Dans le cadre de cette nouvelle lecture, il convient, avant tout, de noter que l'Assemblée nationale a repris un nombre important de mesures adoptées par le Sénat la semaine dernière même si la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à établir un texte commun, en raison de plusieurs points de désaccords.
Tout d'abord, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire - d'environ 3 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2014 - et une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale, ce que la majorité sénatoriale ne peut accepter.
Le projet de loi traduit un dérapage des dépenses de l'État qui aurait dégradé encore davantage les finances publiques si ses effets n'avaient pas été limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ainsi que sur la charge de la dette.
Par ailleurs, l'ampleur inédite du schéma de fin de gestion en 2015 témoigne de l'incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu'il a lui-même fixées en loi de finances initiale et d'un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits.
Ce collectif budgétaire comporte également une réforme d'ampleur de la fiscalité énergétique qui aurait dû figurer dans la loi de finances initiale pour 2016 et qui alourdit la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages. Le débat aurait dû intervenir plus tôt dans la période budgétaire et être plus approfondi.
Enfin, même si l'adoption d'amendements est normale dans le cadre de l'examen d'un projet de loi, il convient de noter que de nombreuses mesures ont été introduites par le Gouvernement dans des conditions qui n'ont pas permis leur examen approfondi. À ce titre, la rapporteure générale du budget de l'Assemblée nationale est plus dure que moi puisqu'elle émet fréquemment un avis défavorable aux amendements déposés tardivement par le Gouvernement et ayant pour objet d'introduire d'importantes modifications.
Alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 comptait 44 articles initialement, dont l'article liminaire, il en comportait 110 à l'issue de la discussion en première lecture par l'Assemblée nationale. Lors de sa première lecture, le Sénat a adopté 64 articles conformes, en a modifié 34, supprimé 11 et ajouté 24, conduisant à ce que 69 articles restent en discussion en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Dans le cadre de cette nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté 44 articles dans leur rédaction issue du Sénat et modifié son texte de première lecture sur 12 articles, 11 d'entre eux aboutissant à un accord partiel avec les propositions du Sénat en première lecture et l'un ayant fait l'objet d'un amendement de coordination qui a eu pour effet de le rouvrir. Elle n'a ainsi rétabli son texte de première lecture que pour 10 articles et n'a supprimé que 4 articles introduits par le Sénat.
Parmi les dispositions reprises par l'Assemblée nationale figurent en particulier les suppressions de l'article 25 nonies relatif à l'extension de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), à laquelle nous nous étions fermement opposés, de l'article 30 ter instaurant la déductibilité de TVA pour les véhicules essence, de l'article 30 quater relatif à l'application rétroactive du taux spécifique de TVA à 2,1 % à la presse en ligne ainsi que de l'article 35 undecies obligeant les grandes entreprises à publier les informations relatives aux activités et aux bénéfices de leurs implantations pays par pays.
Au-delà de la confirmation de suppressions d'articles, l'Assemblée nationale a également adopté de nombreuses dispositions nouvelles introduites par le Sénat comme celles relatives à la réforme de l'ISF-PME à l'article 13, en reprenant plusieurs mesures telles que le plafonnement des frais ou l'exclusion de la promotion immobilière, ou encore nos apports à l'article 35 quater relatif aux dons aux victimes du terrorisme étendu en faveur des policiers, pompiers et militaires. Elle a également adopté l'article 42 bis A, qui impose au Gouvernement de déposer un rapport tous les ans sur le montant et l'utilisation des crédits reportés en retenant une date de remise au 30 juin ainsi que l'article 16 terdecies qui affecte la taxe d'aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » adopté à l'initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas.
Bien évidemment, ces apports du Sénat ne peuvent nous empêcher d'avoir certains regrets, en particulier en matière de fiscalité énergétique, l'Assemblée nationale étant notamment revenue sur son texte de première lecture sur l'article 11 relatif à la fiscalité des énergies et sur l'article 11 ter que nous avions supprimé en tant que cavalier budgétaire. L'Assemblée nationale n'a pas non plus repris nos propositions d'amélioration du comité consultatif du crédit d'impôt recherche à l'article 19 ni les compléments que nos avions apportés à l'article 20 sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Elle a enfin confirmé l'extension de la TVA à taux réduit pour les spectacles donnés dans des salles type discothèques.
Comme pour le projet de loi de finances pour 2016, je salue l'attitude constructive, malgré nos divergences, de Valérie Rabault, rapporteure générale du budget de l'Assemblée nationale. Pour autant, il me semble que, même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait pas de nature à beaucoup plus faire évoluer les choses, en particulier sur les points de désaccord majeurs, et alors que le calendrier d'examen du projet de loi est déjà très serré. En conséquence, je vous suggère de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Nous allons certainement aborder la question de l'article 21, sur lequel de nouvelles dispositions ont été introduites cette nuit et qui ont d'ores et déjà fait réagir plusieurs d'entre vous...