeux et atouts de cet accord de libre-échange, cet ALE, qui a été conclu entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou en 2012.
Nous connaissons les inquiétudes, qui ont été exprimées tout au long des négociations, et encore récemment, à l’égard de cet ALE, sur les questions de droits de l’homme, des droits sociaux et des droits environnementaux.
Cet accord de libre-échange est le premier à inclure un chapitre dédié au développement durable. Son caractère perfectible a pourtant bien été un sujet de préoccupation au moment de sa négociation, les normes sociales et environnementales ne devant être appliquées qu’en fonction des capacités techniques et financières des deux États concernés. Et c’est bien sous l’impulsion des socialistes que le Parlement européen a voulu répondre à ces inquiétudes avec l’adoption d’une résolution le 13 juin 2012, laquelle a enjoint la Colombie et le Pérou de définir une feuille de route visant à garantir la protection des droits du travail, de l’environnement et des droits de l’homme comme condition préalable à l’entrée en vigueur de tout accord commercial.
Ainsi, des actions concrètes en faveur du droit du travail ont été prévues, tout comme un recensement des organes responsables de la défense de l’environnement. De même, une clause permet de suspendre l’accord en cas de violation des droits de l’homme.
Le travail de suivi sur cet ALE a été engagé, mais nous n’en sommes qu’au début. C’est la raison pour laquelle nous choisissons, pour notre part, de voir le verre à moitié plein. Je pense que, aujourd’hui, nous abordons une nouvelle phase dans la conception des politiques commerciales. Depuis plusieurs années, les socialistes, au côté du Gouvernement, défendent le principe du « juste échange », de la réciprocité, d’une stratégie commerciale responsable.
Les négociations actuelles du partenariat transatlantique sont également révélatrices de cette évolution. La France a obtenu gain de cause en matière d’arbitrage et ajouté l’équité et la justice commerciale au rang des valeurs non négociables. Ces accords doivent donc être considérés comme des instruments de progrès.
Les accords commerciaux européens de nouvelle génération sont une occasion de porter ces principes, de renforcer nos liens non seulement avec les gouvernements, mais surtout avec les syndicats et d’autres représentants de la société civile de ces pays.
Les nouvelles stratégies commerciales présentées ces dernières semaines par la Commission européenne comme par la France sont fidèles à cette évolution : le respect des valeurs telles que le développement durable, les droits de l’homme, le commerce équitable et la lutte contre la corruption est clairement devenu un préalable, tout comme la défense du modèle social et réglementaire européen.
La nouvelle politique commerciale de la Commission tend aujourd’hui à énoncer clairement ces exigences avec l’inclusion dans les accords commerciaux de règles obligeant les futurs partenaires à mettre en œuvre des dispositions consacrées aux normes fondamentales du droit du travail, telles que le droit d’organisation des travailleurs, l’abolition du travail des enfants, ou encore de normes plus strictes en matière d’environnement.
La commissaire européenne chargée de la politique commerciale, Cécilia Malmström a, le 10 décembre dernier, « enfoncé le clou », en insistant sur la nécessité de faire des accords de libre-échange un outil puissant de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance, rappelant que la corruption est au cœur du problème du développement : elle constitue « un fléau pour l’économie et les sociétés du monde et elle nous empêche d’éradiquer la pauvreté, de protéger notre environnement et de conduire le développement durable ».
Les négociations qui sont conduites actuellement pour un partenariat transatlantique peuvent également favoriser cette évolution. Le travail engagé par la France au niveau européen dans le cadre de ces négociations va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables.
Les discussions actuelles menées dans le cadre de l’OMC sur les biens environnementaux peuvent être considérées comme un signe tangible de cette évolution, d’autant qu’elles auraient de réelles chances d’aboutir.
Les lignes sont en train de bouger, j’en suis convaincue, en faveur de stratégies commerciales plus responsables. Nous saluons enfin la publication, sur l’initiative du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, du rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne, qui insiste en particulier sur la nécessité de faire en sorte que les accords commerciaux restent « vivants, au travers de l’entretien d’un dialogue régulier de toutes les parties prenantes et grâce à une évaluation ex post des accords en vigueur. »
Mes chers collègues, considérons-nous comme étant interpellés directement par cette exigence. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’être mieux associés aux accords en cours de négociation, à leur suivi, ainsi qu’à leur mise en œuvre.
Le combat que le Gouvernement a mené au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations commerciales favorise aujourd’hui une meilleure association des parlementaires nationaux et européens. Saisissons-nous de cette occasion, car nous avons un rôle à jouer pour la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et assurons donc ensemble la vigilance nécessaire. C’est non seulement notre droit, mais aussi notre responsabilité.
Vous l’avez compris, le groupe socialiste et républicain soutiendra la ratification de cet accord.