Il est vrai, comme le relève notre président, que c'est le secteur marchand qui doit créer l'emploi, mais sur les territoires que visent cette expérimentation, il y a des travailleurs privés d'emploi qui ne relèvent pas nécessairement du domaine de l'insertion et seraient en mesure de trouver rapidement un emploi classique : s'ils ne le trouvent pas, c'est parce que l'emploi, dans ces anciens bassins industriels, a disparu. Les entreprises industrielles ont fermé, et ceux qui y travaillaient depuis trente ou quarante ans se retrouvent au chômage. C'est ce qui est à l'origine de notre réflexion. Il s'agit de recenser, sur ces territoires, des emplois nouveaux qui sont pour l'heure peu solvables. Ce peut être des emplois atypiques, relevant du secteur marchand, du secteur public, ou à cheval sur les deux. Il peut s'agir de services aux personnes, de services de transport en complément du ramassage scolaire, ou de toute autre activité répondant à un besoin qui ne donnerait pas spontanément lieu à création d'emploi. L'intérêt de ces initiatives est de mettre tout le monde autour de la table - entreprises, collectivités, acteurs locaux et chômeurs - pour travailler ensemble à mettre en cohérence les besoins d'utilité sociale identifiés sur le territoire et les besoins et compétences des chômeurs de longue durée. C'est ce qui fait l'originalité de ce texte.
L'ARE n'est pas versée par l'Etat mais par l'assurance chômage. Pour que l'allocation qui était perçue par les chômeurs de longue durée qui auraient intégré le dispositif soit reversée au fonds, il faut une décision des partenaires sociaux, qui seront saisis une fois la loi votée.
Les dix territoires expérimentaux retenus seront choisis sur la base d'un appel à projets lancé par le fonds national. Les cinq territoires déjà engagés dans une telle expérimentation, s'ils se portent candidats, ont sans doute un peu plus de chance que les autres d'être retenus, mais rien n'est joué d'avance. On peut considérer que c'est peu, mais ce n'est pas rien que de mettre sur pied une telle expérimentation. La ministre s'est engagée à ce que soient retenus un territoire ultramarin et un territoire urbain. C'est un appel, pour ces territoires, à se porter candidat, puisque tout est fondé sur le volontariat.
J'en viens aux interrogations sur le financement. Je tiens à rassurer Michel Forissier : il n'y aura pas, pour les territoires, de charges nouvelles, puisque le principe même du projet est de réallouer des charges existantes. L'allocation que percevaient les chômeurs de longue durée sera reversée, dès lors qu'ils entreront dans le dispositif, au fonds national. Le seul besoin nouveau est d'amorçage : l'Etat s'en chargera en versant au fonds, ainsi que l'a annoncé la ministre à l'Assemblée nationale, 10 millions d'euros, ce qui suffira largement sachant que l'expérimentation ne portera, à terme, que sur 2 000 à 3 000 CDI et que le dispositif ne montera que progressivement en puissance.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les maisons de l'emploi. Si elles ne font pas partie des membres du conseil d'administration du fonds national, c'est qu'il n'en existe pas dans tous les territoires. En revanche, elles seront pleinement associées, partout où elles existent, aux comités locaux. Le conseil d'administration a pris du volume au cours des débats à l'Assemblée nationale, et j'espère que le Sénat aura la sagesse de ne pas en rajouter, au risque d'entraver son fonctionnement.
Quelle articulation avec l'insertion par l'activité économique ? Ce dispositif vise les chômeurs de longue durée. On peut discuter sur le seuil de douze mois d'inscription à Pôle emploi, mais je précise qu'il vient du travail mené sur le terrain. Cela permet de viser des demandeurs d'emplois immédiatement employables, sans fermer la porte à ceux qui sont au chômage depuis plus longtemps.
Pour répondre à Jean Desessard, le texte vise les chômeurs de plus de douze mois « involontairement privés d'emploi ». Les restrictions que j'ai indiquées ne font que traduire cette rédaction, qui signifie que ceux qui ont démissionné de leur emploi ou ont signé une rupture conventionnelle ne sont pas éligibles. Cela ne signifie pas que l'on ne puisse pas l'amender. Nous savons ce qu'il en est de la rupture conventionnelle, qui se substitue bien souvent à un licenciement économique. Pour moi, ce qui est important, c'est de conserver de la souplesse, sans verrouiller ni cadrer à l'excès l'expérimentation, au risque de perdre en efficacité.
Nous partageons tous la volonté de faire disparaître le chômage de longue durée, mais n'allons pas faire croire que cette seule expérimentation y suffira, au risque de créer des frustrations. Cet intitulé s'inspire des termes qu'avait à l'origine retenus ATD Quart Monde, qui évoquait une expérimentation visant à créer des territoires « zéro chômage de longue durée ». Cette formulation reflétait bien l'idée que, grâce au volontariat de tous les acteurs, on cherchait à parvenir, sur un territoire bien circonscrit, à résorber le chômage de longue durée.