Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h00
Communication de m. françois pillet sur l'issue des commissions paritaires relatives à la proposition de loi relative à la protection de l'enfant et à la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Je viens de participer, coup sur coup, à deux commissions mixtes paritaires (CMP) consacrées à des textes dont vous m'aviez confié le rapport pour avis. Je souhaitais vous informer de leur issue.

La CMP sur la protection de l'enfance a échoué, ce qui conduira le Sénat à se prononcer en nouvelle lecture. Il me semble très regrettable qu'un texte élaboré à l'origine par le Sénat échappe ainsi à la décision finale de notre assemblée, mais les députés ont refusé d'entendre les réserves que nous avons exprimés sur plusieurs points.

Hier s'est tenue la CMP sur la proposition de la loi relative à la fin de vie. Nous sommes parvenus à un texte commun.

Quatre points principaux étaient en discussion.

Le premier tenait à l'assimilation de l'hydratation et de la nutrition artificielles à des traitements ou des soins qui pourraient être maintenus, à la demande du patient, jusqu'au décès.

Les députés ont obtenu qu'on les qualifie de traitements et qu'on supprime la mention selon laquelle ils peuvent être arrêtés, sauf opposition du patient. La raison de cette suppression est que cette mention serait surabondante avec le fait que la suspension des traitements ne peut intervenir qu'à la demande du patient. J'ai veillé à bien faire préciser ce point dans nos débats afin qu'il fixe définitivement l'interprétation qui pourra être faite de ce texte : un patient pourra toujours demander, et un médecin pourra toujours décider, lorsqu'il arrête les traitements vitaux d'un patient que soit malgré tout maintenus l'alimentation ou l'hydratation artificielle.

Le deuxième point en discussion était la réintroduction, à la demande des deux rapporteurs de l'Assemblée nationale, du recours à la sédation profonde et continue dans le cas où un patient atteint d'une affection grave et incurable décide d'arrêter un traitement vital et que cette décision engage son pronostic vital à court terme. Cette sédation ne lui aurait accordée que si cet arrêt était, je cite, « susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ou un inconfort majeur ».

Le rapporteur de la CMP, notre collègue Gérard Dériot a obtenu que l'expression d'« inconfort majeur » soit supprimée. C'est heureux : une telle notion est totalement indéterminée. En revanche, il n'a pu obtenir que soit précisé que la souffrance causée doit être réfractaire à tout traitement. Comme l'ont proposé les deux rapporteurs de l'Assemblée nationale, il suffira que la décision d'arrêter le traitement soit susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. La différence entre les deux expressions me paraît toutefois minime.

Le troisième point concerne les directives anticipées. Nous avons obtenu des députés qu'ils acceptent le principe de leur révocabilité et de leur révision à tout moment et, surtout, par tout moyen.

En revanche, alors que le Sénat défendait l'idée que la procédure collégiale devait être la règle, les députés ont obtenu qu'elle n'intervienne qu'à la demande du médecin, lorsqu'il estimera qu'elles sont sans doute inappropriées ou inadaptées à la situation du malade. Nous avions pour notre part défendu, lors des premières lectures du texte, que le médecin devait passer par la procédure collégiale en cas de contestation sérieuse, notamment par l'un des proches du patient. Il s'agissait, non pas de donner le dernier mot à la famille, mais de lui permettre d'exiger le recours à la procédure collégiale lorsqu'elle fournit une objection sérieuse à l'application stricte des directives anticipées.

En pratique, et en dépit de la rédaction finalement retenue par la CMP, je n'imagine pas qu'un médecin se dispenserait de la procédure collégiale alors qu'il fait face à une contestation sérieuse de la part de la famille.

Enfin, le dernier point était relatif à la compétence des personnes sous sauvegarde de justice et sous curatelle pour rédiger seules des directives anticipées et désigner leur personne de confiance. À l'initiative du Gouvernement, nos collègues députés les avaient traitées comme des personnes sous tutelle ! C'était un retour en arrière manifeste par rapport à la loi de 2007 sur les majeurs protégés. Nous avons obtenu qu'elles soient traités comme tout un chacun : ces décisions sont hautement personnelles et elles doivent pouvoir les prendre seules, sans avoir à solliciter l'autorisation du juge.

En conclusion, je dirais que les échanges que nous avons eus avec les députés manifestent une certaine convergence de vues sur les préoccupations que nous avions formulées, notamment sur l'ultime recours à la sédation profonde et continue ou sur la possibilité de maintenir certains traitements à la demande du patient. Il me semble que le texte écarte tout risque de dérive vers le suicide assisté. Les praticiens qui s'engageraient malgré tout dans cette voie se placeraient résolument en dehors de la loi.

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