Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 décembre 2015 à 9h35
Approbation du quatrième avenant à la convention entre la france et le grand-duché de luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune — Examen du rapport

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur :

Nous avons été pressés par le Gouvernement pour inscrire à l'ordre du jour le projet de loi autorisant l'approbation du quatrième avenant à la convention franco-luxembourgeoise de 1958.

Il n'y a pourtant aucune urgence car le présent avenant ne produira ses effets qu'à partir 2017, la ratification au Luxembourg étant intervenue le 7 décembre. Nous sommes donc obligés de travailler dans des délais très contraints sur un avenant qui, nous y reviendrons, n'est pas satisfaisant. En réalité, c'est un article paru dans un quotidien bien connu qui explique cet empressement. On se moque de nous, ce n'est que de la communication !

Sur le fond, la France et le Luxembourg sont liés depuis 1958 par une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, déjà modifiée par trois avenants.

Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner le projet de loi autorisant l'approbation du quatrième avenant à cette convention, qui vise à mettre fin à une situation de double exonération ancienne.

En principe, les plus-values immobilières de source française font l'objet d'un prélèvement au tiers, en application de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Toutefois, en raison d'une interprétation contradictoire de la convention franco-luxembourgeoise par les juridictions des deux pays, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises sont totalement exonérées d'imposition - et ce depuis plus de vingt ans.

Cette situation de double exonération a donné lieu à de nombreux montages particulièrement préjudiciables pour les finances publiques, dont les médias spécialisés se sont d'ailleurs parfois fait l'écho. Pour ne prendre qu'un exemple, la perte de recettes pour l'État liée à la non-imposition des plus-values dans la seule affaire de « l'Imprimerie nationale » est estimée à 40 millions d'euros, même si un contentieux est en cours.

Un précédent avenant, signé en 2006, a permis à la France de récupérer son droit d'imposer les plus-values immobilières en cas de détention directe des immeubles.

Toutefois, le Luxembourg avait refusé d'appliquer ces nouvelles dispositions aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière, comme le souhaitait la France.

Ainsi, un recours accru à des schémas d'optimisation reposant sur l'interposition de sociétés à prépondérance immobilière a été observé, ce qui permet de continuer à échapper à toute imposition.

Dès 2011, une nouvelle négociation a donc été engagée entre la France et le Luxembourg, qui a finalement abouti le 5 septembre 2014 à la signature d'un nouvel avenant à la convention.

Le présent avenant permet enfin de revenir sur cette absence totale d'imposition des plus-values immobilières, en transposant aux sociétés à prépondérance immobilière le principe de l'imposition dans le pays de situation de l'immeuble. Une plus-value réalisée sur un immeuble français ne sera donc plus exonérée de toute imposition.

Aux termes de l'article 2 de l'avenant, les cessions jusqu'à présent exonérées de toute imposition ne pourront toutefois être taxées par la France qu'à compter du 1er janvier 2017, sous réserve d'une ratification conjointe avant le 30 novembre 2016.

Comme je vous le disais, même si la France avait notifié sa ratification avant le 30 novembre 2015, une imposition des cessions effectuées à compter du 1er janvier 2016 n'aurait pas été possible, la ratification de l'avenant par le Luxembourg étant intervenue le 7 décembre 2015.

L'administration fiscale pourra toutefois mobiliser l'arme contentieuse en cas de réorganisation interne dont le seul objectif serait de faire échec à l'application des nouvelles dispositions prévues par le présent avenant, comme elle l'avait déjà fait avec succès après l'avenant de 2006.

En réalité, ce sont moins les délais d'entrée en vigueur du présent avenant qui me préoccupent que le maintien d'une fiscalité trop clémente pour les véhicules d'investissement immobilier. Il reste des possibilités de bénéficier d'une fiscalité extrêmement réduite !

Ces dernières années, la France a introduit dans plusieurs conventions fiscales une clause spécifique concernant les véhicules d'investissement immobilier, qui bénéficient sous certaines conditions d'une exonération d'impôt sur les sociétés en contrepartie d'une obligation de distribution des résultats. Il s'agit principalement des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) et des organismes de placement collectif investis en immobilier (OPCI) prenant la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).

Cette clause prévoit que les distributions de dividendes effectuées par ces véhicules d'investissement immobilier peuvent être imposées à la source sans restriction par l'État d'établissement du véhicule. En France, le taux de retenue à la source applicable est ainsi de 30 %.

Une telle clause est par exemple prévue par l'avenant à la convention franco-allemande que nous avons examiné la semaine dernière.

À l'inverse, le présent avenant ne comporte aucune clause spécifique concernant les véhicules d'investissement immobilier, comme l'ont d'ailleurs souligné de nombreux cabinets d'audit.

Or en application des dispositions existantes de la convention, ces véhicules d'investissement immobilier bénéficient d'une fiscalité particulièrement favorable.

Pour prendre un exemple concret, les dividendes versés par un OPCI français détenu à 25 % au moins par une société luxembourgeoise sont taxés à seulement 5 % en France et peuvent être exonérés d'imposition au Luxembourg.

Pour le Gouvernement, l'urgence de la mesure à prendre sur la non-imposition des plus-values immobilières commandait de réviser rapidement la convention sur ce seul point, et de renvoyer les autres demandes de la France à la révision plus générale de la convention convenue par les deux pays lors de la signature de l'avenant.

Toutefois, le Gouvernement nous a indiqué qu'il s'agit d'un chantier très lourd qui prendra certainement plusieurs années, même s'il pourrait être facilité par l'évolution récente de la position du Luxembourg en matière de coopération administrative et de transparence fiscale.

Je considère donc, compte tenu de ces délais, qu'il aurait été préférable de traiter l'ensemble du chapitre immobilier à l'occasion du présent avenant.

Sous cette réserve particulière forte, je vous propose toutefois d'adopter le projet de loi sans modification, dans la mesure où le présent avenant constitue un premier pas dans la bonne direction. On peut voir le verre à moitié plein.

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