Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà que s’énonce devant nous, à travers cette proposition de loi, une grande et belle ambition, portée avec enthousiasme et détermination par des forces vives et voilà que se dressent des territoires et leurs habitants pour combattre l’un des plus grands maux dont souffre notre société : le chômage de longue durée.
Le chômage touche toutes les catégories de population, mais plus particulièrement les plus de cinquante ans : 63 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée ! Contrairement aux rumeurs malintentionnées, ils sont animés d’une forte envie de travailler, que l’on a déjà constatée auprès des bénéficiaires du RMI ou du RSA ; ils ont envie de restaurer leur dignité et leur place dans la communauté. Non, ce ne sont pas des assistés ! Ce sont les victimes d’une crise, des victimes qui ont besoin d’être accompagnées, et non stigmatisées, et dont les enfants ne méritent pas l’abandon par les pouvoirs publics que certains proposent bien imprudemment.
C’est donc une grande originalité que cette initiative soit partie du terrain dans cinq territoires. Celle-ci réunit, dans un même projet, trois grands atouts, qui sont autant de conditions essentielles garantes de la réussite.
Le premier atout est de nourrir une grande ambition ancrée et partagée pour en finir avec le chômage de longue durée et les tragédies qui l’accompagnent : tragédie personnelle, avec son long cortège de dommages collatéraux – perte de pouvoir d’achat, de confiance en soi – ; tragédie sociale, avec un sentiment d’inutilité, la peur du regard supposé des autres, qui conduit à l’auto-exclusion de la collectivité et au repli sur soi ; tragédie familiale, enfin – quand on ne s’accepte plus, comment s’intéresser aux autres, notamment à ses enfants, à leur éducation, à leur avenir ?
Éradiquer le chômage de longue durée, c’est lutter contre le déterminisme social, c’est favoriser l’égalité des chances et le « bien vivre ensemble ».
En outre, le chômage hypothèque la santé économique d’un territoire par la perte de pouvoir d’achat des habitants. Il engendre également un vrai gaspillage des savoir-faire, préjudiciable à la compétitivité. À titre d’exemple, entre 1993 et 1997, la Bretagne avait perdu 13 000 emplois dans le bâtiment. En 1997, avec l’effervescence nouvelle de la construction, les entreprises ont voulu faire appel à ces compétences écartées. Elles ne les ont pas retrouvées : les travailleurs s’étaient perdus dans le désespoir, et leur confiance en eux avait disparu.
Le deuxième atout réside dans la mobilisation de tout un territoire derrière un projet construit avec l’ensemble des forces vives et la population. Ce dernier s’appuie sur des territoires déjà engagés, depuis longtemps, dans des actions menées par les forces vives, au sein desquels la dimension humaine, les relations interpersonnelles et la confiance réciproque sont autant d’atouts pour la réussite de l’entreprise ; il s’appuie également sur des associations caritatives, comme ATD Quart Monde, des responsables associatifs, des élus, la population ; il s’appuie enfin sur des entreprises citoyennes ancrées dans leur territoire et conscientes de leur responsabilité devant l’avenir commun.
Le troisième atout est le fait que ce projet est concret et réaliste, avec une organisation locale à échelle humaine qui permet l’expression de tous et des corrections de trajectoires au moyen d’observations permanentes.
Il s’agit d’une expérimentation qui a pour ambition non seulement de résorber le chômage, mais aussi de déterminer les conditions essentielles à réunir pour servir de modèle transposable à l’ensemble des territoires de France.
Les financements sont assurés : ils seront essentiellement nationaux dans la phase expérimentale, le temps d’éprouver les moyens nécessaires et de définir les modalités administratives du financement. Dans un second temps, les participations financières seront gagées sur les économies attendues par les différents contributeurs sollicités.
Une évaluation externe sera réalisée au bout de cinq ans. La mesure en ce domaine est souvent difficile et s’avère fréquemment plus élogieuse que la réalité. Combien de bilans réalisés trop tôt en matière d’insertion ont ainsi versé dans une complaisance coupable, recensant comme d’égales réussites les sorties en CDI, en CDD, en intérim ou encore en formation ? Souvenons-nous de la mise en œuvre du RSA après une période d’expérimentation raccourcie.
La pratique expérimentale habituelle autorise l’échec. Celle-ci s’en distingue : elle doit réussir, non seulement parce que l’échec aurait un goût amer pour tous ceux qui ont cru à ce projet et qui s’y sont impliqués avec enthousiasme, mais aussi parce que la généralisation, qui doit nécessairement être notre horizon, suppose que l’équilibre financier soit atteint après la phase d’expérimentation. S’il faut aujourd’hui des crédits d’amorçage, il faudra demain que l’État et les collectivités, notamment les départements, n’aient pas à souffrir d’une augmentation des charges déjà trop lourdes qu’ils supportent.
La mobilisation originale à laquelle nous prenons part est sans doute le chemin à emprunter pour restaurer la citoyenneté, la responsabilité individuelle, plutôt que de privilégier une attitude passive et de plus en plus généralisée de consommateurs de services publics exigeant de la collectivité qu’elle règle tous les problèmes, y compris les problèmes domestiques. Mieux vaut rechercher leur résolution, citoyenne cette fois, dans la solidarité familiale ou de voisinage.
Demander à un habitant de s’impliquer dans la vie locale en contrepartie des services qu’il en attend, c’est lui reconnaître le statut de citoyen acteur du développement de la cité – il faut tout un village pour élever un enfant, selon un proverbe africain –, plutôt que celui, dégradant et toujours frustrant, de consommateur toujours déçu et se réfugiant dans des votes extrêmes pour exprimer cette déception. Redonner à chacun le sentiment de sa part de responsabilité dans le devenir de la communauté de destin à laquelle il appartient, c’est faire se lever une nouvelle citoyenneté. Rappelons-nous de ce que Kennedy disait fort justement : « Plutôt que de demander ce que l’Amérique peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour l’Amérique. » C’est à cela aussi que ce texte nous invite.
Cette proposition de loi, c’est plus qu’un remède nouveau et efficace contre le chômage de longue durée ; c’est l’amorce d’une autre conception de la politique. Offrir à nos concitoyens les moyens d’exercer leur citoyenneté, de se sentir responsables du devenir de la collectivité et de s’y engager, c’est le meilleur antidote contre l’individualisme, contre le repli sur soi. Donner aux territoires les moyens de l’implication de tous leurs habitants, c’est, j’en suis persuadé, la manière de dessiner le meilleur avenir.
Le 18/01/2016 à 17:19, Daniel Blivet a dit :
Jean-Louis,
Le goût amer, ne l'as-tu pas déjà avec l'échec avéré de toutes les dispositions tellement encensées prises depuis quatre ans?
Pour celle-ci, que d'énergie et de temps passé avec en perspective un résultat au mieux insignifiant. Les salariés ne supportent plus les salaires bloqués ni les points d'indices gelés, qui les empêchent de concrétiser nombre de projets auxquels ils peuvent légitimement aspirer. Il est temps de comprendre que la solution pérenne passe par une augmentation du pouvoir d'achat de tous pour nourrir les carnets de commandes et d'une baisse significative des coûts des biens et services en France pour que l'alimentation des carnets de commandes profite aux activités produites en France.
Instantanément, le seul élément dont nous disposons, et qui ne nécessite aucun financement à l'Etat et autres collectivités territoriales, c'est l'allongement du temps de travail sans modification des revenus pour les salariés, et la baisse des coûts répercutée en totalité sur les prix.
La conjugaison de la politique de l'offre et de la demande en même temps.
Le socialisme, le vrai, c'est cela, prendre les mesures qui apportent à tous du travail d'abord, ensuite permettre par des lois nouvelles, à ceux qui le veulent de choisir entre pouvoir d'achat et temps de travail réduit, selon les goûts, besoins, préférences de chacun.
Amicalement.
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