La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été déposée par notre collègue Vincent Delahaye le 6 novembre dernier. Elle a pour objet d'instaurer un « jour de mémoire », afin de « sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de la mémoire combattante de notre nation ». Le texte précise que cette journée est organisée pendant l'année scolaire, hors période de vacances et jours fériés, le dernier jeudi du mois de mai, et qu'elle concerne particulièrement les classes de CM2, de cinquième et de seconde. Le dispositif de la proposition de loi précise également que les objectifs pédagogiques de la journée sont déterminés par le Conseil supérieur des programmes ; le contenu des activités étant « librement déterminé par les enseignants, dans le respect du programme scolaire » et leur mise en oeuvre « coordonnée par l'autorité scolaire responsable et les maires ».
Cette proposition de loi part d'un triste constat : les cérémonies officielles organisées lors des jours de commémoration ne rencontrent qu'un très faible écho auprès de la jeunesse de notre pays. Nous en avons tous fait l'expérience : les cérémonies d'hommage ne rassemblent qu'une poignée d'élus et d'anciens combattants. Qui n'y a pas regretté l'absence de notre jeunesse ?
Cela est d'autant plus paradoxal que les commémorations et les « journées de » n'ont jamais été aussi nombreuses. En 2008, le rapport de la commission Kaspi recensait douze commémorations nationales ; depuis, de nouvelles ont encore été créées. L'augmentation des injonctions mémorielles et des journées de mobilisation n'épargne pas l'éducation nationale, bien au contraire. Toutefois, le caractère rassembleur et unitaire de ces cérémonies tend à disparaître. Le rapport de la commission Kaspi notait que « la multiplication des commémorations diminue l'effet de chacune d'entre elles ». Les tentatives de remédier à l'émiettement commémoratif ont toutes échoué.
Nous sommes donc face à un double défi : transmettre de manière effective aux élèves la mémoire de notre nation tout en resserrant ces commémorations dans le cadre scolaire.
C'est l'objectif que poursuit la présente proposition de loi et je pense pouvoir affirmer que nous le partageons tous. La participation des élèves aux commémorations et aux cérémonies nationales constitue un axe clef de la mobilisation de l'école pour les valeurs de la République, décidée suite aux attentats de janvier dernier. Nous savons que, comme le déclarait Renan, « la nation (...) est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements » ; d'où l'urgence de transmettre cette mémoire partagée, qui est le ciment de notre identité en tant que nation et de notre unité. Il nous revient, par la présente proposition de loi, d'y apporter notre concours.
Inscrire dans la loi la transmission de cette mémoire permettrait de consacrer les nombreuses initiatives qui sont d'ores et déjà menées et de les affranchir des variations de la politique ministérielle. Le travail de mémoire n'aurait plus pour seul fondement des notes de service, qui ne sont parfois pas renouvelées d'année en année, mais un article de loi. Ainsi la mobilisation de l'éducation nationale depuis 2014, à l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale a été suivie d'effet, notamment en matière de présence des élèves aux commémorations. Il s'agit aujourd'hui de reconnaître et de prolonger ces efforts, en consacrant dans le code de l'éducation une journée spécifique dédiée à la mémoire des combattants et des victimes de guerre.
À cette fin, je vous proposerai néanmoins deux amendements, qui garantissent le respect du domaine de la loi et des compétences de chacun en matière éducative.
En outre, dans sa rédaction initiale, l'article unique de la proposition de loi est assez confus quant à la responsabilité de la mise en oeuvre de cette journée ; le contenu des enseignements relevant uniquement de l'État, je vous propose de supprimer ces dispositions. En conséquence, l'article renverrait les modalités d'organisation au pouvoir règlementaire.
Sur le plan juridique, la situation de l'article dans le code de l'éducation est contestable. La proposition de loi vise à l'insérer dans la partie du code de l'éducation relative à « l'organisation du temps et de l'espace scolaires » qui concerne, par exemple, l'heure de début de cours ; je vous propose de le déplacer dans la partie du code relative aux enseignements scolaires, et de créer de ce fait un nouvel article L. 312- 15 1, qui compléterait la section VIII relative à l'enseignement moral et civique.
Dans la nouvelle rédaction que je vous propose d'adopter, l'article unique fixe clairement les objectifs de la journée et précise que les anciens combattants et les élus locaux sont associés aux activités menées.
Les dernières modifications - et les plus importantes - que je vous propose concernent la date et l'intitulé de cette journée. En accord avec la volonté de « simplifier » le paysage des commémorations, il me semblerait préférable d'inscrire cet évènement le jour de classe qui précède immédiatement le 11 novembre, qui est depuis la loi du 28 février 2012 le jour à l'occasion duquel il est rendu hommage à tous les morts pour la France. D'autant que la solution retenue par notre collègue auteur de la proposition de loi, le dernier jeudi du mois de mai, avait l'inconvénient d'avoir lieu dans un mois très « chargé » du point de vue commémoratif, surtout depuis l'instauration d'une journée nationale de la Résistance le 27 mai.
Ce changement nécessiterait de faire évoluer le nom de cette journée et, par extension, l'intitulé de la proposition de loi. Il s'agirait désormais de la journée de la mémoire de tous les morts pour la France et des victimes de guerre. Ce nouvel intitulé serait cohérent avec la nouvelle qualification du 11 novembre, qui résulte de la loi de 2012.
En conséquence, mes chers collègues, je vous invite à adopter la présente proposition de loi modifiée par les deux amendements que je vous ai présentés.