Intervention de Alain Duran

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Débat sur le thème « la forêt française en questions »

Photo de Alain DuranAlain Duran :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son rapport publié en novembre 2014 sur la situation de la filière française du bois, la Cour des comptes a dressé un bilan critique et appelé à une amélioration de son fonctionnement.

Les constats qu’elle a dressés à l’égard d’une filière qui accuse un déficit commercial structurel très important trouvèrent un écho en 2015 dans deux nouveaux rapports d’information parlementaires, l’un émanant de l’Assemblée nationale et l’autre de nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel.

À chaque occasion, il a été souligné que l’enjeu principal de la politique forestière n’était plus nécessairement aujourd’hui l’accroissement de la surface forestière, mais bien une meilleure gestion de celle-ci. La forêt française est en effet globalement sous-exploitée et elle est insuffisamment entretenue au regard d’une gestion sylvicole durable. Il en résulte que la France n’est pas la puissance forestière qu’elle pourrait être.

Le morcellement très important de la forêt française, qui est privée à 75 %, est le premier facteur de cette sous-exploitation. Les propriétés sont en effet, le plus souvent, de taille trop modeste pour être exploitées de manière rentable.

La forêt ariégeoise, que je connais bien, donne à cette problématique une illustration significative. Apte à produire différentes qualités, allant du bois d’œuvre au bois d’énergie, elle est pourtant de plus en plus difficilement valorisable. La récolte de bois est très faible au regard de l’accroissement naturel de la surface forestière : 18 % seulement de la production annuelle est prélevée chaque année.

Surexploitée aux XVIIIe et XIXe siècles pour l’usage des forges catalanes et des industries, la forêt ariégeoise a progressivement, au cours du XXe siècle, regagné des pans entiers du territoire, du fait de l’exode rural et de la transformation de l’agriculture.

Cette situation issue de la déprise agricole a occasionné un morcellement très important. Aujourd’hui, alors que le taux de boisement du département dépasse les 50 %, plus de 90 % des parcelles sont inférieures à 4 hectares. Cet émiettement du foncier ne permet pas aux propriétaires d’avoir une approche économique de leur patrimoine.

Confronté à un accroissement biologique très important et insuffisamment géré, le département est aujourd’hui exposé à « un vrai risque d’avalanche végétale ». Vous le savez, mes chers collègues, une forêt mal gérée se dégrade, maintient des peuplements dans un état insuffisant pour produire de la qualité, amoindrit la qualité paysagère et assure avec moins d’efficacité ses fonctions écologiques.

Dès lors, l’amélioration du foncier forestier représente un enjeu majeur pour la mobilisation et la gestion durable de cette ressource.

À ce titre, la nouvelle assemblée départementale, élue en mars 2015, a mis en place un projet forestier global à l’horizon de 2050 visant à améliorer la qualité de la forêt ariégeoise. Désormais amorcé, il encourage notamment les regroupements par l’accompagnement et le conseil aux propriétaires, et par l’installation de gestionnaires exploitants sylviculteurs.

La constitution d’unités de gestion viables permet de mutualiser les moyens de production, de rationaliser les politiques de coupe et d’engendrer des économies d’échelle importantes. Pour ce faire, le conseil départemental s’appuie notamment sur les dispositions de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, laquelle favorise la constitution de groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, et simplifie les regroupements forestiers. Un groupement d’intérêt public, ou GIP, rassemblant les divers acteurs concernés du département – le conseil départemental, l’État via la direction départementale des territoires, la Fédération pastorale de l’Ariège, la chambre d’agriculture, le parc naturel régional et le centre de formation pour la promotion agricole, le CFPPA –, permettra d’instituer un lieu de régulation et de coordination en vue d’une gouvernance partagée et d’une mutualisation des moyens et personnels, dans le contexte de la fin de la clause de compétence générale issue de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Cette gestion proactive des parcelles forestières recèle de nombreux effets positifs. Le travail en amont au niveau de la production favorise le développement de la filière en aval, offrant des débouchés en circuit court pour les propriétaires forestiers – ce sont souvent des agriculteurs –, qui en tirent des compléments de revenus. Ce cercle vertueux est porteur d’une relocalisation économique de l’ensemble de la filière, dont nos territoires ruraux ont besoin pour créer des emplois et de la valeur ajoutée.

Le développement de la sylviculture et une gestion durable des forêts assurent, en outre, des progrès substantiels en termes de qualité environnementale, et contribuent à améliorer la qualité de vie des habitants et à accroître l’attrait touristique d’un territoire.

Parce que nous connaissons le terrain, ainsi que nos administrés, lesquels sont souvent des propriétaires, notre rôle en tant qu’élus proches des territoires est, dès lors, primordial pour soutenir le déclenchement de telles démarches et jouer un rôle de médiateur entre les attentes individuelles et les intérêts collectifs au travers de ces microprojets.

Grâce à de nouvelles méthodes d’aménagement du territoire, la forêt pourrait certainement être perçue comme l’un des moteurs de l’économie de nos territoires ruraux de montagne, et non plus, faute d’être exploitée, comme un danger.

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