Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Débat sur le thème « les incidences du crédit d'impôt recherche sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays »

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Nous avons tous le droit de nous interroger sur le bien-fondé de cette importante dépense fiscale et sur ses effets concrets sur l’activité économique, sur celle des laboratoires de recherche, sur l’emploi des docteurs et doctorants, sur le devenir de nos universités et établissements publics, et je pourrais allonger la liste sans difficulté !

L’enjeu est connu : notre économie ne peut se développer et trouver, notamment, les voies d’une croissance économe en ressources naturelles et respectueuse du travail des hommes et des femmes que si l’effort de recherche trouve sa pleine expression.

Pour ne prendre que l’actualité – je ne saurais la qualifier de « brûlante » – des enjeux de la COP 21, il est évident que nous devons renforcer les potentiels de recherche et d’expérimentation dans les domaines des économies d’énergie, du recyclage de matériaux jusqu’à présent voués à l’abandon, des énergies renouvelables ou encore des modes de transport économe.

N’oublions pas qu’à l’entrée les investissements des entreprises en faveur de la recherche bénéficient de la TVA déductible, parfois de certaines formes d’amortissement dégressif et qu’à la sortie ils peuvent aussi se traduire par la plus faible taxation des reventes de brevets !

Comme je le rappelais, 5, 58 milliards d’euros de CIR prévus en 2016, cela équivaut à 10 % de l’impôt sur les sociétés brut ! C’est un peu comme si les ménages mensualisés pour l’impôt sur le revenu étaient exemptés d’un versement !

Mais 5, 5 milliards d’euros, cela représente aussi, par exemple, plus de 40 % des crédits ouverts pour le fonctionnement de nos universités, notamment le recrutement et la rémunération des enseignants-chercheurs, et plus de deux fois les crédits que nous consacrerons en 2016 à l’amélioration des conditions de vie des deux millions et demi d’étudiants que compte notre pays !

Nous pouvons d’ailleurs nous demander, de manière liminaire, s’il y a lieu d’apporter aux entreprises une facilité fiscale de plus, pour une activité somme toute naturelle – celle qui consiste à rechercher et innover pour produire plus et mieux à moindre coût – de l’entreprise, si tant est qu’elle veuille se développer et tenir face à la concurrence effectivement sévère.

Des crédits d’impôt et des mesures fiscales dérogatoires, il y en tant pour les entreprises que l’on peut en venir à se demander si la France, contrairement à ce qui est dit ici et là, est un authentique paradis fiscal légal. §Au-delà du seul cas du CIR, bien entendu, puisque le budget de l’État, à la lecture des documents fournis par le ministère lui-même, comprend pour près de 175 milliards d’euros de mesures d’allégement fiscal, de remboursement, de dégrèvement et autres destinées aux seules entreprises : le tout pour parvenir à un impôt sur les sociétés rapportant aujourd’hui à peine plus de 30 milliards d’euros…

Le crédit d’impôt recherche est censé faciliter le développement de l’emploi technique, de l’ingénierie, de l’emploi scientifique.

Atteint-on l’objectif, dans un contexte marqué par la précarisation du travail des équipes de recherche, notamment dans les établissements publics où les budgets consistent désormais en enveloppes fongibles et non plus en postes budgétaires ?

On pourrait le penser au regard de la hausse régulière du nombre d’entreprises – cela a été rappelé – qui sollicitent le crédit d’impôt recherche. Mais, en fait, il semble bien que, selon leur grande habitude consistant à répartir les coûts, certaines entreprises aient décidé de jouer des effets du seuil du dispositif CIR pour multiplier les petites structures de recherche « dédiée », sociétés sous-traitantes et vassales des groupes pour lesquels elles sont appelées à consommer de la « matière grise » pour produire de la dépense éligible au crédit d’impôt !

Cela signifie que, à la précarisation renforcée de l’emploi dans les organismes publics de recherche, victimes des politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique, nous ajoutons la précarisation de l’emploi dans le secteur privé, le crédit d’impôt suscitant la création d’entreprises de petite taille et d’une durée de vie limitée.

De plus, il est tout de même étrange de constater que, sous le quinquennat de M. Sarkozy, nous n’eûmes qu’une erratique croissance d’un dixième de point par an

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