Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays livre depuis maintenant quarante ans une bataille pour l’emploi, dont le déclenchement remonte aux deux chocs pétroliers qui ont remis en cause le modèle de croissance bâti durant les Trente Glorieuses.
Confrontés à une aggravation constante de la situation et à une conjoncture économique dégradée, les gouvernements successifs ont dû gérer l’urgence et développer un traitement social du chômage qui préserve de moins en moins les demandeurs d’emploi, notamment les chômeurs de longue durée, de la grande précarité et de l’exclusion, et montre ses limites quand il s’agit d’assurer leur réinsertion professionnelle.
La crise économique mondiale, à partir de 2008, puis les incertitudes qui ont plané sur la soutenabilité des dettes souveraines européennes, ont fait augmenter durablement le nombre de chômeurs dans notre pays. Plus encore, c’est l’effectif des personnes sans emploi depuis plus d’un an, dont l’employabilité a diminué tout autant que les chances de retrouver un emploi stable, qui a connu la plus forte hausse : entre 2008 et 2015, le nombre a bondi de 147 %.
Face à ce fléau, il serait illusoire de croire à l’existence d’une seule et unique solution miracle. Bien entendu, la réponse est multiple, comme l’illustre l’action du Gouvernement depuis 2012. Elle passe par une meilleure formation initiale et continue, à l’instar du plan de 500 000 formations supplémentaires dédiées aux chômeurs qui vient d’être annoncé par le Président de la République ; par un renforcement de la compétitivité des entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ; par un soutien à l’embauche dans les PME, ou encore par la prochaine refonte du code du travail, afin de donner davantage de place aux accords d’entreprise et de branche sans remettre en cause les droits des salariés.
Dans ce combat pour l’emploi, il ne faut écarter par principe aucun dispositif innovant. En la matière, l’imagination ne doit pas être bridée, et les expériences méritent d’être tentées.
Telle est la philosophie des initiateurs du présent texte, qui s’attaque au chômage de longue durée, celui qui touche surtout les publics les plus fragiles et met en péril la cohésion sociale dans notre pays.
Je souhaite rendre hommage aux associations qui ont inspiré ce projet, plus spécialement à ATD Quart Monde, dont des représentants sont présents ce soir dans les tribunes du Sénat, ainsi qu’à notre collègue député Laurent Grandguillaume, qui s’est fortement investi dans l’élaboration de cette proposition de loi et l’a beaucoup enrichie, en tant que rapporteur, lors de son examen par l’Assemblée nationale.
Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu du dispositif, que la commission a adopté sans modification le 16 décembre dernier.
Je rappellerai simplement qu’il autorise, sur des territoires d’expérimentation définis et restreints, des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en contrat à durée indéterminée, ou CDI, des demandeurs d’emploi de longue durée, qui seront rémunérés au moins au SMIC pour effectuer des prestations répondant à des besoins économiques et sociaux non satisfaits localement. L’objectif est de les rendre solvables grâce à une réallocation, totale ou partielle, des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées.
Cette proposition de loi est à la fois modeste et ambitieuse. Modeste, car il ne s’agit à ce stade que d’un dispositif expérimental, pour une durée maximale de cinq ans et limité à dix territoires volontaires. Ambitieuse, car elle pourrait entraîner à terme un changement de paradigme de la politique de l’emploi, en donnant la priorité à l’activation des dépenses dites « passives » liées au chômage.
De surcroît, il faut se réjouir du fait que le texte dont nous débattons aujourd’hui ait pu être enrichi grâce aux avis sollicités par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Ce dernier a confié à l’Agence nouvelle des solidarités actives, l’ANSA, la réalisation d’une étude de faisabilité du projet. Le président de l’Assemblée nationale a, quant à lui, saisi le Conseil d’État, dont les remarques ont permis d’améliorer la sécurité juridique du dispositif, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dont l’avis met l’accent sur les conditions de réussite de l’expérimentation – un avis adopté à l’unanimité, moins une abstention, un fait suffisamment rare pour être noté.
Par ailleurs, il est heureux de constater que le présent texte promeut non pas un mécanisme conçu et piloté par l’administration centrale, mais un projet pensé, partagé et porté par et dans les territoires.
Les amendements que j’ai déposés dès la semaine dernière sur ce texte, cosignés ensuite par mes collègues membres du groupe socialiste et républicain, tendent à s’inscrire dans la lignée des pistes de réflexion que j’avais identifiées dans mon rapport. Les dispositions prévues répondent également aux remarques formulées par plusieurs collègues en commission, où ce texte a fait l’objet d’un débat très riche et très ouvert.
Certains de ces amendements visent à assurer des coordinations et clarifications juridiques, tandis que d’autres ont pour objet d’apporter des modifications plus substantielles au texte initial.
En premier lieu, il m’a semblé utile de ne pas limiter le bénéfice de l’expérimentation aux personnes ayant subi un licenciement, autrement dit aux personnes « involontairement privées d’emploi », pour reprendre les termes juridiques adaptés. Il convient de l’élargir à toutes les personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, inscrites à Pôle emploi, quel que soit le motif de rupture de leur précédent contrat de travail. Ainsi, les personnes ayant démissionné de leur emploi ou celles qui ont conclu une rupture conventionnelle ne seront plus exclues de l’expérimentation, et ce dans le souci de ne pas complexifier le dispositif et de le laisser le plus ouvert possible.
En deuxième lieu, j’ai souhaité renforcer le volet relatif à l’accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée. Certes, ces personnes sont en général moins éloignées de l’emploi que celles qui travaillent, par exemple, dans les structures d’insertion par l’activité économique. Il n’en demeure pas moins que des actions d’accompagnement spécifiques sont nécessaires, comme l’ont souligné de concert l’ANSA et le CESE, afin, notamment, d’inciter et d’aider les salariés à travailler, ensuite, dans des structures non couvertes par l’expérimentation.
C’est pourquoi nous souhaitons que le comité local, pivot du dispositif, soit chargé de déterminer les modalités d’accompagnement de tous les salariés de l’entreprise conventionnée. Bien entendu, cette structure agira en lien étroit avec les acteurs du service public de l’emploi comme Pôle emploi, les missions locales pour les jeunes et Cap emploi, pour les personnes handicapées, notamment.
En troisième lieu, il m’est apparu indispensable de bien distinguer, d’une part, le bilan de l’expérimentation, essentiellement de nature comptable et financière, qui peut et doit même être réalisé par le fonds, et, de l’autre, l’évaluation de celle-ci, fondée sur une analyse économétrique, qui doit être menée par un comité scientifique indépendant, à l’instar de ce qui a été prévu et mis en œuvre avec succès pour l’expérimentation de la Garantie jeunes.
En effet, chacun en conviendra, le fonds ne doit pas être juge et partie en matière d’évaluation ; il n’en aurait d’ailleurs pas les compétences. Cette distinction est fondamentale, car c’est à l’aune de cette évaluation que l’expérimentation débouchera ou non sur un dispositif pérenne, que nous appelons tous, bien entendu, de nos vœux.
En quatrième et dernier lieu, je souhaite clarifier les règles liées à la prise en charge de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt prématuré de l’expérimentation décidée par le fonds.
C’est dans ce cas de figure uniquement que le présent texte présume l’existence d’un motif économique au licenciement, et oblige le fonds à participer au paiement de l’indemnité de licenciement. Dans tous les autres cas, si l’entreprise souhaite se séparer de l’un de ses salariés pour un motif personnel ou économique, ce sont bien les règles de droit commun du code du travail qui s’imposent à elle.
Le 18/01/2016 à 17:40, Daniel Blivet a dit :
Madame,
La solution c'est la conjugaison de l'amélioration importante du pouvoir d'achat et de l'offre, pour que ce surplus d'activité profite à l'activité en France, et non aux importations. Pour cela, pas besoin de finances de l'Etat,ni des collectivités territoriales, seulement de se retrousser les manches : travailler plus longtemps pour le même prix pour les salariés et baisser les prix à due concurrence pour les entrepreneurs.
Ainsi 42h00 payées 35h00 permet une baisse des prix de 16,67% et une augmentation du pouvoir d'achat de 20% pour tous. C'est autrement plus éfficace que de jouer les chaises musicales avec les financements. Les impôts supplémentaires retirent autant du disponible pour l'activité ( consommation ou investissements) les économies retirent tout autant en annulant des dépenses de consommation ou d'investissements!
Cordialement.
Le 23/12/2016 à 07:38, robben009 a dit :
bonjour, pour lutter contre le chomage il faut apprendre au enfant qui serront les futurs travailleurs l'importance du travail.
Le 16/01/2016 à 16:21, Daniel Blivet a dit :
Madame, depuis la première crise pétrolière de 1974, aucune mesure économique n'a été prise pour maintenir le pouvoir d'achat qui aurait permis de maintenir l'activité. Aujourd'hui encore, vous êtes en recherche de la quadrature du cercle et toutes les mesures prises depuis 40 ans tournent finalement au traitement social du chômage comme celle-ci qui sollicite tant de déploiement d'énergie des élus de la nation. Vous n'avez pas intégré les ressorts qui animent l'économie et vous condamnez des millions de citoyens à la désespérance par votre incapacité à les comprendre .
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui