Je voudrais souligner deux paradoxes. D'une part, nous, parlementaires, déclarons régulièrement que nous légiférons trop. Le texte dont nous débattons ce matin, si son objet est louable, ne me semble pas relever de la nécessité législative la plus absolue. D'autre part, nous rappelons souvent l'idée qu'il faut laisser davantage d'autonomie aux établissements scolaires ; or ce texte se présente comme une injonction faite aux enseignants d'organiser une journée de mémoire. Les amendements que nous propose notre rapporteur illustrent bien cette ambiguïté puisqu'ils constituent une véritable réécriture du dispositif.
Autre point délicat, je ne suis pas sûre que ce texte règle le problème de l'absence des enfants aux commémorations auquel il aspire à remédier. Un jour férié commémoratif est souvent le prétexte de week-ends allongés ou de « ponts »... L'engagement citoyen passe après le temps de loisir. C'est malheureux mais notre société est ainsi faite.
Un travail de mémoire est déjà fait au sein des établissements scolaires dans le cadre des classes d'histoire. Si affaiblissement en la matière il y a, c'est à l'éducation nationale d'agir et de renforcer les outils pédagogiques. La mémoire partagée que vous appelez de vos voeux est nécessaire mais sa transmission peut se faire selon d'autres modes. Ainsi, au cours d'un déplacement récent dans le cadre de ma mission d'évaluation des nouveaux rythmes scolaires, j'ai pu assister à un atelier organisé dans une petite commune dont l'objet était le monument aux morts local. L'animatrice a ainsi pu apporter aux enfants rassemblés autour du monument des explications d'ordre historique et patrimonial, qui ont permis de donner du sens à ce travail de mémoire.
En conclusion, nous n'avons pas besoin d'une loi supplémentaire ; faisons plutôt confiance aux équipes enseignantes pour faire vivre notre mémoire nationale.