Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Examen du rapport pour avis

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Cet examen est complexe, car il s'inscrit dans un processus en plusieurs temps. Il y a d'abord eu le rapport de la commission d'enquête, totalement à charge, si bien que l'on se serait attendu à voir surgir une proposition appelant à un grand coup de balai. Et voilà qu'il nous arrive une proposition au fond assez modeste dont on peut, ainsi que l'a souligné le rapporteur, partager certaines remontrances.

Mais l'idée sous-jacente reste la même ; l'idée selon laquelle quand le politique veut démissionner, il crée une autorité administrative indépendante, que tout ceci se fait au mépris des prérogatives du Parlement. Est-il bien honnête de concentrer ainsi la frustration des parlementaires sur les autorités administratives indépendantes ? Ne serait-il pas plus juste de dire que, sous la Ve République, la frustration vient plutôt de l'exécutif ? Ce sont les prérogatives qui lui sont reconnues qui nous brident dans notre fonction de contrôle. Il est trop facile d'aller chercher ailleurs un défouloir.

Quand on instruit un procès à charge, on n'en est pas pour autant dispensé de rechercher les raisons et les bienfaits de ce nous avons décidé depuis les années 1970. Nous avons, dans bien des domaines, rompant en cela avec une époque où l'on ne se posait pas ce genre de question, considéré qu'il fallait ménager une distance avec l'exécutif, que le Parlement lui-même ne pouvait pas créer parce que dans le régime de la Ve République, il est lui-même trop lié à l'exécutif. Qui peut contester l'utilité de la CNIL, au vu de l'ampleur prise par la révolution technologique ? Même chose, d'une certaine façon, pour le CSA. Sans parler de l'exigence de crédibilité qui a présidé à la création des autorités de régulation des marchés financiers, en un temps où il s'agissait de réguler une économie financière devenue folle.

Autre chose est la question de la composition, des modes de fonctionnement, des modes de rémunération, de la durée des mandats au sein de ces instances. Et je puis être d'accord avec un certain nombre des préconisations qui nous ont été présentées.

Pour ce qui concerne notre commission, se pose la question du statut de deux organismes auquel cette proposition de loi entend toucher. Sur la Hadopi, nous avons eu de longs débats. J'étais pour ma part favorable à une fusion de la Hadopi et du CSA, à condition que subsistent, au sein de l'organisme nouveau, des entités autonomes. Je l'étais parce que l'on ne peut ignorer que l'audiovisuel ne se limite pas aujourd'hui à la télévision, que contrôle le CSA, mais circule dans le champ beaucoup plus vaste de l'Internet, au point que les métiers, désormais à cheval sur les deux domaines, se recomposent, que la question des droits d'auteur se pose différemment, comme bien d'autres questions aussi - sur une plate forme comme YouTube, qui n'est en rien régulée, des millions d'images circulent sans que personne n'aille contrôler les contenus, se poser la question de la protection des enfants, du racisme. J'estimais donc important que les compétences de la Hadopi puissent se mettre au service de missions jusqu'alors réservées au CSA. On a considéré que j'ouvrais la boîte de Pandore, et conservé deux autorités, en renforçant les compétences du CSA sur l'Internet. Dont acte. Mais on ne saurait considérer que supprimer aujourd'hui la Hadopi de la liste des autorités administratives indépendantes constituerait un bon signal, ne serait-ce qu'au regard de l'exigence minimale de défense des droits d'auteur.

Si donc je partage beaucoup de ce qu'a dit le rapporteur, j'estime que cela ne nous dispense pas d'une réflexion globale. On ne peut se contenter de dénoncer, comme l'a fait Jean-Léonce Dupont, une succession de petites lâchetés, si l'on veut éviter que ce que l'on dénonce ne se reproduise. Lorsque nous jugeons qu'il n'est pas possible que l'exécutif soit à la manoeuvre et que le Parlement n'a pas, étant dans le champ du politique, la distance requise, ou les moyens de mener le contrôle, que proposer ? Si cette réflexion n'est pas menée, nous risquons fort de poursuivre sur la même lancée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion