Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 7 octobre 2015, par les députés Bruno Le Roux et Gilles Savary. Elle y a été examinée en commission le 8 décembre et en séance publique les 16 et 17 décembre. Ces délais très courts s'expliquent par la volonté d'agir sans tarder dans la lutte contre le terrorisme. La procédure accélérée ayant été déclarée, une commission mixte paritaire pourra être réunie le cas échéant dès la fin de l'examen du texte au Sénat.
La proposition de loi comporte deux volets sans lien entre eux : la lutte contre le terrorisme et les atteintes graves à la sécurité publique, et la lutte contre la fraude.
Nous nous sommes penchés sur le premier volet la semaine dernière, lors de l'examen du rapport d'information réalisé avec François Bonhomme de la commission des lois. Je proposerai plusieurs amendements mettant en oeuvre ses recommandations. François Bonhomme déposera les mêmes devant la commission des lois.
Le texte issu de l'Assemblée nationale renforce les moyens des services internes de sécurité de la SNCF - la Surveillance générale (Suge) - et de la RATP - le groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) - en autorisant, à l'article 1er, la fouille des bagages et la palpation. L'article 3 élargit la possibilité d'agir en civil aux services internes de sécurité. Je m'en félicite. Nous vous proposerons un amendement de réécriture à l'article 3 pour en sécuriser le dispositif.
L'article 2 soumet ces agents au contrôle des forces de l'ordre et à un code de déontologie spécifique. Il faut aller plus loin dans le rapprochement du régime de ces agents de celui applicable aux sociétés de sécurité privées, défini par le code de la sécurité intérieure et des transports. Nous vous proposerons de voter la transmission au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) du bilan des actions de contrôle effectuées par la Suge et le GPSR, et l'application à leurs agents du code de déontologie du Cnaps pour les activités de sécurité privées. La formation de ces agents sera également soumise au contrôle de l'instance.
Des dispositions facilitent l'action des forces de l'ordre et de la justice dans les transports. Nous sommes favorables à l'article 6, qui permet aux forces de l'ordre de réaliser un contrôle préventif des bagages dans les emprises des opérateurs de transport et dans les matériels roulants.
L'article 3 bis répond au risque créé par l'occupation de postes sensibles par des personnels radicalisés en prévoyant que le recrutement ou l'affectation de ces personnels pourront être précédés, à la SNCF et à la RATP, d'enquêtes administratives pour vérifier que le comportement des candidats n'est pas incompatible avec l'exercice de leurs missions. Nous vous proposerons d'étendre cette possibilité à l'ensemble des opérateurs de transport public et d'autoriser l'employeur à demander une enquête administrative si le comportement de personnes en poste évolue.
L'article 12 prévoit l'intervention des polices municipales dans les transports, ce qui ne relève pas nécessairement de leur rôle. Je proposerai de prévoir le transfert des pouvoirs de police des transports au président de l'intercommunalité lorsque celle-ci est compétente en matière de transports, l'objectif étant l'homogénéisation de la réglementation relative au transport sur l'ensemble du périmètre de l'intercommunalité. Un maire pourra néanmoins s'opposer à ce transfert du pouvoir de réglementer.
Je proposerai un article additionnel autorisant la transmission en temps réel des images filmées par les opérateurs aux forces de l'ordre.
Enfin, une dernière mesure en mon nom propre : l'autorisation, à titre expérimental, de caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR, activables en intervention. Cet outil, déjà utilisé à titre expérimental par la police et la gendarmerie, sécurise leur action, en dissuadant les contrevenants d'adopter un comportement violent.
Je suis défavorable à l'instauration d'une redevance sur la sûreté. Outre que je suis opposé à la création d'une nouvelle taxe, cette augmentation du prix du billet écarterait un certain nombre d'usagers des transports en commun. Des mesures concrètes sont possibles pour améliorer la sûreté à un coût maîtrisé. Je proposerai la suppression de l'article 6 quinquies prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce sujet.
Le second volet de cette proposition de loi concerne la lutte contre la fraude dans les transports - elle peut sembler relative au regard de l'importance de la lutte contre le terrorisme, mais reste importante pour les opérateurs et les autorités organisatrices de transport en cette période budgétaire contrainte. Le manque à gagner dû à la fraude est estimé à 500 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs de transport, dont au moins 300 millions pour la SNCF et 100 millions pour la RATP. Si une présence accrue des contrôleurs et l'augmentation du nombre de contrôles répondent en partie à ce phénomène, il ne sera endigué que si l'efficacité de ces contrôles est renforcée. Les contrôleurs sont désarmés lorsque les contrevenants leur donnent une fausse identité ou une fausse adresse ; le taux de recouvrement des amendes n'est que de 10 %.
L'article 9 autorise les exploitants des services de transport ferroviaires et guidés à obtenir les données relatives aux contrevenants, tels que leur nom et adresse auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale. Je proposerai quelques modifications rédactionnelles et de coordination.
Les députés ont prévu, à l'article 8 bis, de sanctionner le fait, pour un fraudeur incapable de justifier de son identité, de ne pas rester à la disposition du contrôleur dans l'attente de la décision de l'officier de police judiciaire.
L'article 13 augmente la peine applicable en cas de déclaration de fausse adresse ou identité, à deux mois d'emprisonnement, en plus des 3 750 euros d'amende déjà existants.
L'article 8 de la proposition de loi assouplit les conditions de caractérisation du délit de fraude d'habitude, puisque cinq contraventions et non plus dix suffiront, sur une période d'un an.
Les appels à souscription des mutuelles de fraudeurs, qui remboursent les contraventions contre une faible cotisation annuelle, sont interdits à l'article 8 ter.
Je m'en remets à l'expertise de la commission des lois et de son rapporteur quant à l'économie générale de cette proposition de loi et me limiterai à vous proposer les modifications déjà évoquées à l'article 9.
Les députés ont inséré un article additionnel, l'article 11, prévoyant des dérogations au droit commun pour le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif entre les agents de la SNCF, de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau. C'est un cavalier législatif relatif à l'organisation interne du groupe public ferroviaire, sans incidence directe sur la lutte contre les incivilités ou le terrorisme.
En conclusion, vous l'avez compris, ma priorité a été d'intégrer les propositions de notre rapport d'information, ainsi que de contribuer à l'amélioration du volet consacré à la fraude.