Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Examen du rapport pour avis

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur pour avis :

Les auteurs de ces deux propositions de loi ont estimé qu'il convenait de légiférer et de canaliser les autorités administratives indépendantes en leur donnant un cadre global. Mais je veux insister sur le fait que nous ne sommes pas ici appelés à déterminer si le choix de nos collègues est ou non pertinent, étant entendu que nous ne sommes saisis que pour avis et que c'est à la commission des lois, sur le rapport de Jacques Mézard, qu'il revient de se prononcer au fond. Que les groupes auxquels nous appartenons soient enthousiastes ou réservés, nous ne sommes ici appelés à ne nous prononcer que sur mon rapport pour avis, qui porte sur les autorités administratives relevant du champ de compétence de notre commission. Et je me suis borné, dans les propositions que je vous présenterai, à tenter d'améliorer ces textes. Nous ne sommes saisis, s'agissant de la proposition de loi, que des articles 25, 26, 39 et 41, qui traitent respectivement de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), de la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNAC), de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et du Haut Conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), à quoi il convient d'ajouter en creux les médiateurs du livre et du cinéma, ainsi que le Conseil supérieur de l'Agence France-Presse (AFP).

Pour ce qui concerne la proposition de loi organique, nous sommes saisis de l'article 4, qui détermine la liste des autorités indépendantes dont le président est nommé selon la procédure définie par le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, lequel confie la nomination au Président de la République, sous réserve que l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions parlementaires concernées. Une seule autorité administrative indépendante entrant dans le champ de notre commission se trouverait nouvellement concernée : l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), dont le conseil d'administration a marqué son agacement, bien que cette évolution n'entraîne qu'une conséquence très limitée. La présidence n'en sera plus assurée de droit par le membre du Conseil d'État, ce qui, loin de poser à mon sens un problème majeur, me semble plutôt aller dans le sens d'un mouvement naturel vers plus de transparence et de diversité dans les nominations. Je ne vous proposerai donc pas d'amendement à cet article.

J'en viens à la proposition de loi, qui, dans son annexe à l'article premier, dresse la liste des autorités administratives indépendantes. Certaines instances perdent du même coup cette qualification, en vertu d'un choix qui ne pose pas à mon sens de difficulté. Il en va ainsi du Conseil supérieur de l'AFP, dont le rôle est presque entièrement limité à la déontologie et à la médiation. David Assouline, avec lequel j'en avais longuement discuté lors de l'examen de la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions relatives à la modernisation de la presse, sait, comme moi, que ni le conseil d'administration de l'AFP, ni l'Assemblée nationale n'avaient souhaité d'évolution et qu'en dépit de notre souhait de voir conférer un pouvoir beaucoup plus fort à l'instance de gouvernance de l'Agence par la création d'un véritable conseil de surveillance, cette loi n'avait rien modifié aux prérogatives des différentes instances. Moyennant quoi, il n'y a pas de difficulté à voir le Conseil supérieur perdre son statut d'autorité indépendante.

Le perdent également, sans que cela soulève à mon sens la moindre difficulté, les médiateurs du livre et du cinéma, auxquels pourrait s'ajouter bientôt, si le Parlement décide de sa création, celui de la musique. J'insiste sur le fait que si ces instances, qui sont des personnes physiques, ne devaient plus figurer, demain, parmi les autorités administratives indépendantes, cela ne changerait rien ni à leur existence, ni à leurs missions dès lors qu'elles n'ont aucun caractère judiciaire ou parajudiciaire, n'étant pas habilitées à prononcer des sanctions. En revanche, je serai partisan de maintenir l'obligation de déclaration patrimoniale et d'intérêt à laquelle la Haute autorité pour la transparence de la vie publique avait souhaité les voir soumises, sachant que leurs arbitrages ont une influence réelle sur les secteurs professionnels dont elles assurent le suivi. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

Pas de difficulté non plus, enfin, à voir la Commission nationale d'aménagement cinématographique, chargée d'examiner les demandes de création ou d'agrandissement d'établissements de spectacles cinématographiques, perdre sa qualité d'autorité administrative indépendante, dont on comprend mal la justification dès lors que, dépourvue de la personnalité juridique, elle n'a pas le droit d'ester en justice.

Je rappelle que la perte de la qualité d'autorité administrative indépendante ne vaut pas suppression des instances concernées, qui conservent et leur rôle et la qualité juridique qui était la leur.

En revanche, je vous proposerai de ne pas suivre notre collègue Jacques Mézard dans son voeu de retirer la qualité d'autorité administrative indépendante à l'ARDP et à la Hadopi. Vous avez souhaité à l'unanimité, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de la presse susmentionné, qui faisait suite à un travail commun, engagé par votre commission sous l'égide de David Assouline et poursuivi à l'Assemblée nationale avec la proposition de loi de Michel Françaix, renforcer l'ARDP et lui confier un rôle d'arbitrage, assorti de moyens juridiques, tant les blocages étaient forts entre éditeurs de presse, en particulier sur les barèmes de messagerie. C'est ainsi que le Parlement lui a conféré le statut d'autorité administrative indépendante - ce qu'elle est effectivement eu égard à son rôle - et l'a dotée, dans le projet de loi de finances pour 2016, d'un budget propre de 400 000 euros. J'ajoute que ce statut d'autorité administrative indépendante lui a été confirmé par la Cour d'appel de Paris et surtout reconnu par le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 janvier 2016, prononcée sur une question prioritaire de constitutionnalité, qui a annulé des dispositions relatives aux dépositaires de presse.

Quant à la Hadopi, le rapport que nous devons à la sagacité conjointe de Loïc Hervé et de Corinne Bouchoux conclut à son utilité et à la nécessité de son indépendance au regard des équilibres à trouver entre les ayants droit et les internautes. Sans compter le pouvoir de sanction que vous lui avez conféré, avec la procédure de la réponse graduée et la protection des données personnelles des internautes qui lui est attachée, mais également le dispositif de régulation des mesures techniques de protection (MTP). Son rôle précontentieux marqué justifie par conséquent le maintien de son statut d'autorité administrative indépendante.

Je vous proposerai, enfin, quelques amendements de nature plus formelle. S'agissant de l'AFLD, qui s'est beaucoup émue de la proposition de loi, j'observe que Jacques Mézard, au regard des conclusions de son rapport, qui proposaient purement et simplement la suppression de son statut d'autorité administrative indépendante, fait ici un pas, puisque son texte la maintient comme telle. Reste en débat la question du mandat des administrateurs. La proposition de loi, fidèle à son souci de prévenir l'endogamie et l'esprit de caste, prévoit qu'il ne pourra être renouvelé. C'est une évolution qui peut, à mon sens, se comprendre.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'application du régime général ne change pas grand-chose, puisque l'essentiel des dispositions prévues, relatives à l'indépendance, à la composition du collège, à la question du règlement intérieur, etc. y étaient déjà appliquées. Reste cependant la question du secret des délibérations, qui s'impose aux membres du collège pendant leur mandat et après la fin de celui-ci. Une autre disposition du droit en vigueur prévoit aussi que les membres et anciens membres ne prennent pas publiquement position sur les questions en cours d'examen. La proposition de loi entend faire prévaloir la transparence en supprimant cette clause de confidentialité. C'est sans doute un peu excessif : si les décisions du CSA sont publiques, la réflexion qui les a précédées doit pouvoir rester confidentielle. L'autre point d'achoppement concerne le rapport public : substituer au délai d'un trimestre une date butoir - le 1er juin de l'année civile - compliquerait la tâche de la commission compétente qui n'aurait guère le loisir de s'en saisir avant la fin de la session ordinaire. Je ne doute pas que nous trouverons à y remédier.

En ce qui concerne, enfin, le HCERES, création de la loi Fioraso que nul ne songe à remettre en cause, il convient d'adapter les modalités de renouvellement partiel de son collège, qui ne saurait l'être pour moitié, sachant qu'il y a 29 personnes à renouveler. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

Sous réserve de ces observations et de l'adoption des amendements que je vous présenterai, je vous propose d'émettre un avis favorable à la proposition de loi et à la proposition de loi organique soumises à notre examen. Encore une fois, souscrire à mes propositions d'amendement, qui ne visent qu'à améliorer le texte qui sera soumis à examen en séance publique, ne préjuge en rien de votre appréciation sur le fond, que vous pourrez pleinement exprimer dans l'hémicycle.

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