Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 13 janvier 2016 à 21h00
Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a le mérite d’apporter une certaine fraîcheur au débat public sur la question du chômage qui est depuis trop longtemps sclérosé.

Madame la ministre, vous l’avez affirmé à juste titre : nous n’avons pas tout essayé !

Loin de restreindre ces enjeux à la seule question de la compétitivité des entreprises ou de la prétendue rigidité du code du travail, la présente proposition de loi prévoit de partir du concret, de la base, à savoir les territoires.

Ce texte se fonde sur un triple constat.

Tout d’abord, il est le fruit de la réflexion d’acteurs mobilisés sur le terrain, comme ATD Quart Monde, qui ont depuis longtemps compris que les chômeurs ont envie de travailler, qu’ils ne sont pas des assistés satisfaits de leur inactivité et qu’ils ne demandent qu’à mettre leurs compétences au service de la société.

Ensuite, il s’appuie sur le fait que beaucoup de travail utile à la société n’est pas réalisé, qu’il s’agisse des actions culturelles, assurant du lien social, des services à la personne ou de l’amélioration du cadre de vie ; les territoires et leurs habitants ont besoin d’activités qui, faute d’être suffisamment rentables, ne sont pas effectuées.

Enfin, la privation de travail d’une partie de plus en plus importante de la population active coûte très cher à la société, bien plus que les simples allocations versées. Ainsi, ATD Quart Monde estime qu’un chômeur de longue durée représente 15 000 à 17 000 euros de dépenses, chaque année, pour la collectivité. C’est un manque de recettes en termes d’impôts ou de cotisations sociales, mais c’est aussi un sinistre humain et social, dont la réparation sera très coûteuse : précieux savoir-faire perdus, déconsidération, liens rompus, couples fragilisés, santé précarisée, décrochage scolaire des enfants.

Partant de cette analyse, le député Laurent Grandguillaume, avec le soutien d’ATD Quart Monde, propose au travers de ce texte une expérimentation qui apporte des réponses concrètes.

Le dispositif proposé est simple : il suffit de réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs longue durée involontairement privés d’emploi dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ces crédits pour créer des CDI à destination de ces personnes, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux préalablement identifiés.

Cette proposition de loi est bénéfique à trois niveaux.

Premièrement, elle est bénéfique aux chômeurs de longue durée. Elle leur permettra de retrouver un vrai emploi et des perspectives, de mobiliser leurs compétences et d’en apprendre de nouvelles. Le fait que le contrat retenu soit le CDI est positif, car il s’agit d’un vecteur de stabilité pour des travailleurs habitués jusqu’alors à cumuler des petits boulots précaires.

Deuxièmement, elle est bénéfique aux territoires. L’identification de leurs besoins et l’utilisation de structures de l’économie sociale et solidaire vont leur permettre de satisfaire les besoins de leurs populations et d’aider à leur développement.

Troisièmement, cette proposition est bénéfique à la société tout entière. Elle permet de transformer des dépenses passives en investissements utiles, tout en diminuant les dépenses indirectes liées à la précarité.

J’ajoute, même si tel n’est pas son objet principal, que ce texte permet de pointer les insuffisances du secteur privé dès lors qu’il s’agit de satisfaire certains besoins sociaux de la collectivité. En effet, le marché privé concurrentiel délaisse des pans entiers d’activités dont la valeur lucrative est jugée insuffisante, alors même qu’ils sont créateurs de valeur d’usage. En mettant en avant les structures de l’économie sociale et solidaire, ce texte démontre toute l’importance qu’elles ont dans notre société.

En ce qui concerne la mise en œuvre, ce texte retient une bonne méthode, à savoir l’expérimentation. Les territoires qui se porteront volontaires permettront d’accumuler suffisamment d’expérience, en vue de songer, ensuite, à une généralisation du dispositif. Du reste, Mme la ministre l’a rappelé, une évaluation intermédiaire est prévue, à dix-huit mois de la fin de l’expérimentation, pour analyser véritablement les impacts en termes d’emploi.

Certes, seuls 2 000 chômeurs de longue durée seront concernés, mais il faut bien commencer, et l’échelle d’expérimentation retenue nous semble pertinente.

Concernant les publics cibles, nous soutiendrons l’amendement de Mme la rapporteur visant à inclure les personnes ayant signé une rupture conventionnelle dans la liste des bénéficiaires potentiels. Nous le savons, les ruptures conventionnelles sont souvent des licenciements déguisés. Il serait injuste de considérer que tous les salariés y ayant eu recours ont quitté leur précédent poste le cœur gai et volontairement.

En conclusion, les membres du groupe écologiste soutiendront avec enthousiasme cette proposition de loi novatrice et bénéfique pour toute la collectivité. Redonner une chance de travailler aux exclus, dynamiser des territoires en créant de nouveaux services et réduire le coût de la précarité pour la collectivité : les objectifs et la méthode de cette proposition de loi sont louables et même exemplaires. Voilà pourquoi nous voterons ce texte.

1 commentaire :

Le 16/01/2016 à 16:39, Daniel Blivet a dit :

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Madame, certes vous n'avez pas tout essayé, mais cette expérimentation n'est qu'une nouvelle approche de traitement social du chômage, pas plus. Ce faisant vous condamnez des millions de citoyens à la désespérance pendant encore combien d'années ?

L'action contre le chômage, comme d'ailleurs l'action pour la protection de la planète, passe par plus de travail et non moins de travail, et à revenu constant pour tenir compte de notre retard de compétitivité actuel. En clair travaillons tous 42h00 pour un revenu identique (35h00), nous bénéficierons d'une amélioration de notre pouvoir d'achat de 20% et les entrepreneurs, avec des prix en baisse de 16,67% , serons plus réellement plus compétitifs immédiatement. Dans deux ans, nous aurons besoin de la main d'œuvre des émigrés.....nous pourrons nous donnez les moyens d'une croissance avec beaucoup moins de gâchis, de consommer des énergies locales renouvelables etc

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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