Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Débat sur le thème « la forêt française en questions »

Stéphane Le Foll :

Par ailleurs, se pose aussi la question de l’approvisionnement des secteurs de première et de deuxième transformations. Cela rejoint le constat que je faisais précédemment à propos du faible volume de bois à l’hectare, qui doit avoir des conséquences sur la transformation. Nous devons être plus offensifs.

Cela passe, d’une part, par le label « Union européenne » apposé sur les lots de bois vendus par l’ONF depuis septembre 2015, une mesure qui, il faut le rappeler, commence à porter ses fruits, et, d’autre part, par le renforcement de la réglementation sanitaire en matière de certification à l’export. Une telle action, tout en ayant une influence sanitaire forte sur le bois, nous évitera d’être un producteur de matière première qui exporte des billes de bois, au lieu de les transformer, et qui importe des meubles – nous sommes en train de mettre au point un dispositif à ce sujet.

Enfin, la question du soutien au matériau bois dans la construction, deuxième objectif majeur, est posée.

Nous devons en effet ouvrir des perspectives de débouchés, en particulier pour les feuillus. Tel est l’objet de l’appel à manifestation d’intérêt pour les immeubles de grande hauteur en bois que j’avais lancé et qui est financé par le commissariat général à l’investissement à hauteur de 5 millions ou 6 millions d’euros.

Cela conduira des acteurs à manifester concrètement leur intérêt pour ces tours en bois dans chaque territoire. Nous sommes en train de procéder au recensement des projets. Je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous pouvez être intéressés par la construction de tours en bois dans vos territoires. Les bâtiments ainsi construits utiliseront des feuillus – nous en avons déjà quelques exemples – et seront innovants. Cette action entre dans le cadre de la stratégie industrielle de la filière du bois présentée voilà deux ans, qui trouve concrètement aujourd’hui un débouché.

En effet, il faut des débouchés pour produire et valoriser la production. Je suis donc très heureux de vous annoncer que cet appel à projets, qui concerne tant les territoires ruraux que les villes, apporte une réponse à la construction d’immeubles de grande hauteur. Il s’agit d’un dossier important, sur lequel je m’impliquerai personnellement. Nous organiserons d’ailleurs un concours international d’architecture : en utilisant ce matériau, on doit faire du beau, on doit attirer l’œil. Cela démontrera que le bois peut favoriser l’architecture et le logement, et qu’il renouvelle ainsi la construction. Cela fait partie des choix stratégiques sur lesquels nous devons travailler.

Toutes ces actions sont en œuvre. Aussi, il importe que l’ensemble des ministères concernés poursuivent leur implication : il faut regrouper et organiser ces actions. D’où les dispositifs fiscaux évoqués lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dont certains sont d’ores et déjà applicables, comme le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement, le DEFI, qui est garanti et revalorisé, le compte d’investissement forestier et d’assurance, le CIFA, qui permet de mobiliser le bois dans les forêts privées, ainsi que les GIEEF ou les appels à projets.

Certes, on peut aller au-delà – c’est toujours possible ! –, mais on a déjà beaucoup fait. Il convient maintenant de procéder à l’évaluation des mesures en vigueur – je propose que le Sénat participe à ces travaux –, afin d’envisager d’autres mécanismes fiscaux, dont l’effet de cliquet serait encore plus incitatif, en vue de mobiliser la ressource bois. Toutefois, le DEFI et le CIFA sont d’ores et déjà des outils opérationnels et sont très importants pour ce secteur.

Du reste, nous devons favoriser l’investissement et l’innovation.

Je l’ai dit tout à l’heure à propos du volume de bois et de l’organisation de la production, nous devons favoriser les regroupements pour mutualiser les coûts, notamment en matière de collecte. Mais cette filière a aussi besoin d’innovation technique. Certains d’entre vous l’ont souligné, à juste titre, il faut se méfier de la monoculture ou encore des coupes rases. La vieille technique du taillis sous futaie existe depuis très longtemps. Elle a toujours été contestée, mais elle dure depuis 300 ou 400 ans, et elle est durable puisque nous avons encore des forêts parfaitement entretenues aujourd’hui.

Néanmoins, il faut aussi être techniquement capable d’évoluer sur ce sujet. Le stockage du carbone par les sols agricoles, que nous avons soutenu dans le cadre de la COP21, vaut aussi pour les sols forestiers. En effet, ces derniers peuvent aussi y contribuer, avec le bois qui pousse dessus, à condition que la forêt ait aussi une vocation économique : on peut passer de vingt mètres cubes à l’hectare à trois mètres cubes à l’hectare. Or plus il y a de mètres cubes de bois à l’hectare, plus on peut stocker de carbone ; mais plus on a de bois, plus il faut le valoriser et plus nombreux doivent être les débouchés. Tout cela se tient.

Aussi, nous serons attentifs aux stratégies de mutualisation au travers des regroupements, notamment les GIEEF, car l’innovation est un sujet très important.

Voilà pourquoi nous avons mis en place une mission innovation forêt-bois 2025, comme nous l’avions précédemment fait pour l’agriculture. Cette mission regroupe cinq ministères, dont le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, qui, j’y insiste, en est à l’initiative, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique. Tous les ministères concernés sont représentés.

Dans la feuille de route stratégique, l’un des objectifs de cette mission est de réfléchir à la manière d’utiliser tous les outils qui sont à notre disposition dès aujourd'hui et, surtout, qui le seront demain. Je pense, en particulier, aux réflexions que nous devons conduire sur les systèmes innovants de collecte et de regroupement de celle-ci que j’ai vus et dont j’ai entendu parler.

Sur ce plan, j’essaierai d’œuvrer en faveur du développement de la collecte de bois par dirigeable. En effet, la mise en place d’infrastructures pour aller chercher le bois coûte très cher, notamment dans les zones montagneuses, et cela limite la mobilisation du bois. Toutefois, la mise en œuvre des innovations existant en matière de collecte et de ramassage du bois nécessite aussi que l’on soit capable de regrouper la production, car ces innovations ne peuvent fonctionner qu’à la condition que l’on ait, au sol, suffisamment de bois à collecter.

Les objectifs en la matière devront être formalisés.

D’autres objectifs seront définis concernant les innovations en matière de financement. Comme je le disais précédemment, il faudra consacrer 25 millions d’euros, sur les 100 millions d’euros mobilisés dans le cadre à la fois du fonds stratégique, du PIA et du FEADER, aux innovations dans ce domaine. En effet, de plus en plus de fonds peuvent être intéressés à la forêt, compte tenu de l’enjeu stratégique que représente celle-ci dans le contexte de la COP 21, comme cela a d'ailleurs été dit par une sénatrice.

La mobilisation de fonds nouveaux contribuera à la réalisation de l’objectif de repeuplement.

C’est aussi l’objet de la mission innovation forêt-bois 2025, dont les résultats devraient être connus d’ici au mois de mars prochain. Ceux-ci seront présentés au Sénat. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble très important que vous disposiez des grands éléments qui permettront d’identifier les projets innovants d’ici à dix ou quinze ans et d’établir un plan d’action sur le financement, en mobilisant tous les outils de financement existants. L’innovation passe aussi par la mobilisation des fonds disponibles sur le PIA 3 pour 2016, qui constitue également un enjeu pour la forêt.

Au-delà des constats – ils sont connus –, il fallait se donner les moyens et les outils d’organiser une filière. L’histoire a montré que ce n’est pas si simple… La prise en compte de spécificités, en particulier pour ce qui concerne les grandes forêts résineuses – suivez mon regard…–, n’empêchera pas la mise en place d’interprofessions et l’organisation de la filière bois-forêt de manière générale. Cette évolution est très importante : elle permettra que les interprofessions aient aussi la capacité de lever les CVO, les fameuses contributions volontaires obligatoires, et, ainsi, d’intégrer dans les financements les moyens de lutter contre les problèmes sanitaires, de manière à gérer l’avenir. Cette possibilité existe déjà du côté de la forêt des Landes. Elle devrait être élargie. À cet égard, le programme national de la forêt et du bois, dont les grands axes seront présentés au début du mois de février, permettra de mobiliser stratégiquement les acteurs.

Organiser la filière, fixer les grands objectifs stratégiques, jouer sur les grandes innovations de demain, disposer de nouveaux débouchés, avec, en particulier, les bâtiments de grande hauteur, tout cela fait partie de la stratégie forestière qui vise à redonner à la forêt française, en métropole comme en outre-mer, au-delà de la dimension patrimoniale qu’on lui connaît, de son importance environnementale, de son rôle en matière de biodiversité, de son caractère multifonctionnel, qu’elle doit conserver, une fonction économique. En effet, la forêt est un élément de développement de nos territoires. Nous en sommes tous convaincus !

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