Intervention de Francis Delattre

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Débat sur le thème « les incidences du crédit d'impôt recherche sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays »

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

J’ai donc veillé au pluralisme des auditions, sans jamais renier l’intérêt d’un contrôle, par le Parlement, d’une dépense fiscale importante, s’établissant autour de 5, 5 milliards d’euros.

Au cours de la centaine d’auditions que nous avons menées pendant quatre mois, nous avons eu l’occasion de visiter les grands centres de recherche et développement de France – en région parisienne comme à Grenoble, à Nice, etc. – et de rencontrer les vrais acteurs de la recherche et développement.

Nous avons été impressionnés par la capacité d’innovation des chercheurs français, qui sont de véritables pépites pour notre pays. Ce terme « pépite » a d’ailleurs été repris au cours des derniers jours par les médias anglo-saxons, à l’occasion du Consumer electronics show qui se tient en ce moment même à Las Vegas et donne lieu à une compétition entre les meilleures start-up des grands pays développés.

Il est réjouissant de constater que notre pays compte des chercheurs bien formés, mettant au point les innovations de demain, que le monde s’arrache.

Il est donc apparu très vite que le CIR est parfaitement en phase avec les besoins actuels du pays. Indéniablement, ce dispositif est un élément d’attractivité de la France, qui en a besoin. Il influence positivement le choix d’entreprises étrangères au regard de leurs implantations dans le monde, étant précisé que le CIR contribue à réduire de 10 %, en moyenne, le coût des ingénieurs en recherche et développement.

La véritable actualité, mes chers collègues, ce sont les entreprises françaises de taille intermédiaire qui ont pris aujourd’hui des positions stratégiques en recherche et développement, notamment dans le secteur de l’automobile. Mais naturellement, reste l’immense problème du financement de leurs applications sur le territoire national, où elles rencontrent des difficultés d’accès au financement à moyen et long termes, faute d’une véritable politique favorisant le capital-risque.

Lors des auditions, les plus dures critiques ont émané de chercheurs visiblement militants de la recherche publique, déplorant de ne pas avoir suffisamment de moyens, alors que ceux des entreprises étaient en développement. Mais ce n’était pas véritablement le sujet !

En outre, le dispositif du CIR permet de cofinancer une partie de la recherche publique dans le cadre de projets mixtes. Ce point, insuffisamment connu, nous a été confirmé par le directeur des études du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui estime que 500 millions d’euros émanant du CIR contribuent à des projets mixtes.

Cette orientation, complétée d’une meilleure implication avec les universités, est la meilleure façon de briser des barrières, aujourd’hui totalement dépassées. Il faut accentuer ce mouvement.

Le rapport qui nous a été présenté formulait cinq grandes critiques.

Première critique : un détournement fiscal massif. Nous avons rencontré les services fiscaux de plusieurs départements particulièrement concernés par la recherche-développement. Si le constat qu’a dressé Mme la rapporteur a été évoqué, il n’a jamais été observé par ces services. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, nous a confirmé que le sujet était parfaitement maîtrisé. Qui peut croire que, dans notre pays, l’administration fiscale ne serait pas capable de détecter des détournements massifs ?

Bien sûr, une difficulté technique a été souvent évoquée, à savoir le contrôle du périmètre de la recherche. Parce qu’un inspecteur des impôts n’est pas forcément un scientifique, il doit agir en tandem avec un expert nommé par le ministère de la recherche et du développement et un responsable des services fiscaux. La difficulté, c’est que les experts ne sont pas assez nombreux. Ce qui ne justifie pas de condamner le dispositif.

En sus des détournements dont on a longuement démontré qu’ils étaient fictifs, Mme la rapporteur a soulevé à de nombreuses reprises une autre critique : il n’y aurait aucune corrélation entre le CIR et la création d’emplois.

Je rappellerai juste que, lors de son audition, Marko Erman, directeur technique chargé de la recherche et de l’innovation du groupe Thales, une grande entreprise française, nous a déclaré que le recrutement sur un emploi en recherche et technologie engendre la création de dix autres emplois en développement et en production !

Au surplus, la réforme de 2008 a fait passer le nombre des entreprises bénéficiant du CIR de 5 000 à 20 000. Nous sommes donc loin des quarante entreprises du CAC 40 qu’on désigne toujours comme les grands « détourneurs » du dispositif !

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