Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 13 janvier 2016 à 21h00
Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le chômage touche 10, 6 % de la population active et le nombre des chômeurs de longue durée, qui n’a cessé d’augmenter depuis 2008, atteint aujourd’hui près de 2, 5 millions. Face à ces réalités, toute initiative innovante allant dans le sens d’une réduction du fléau du chômage doit être encouragée.

La proposition de loi dont nous entamons l’examen, largement promue par l’association ATD Quart Monde, que je salue, vise à permettre à des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, conventionnées, d’employer des chômeurs de longue durée sous contrat à durée indéterminée et au niveau du SMIC, pour des emplois qui, faute d’être assez rentables, ne sont pas créés par le secteur marchand, alors qu’ils répondent à des besoins sur un territoire donné.

Le caractère innovant de ce dispositif réside dans le financement des emplois, qui reposera sur la réaffectation de dépenses liées à la privation d’emploi, en particulier de celles associées au revenu de solidarité active, à l’allocation de solidarité spécifique et à l’allocation de retour à l’emploi. De plus, les chômeurs de longue durée qui s’engageront dans ce processus seront tous volontaires.

L’originalité du dispositif tient aussi à la méthode de l’expérimentation, rendue possible par l’article 37-1 de la Constitution. Plus précisément, il s’agit de tester pendant cinq ans, sur dix territoires volontaires, un système qui ne remet nullement en cause l’architecture de notre système de protection sociale. Une première évaluation en sera dressée dans trois ans : si les résultats sont probants, le Parlement légiférera de nouveau, pour corriger et améliorer le dispositif avant, éventuellement, de le généraliser à l’ensemble du territoire, ce que nous espérons. Cette démarche consistant à expérimenter avant de généraliser et d’imposer uniformément me semble intéressante.

Je crois beaucoup en la capacité des territoires à se mobiliser pour des projets de ce type. Actuellement, cinq collectivités territoriales sont déjà engagées dans cette expérimentation, parmi lesquelles une commune de mon département, les Deux-Sèvres : Mauléon. Les acteurs de ce territoire m’ont présenté leur projet et m’ont convaincu de la pertinence de cette proposition de loi, moi qui, à l’origine, avais de nombreuses interrogations sur la faisabilité de cette initiative. Dans cette commune, les élus de tous bords politiques se sont déclarés prêts à soutenir cette expérimentation et attendent l’adoption définitive de la présente proposition de loi pour continuer leur démarche.

Localement, la maison de l’emploi s’est vue confier la coordination de l’expérimentation. Un tiers des deux cents chômeurs de longue durée qu’elle a contactés se sont portés volontaires. Certains, au chômage depuis de nombreuses années, ont pour motivation première de sortir de l’assistanat ; en retrouvant une activité professionnelle, ils reprendront confiance en eux et pourront, ensuite, valoriser cette nouvelle expérience dans leur parcours professionnel.

Dans le même temps, les partenaires sont en train de repérer les besoins non satisfaits sur le territoire, afin de proposer des emplois dans ces domaines d’activité. Je rappelle que le principe est de créer des activités utiles qui ne fassent pas concurrence aux emplois existants dans le secteur privé. Les secteurs concernés sont l’environnement, le lien social et les services aux collectivités territoriales, voire aux entreprises.

Compte tenu des différentes informations qui m’ont été données et de l’engagement volontaire de tous les acteurs, je ne puis que soutenir cette proposition de loi qui, je le répète, prévoit une expérimentation portée par les territoires. Après avoir testé ce dispositif, nous pourrons l’évaluer et en tirer des conclusions pour imaginer le futur.

Toute intéressante que cette expérimentation me paraisse, un certain nombre d’aspects restent à préciser.

Tout d’abord, des craintes ont été exprimées à juste titre par un certain nombre d’élus locaux au sujet du financement du dispositif. Il n’est pas question que de nouvelles charges financières soient imposées aux collectivités territoriales qui s’engageraient dans le processus. En effet, la baisse des dotations de l’État et le surcroît de dépenses occasionné par la montée en charge des dépenses sociales ne laissent aucune marge de manœuvre financière aux collectivités territoriales, notamment aux départements. Nous ne souhaitons pas que l’État se désengage du processus après l’avoir amorcé et que l’essentiel du financement de celui-ci retombe sur les collectivités territoriales ! Madame la ministre, nous voudrions que vous nous rassuriez à ce sujet en prenant l’engagement que le dispositif sera principalement financé par l’État, la participation des collectivités territoriales restant volontaire.

Ensuite, l’article 2 de la proposition de loi exclut du bénéfice du dispositif les chômeurs de longue durée ayant perdu volontairement leur dernier emploi, c’est-à-dire ceux qui ont démissionné et ceux qui ont fait l’objet d’une rupture conventionnelle. Mme Emery-Dumas présentera un amendement tendant à modifier cette disposition. Madame la ministre, nous souhaitons obtenir du Gouvernement un certain nombre de garanties à cet égard.

Cela étant, je profite de mon intervention pour le rappeler, quelle que soit la qualité de ce projet, dont nous espérons tous qu’il produira des résultats positifs, je doute que cette seule initiative puisse régler le problème du chômage de longue durée. Dans tous les cas, en matière d’emploi, il est avant tout urgent de relancer l’économie, de soutenir nos PME, nos TPE et nos artisans, qui sont les véritables créateurs d’emplois. C’est le seul moyen de sortir les chômeurs de longue durée de leur situation.

Le Gouvernement doit rapidement modifier sa politique économique et sociale, et nous attendons des mesures en ce sens. Il doit entendre les propositions du monde économique, à savoir la diminution des charges sociales, la simplification du droit du travail, l’adaptation de la formation aux besoins des entreprises et l’amélioration de la compétitivité de celles-ci. L’insertion, c’est d’abord l’emploi et, s’il n’y a pas de travail, il n’y a pas d’insertion réussie !

Je salue donc la position du groupe Les Républicains sur ce texte, exposée précédemment par Alain Milon.

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