Intervention de Élisabeth Moiron-Braud

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 19 novembre 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Moiron-braud secrétaire générale de la miprof mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains

Élisabeth Moiron-Braud :

Je vous remercie de m'accueillir à nouveau au sein de la délégation aux droits des femmes du Sénat qui m'a en effet déjà auditionnée à deux reprises depuis ma prise de fonctions, il y a deux ans et demi, notamment comme vous le rappeliez, madame la présidente, dans le cadre de la proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel.

La MIPROF, créée par un décret du 3 janvier 2013, est placée sous l'autorité de la secrétaire d'État chargée des droits des femmes auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

L'action de la MIPROF s'articule selon deux axes : d'une part, la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains et, d'autre part, la protection des femmes contre les violences, en s'attachant pour ce dernier volet à la sensibilisation et la formation des professionnels, au développement des partenariats locaux pour assurer la protection des femmes victimes de violences et à assurer le recueil, l'analyse et la diffusion des données statistiques permettant de dégager les tendances en matière de violences faites aux femmes.

La MIPROF est composée de deux entités. L'équipe permanente comprend la secrétaire générale - je suis magistrate - également coordinatrice sur la traite des êtres humains, et Ernestine Ronai, coordinatrice nationale des violences faites aux femmes mais aussi responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. La MIPROF comprend aussi un comité d'orientation qui se réunit deux à trois fois par an pour définir les grandes orientations de la mission. Ce comité d'orientation est composé de trois représentant-e-s des collectivités territoriales, de treize représentant-e-s de l'État, de six personnalités qualifiées et de trois représentant-e-s de structures locales intervenant en matière de violences faites aux femmes sur le territoire. Les membres de ce comité travaillent régulièrement sur tous les sujets d'étude de la mission dans le cadre de groupes de réflexion.

Une commandante de police, conseillère technique, travaille principalement sur la formation et la sensibilisation des professionnels aux violences faites aux femmes. Les études statistiques (collecte et analyse des données) permettant d'évaluer et de proposer des champs d'étude sur ces violences sont confiées à une chargée de mission qui en assure la diffusion par la mise en ligne de la Lettre de l'Observatoire national des violences faites aux femmes, disponible sur le site du ministère chargé des droits des femmes. Un autre poste, occupé pendant deux ans par un lieutenant-colonel de gendarmerie, est en attente de remplacement par le ministère de l'intérieur.

La traite des êtres humains recouvre différentes formes : l'exploitation sexuelle, l'exploitation par le travail, l'exploitation à des fins de commettre des délits, l'exploitation à des fins de mendicité et l'exploitation à des fins de trafic d'organes.

Avant la création de la MIPROF, la France avait déjà ratifié tous les instruments internationaux et européens et transposé en droit interne les obligations mises à la charge des États en matière de lutte contre la traite des êtres humains. La législation française était donc déjà conforme aux engagements internationaux souscrits par notre pays. La France a aussi développé des politiques publiques d'aide aux victimes, notamment celles des infractions pénales dont relève la traite des êtres humains.

En 2008, quand j'ai été nommée au poste de cheffe du bureau de l'aide aux victimes et de la politique associative du ministère de la Justice, j'ai constaté que la traite des êtres humains y était encore fort peu appréhendée et j'ai contribué à mettre en place le premier groupe de travail et de réflexion sur la traite. L'objectif était de définir une stratégie de lutte appropriée, qui devait se traduire par une politique publique s'inscrivant dans le cadre d'un plan d'action qui avait vocation à être évalué.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, en sa qualité de ministre des droits des femmes, a donc demandé à la MIPROF d'élaborer un premier plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains. Le président de la République a annoncé sa création le 10 mai 2014, à l'occasion de la journée de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Ce plan a ensuite été présenté en conseil des ministres le 14 mai 2014. La MIPROF en pilote la mise en oeuvre.

La traite des êtres humains relève d'une logique interministérielle, les ministères concernés au premier chef étant le ministère de l'intérieur au titre de la sécurité de l'État. Le ministère de la justice est concerné à travers le traitement des incriminations pénales de la traite définie par l'article 225-4-1 du code pénal et dont le dispositif, enrichi par la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, nous a permis d'être en parfaite conformité avec les textes européens. Quant au ministère des affaires sociales, sa compétence concerne la mise en oeuvre de l'accompagnement des victimes.

Le rattachement de la traite des êtres humains au ministère en charge des droits des femmes procède de la constatation que les femmes et les enfants en sont les principales victimes, quel que soit le territoire où les faits se produisent. Toutes les victimes de la traite sont en général exploitées à cause de leur précarité et de leur vulnérabilité : cela ne signifie pas que les femmes et les enfants soient précaires par essence, mais que l'absence de reconnaissance de leurs droits dans leurs pays d'origine les rend fragiles et peut en faire des victimes potentielles. Cependant, si le prisme des droits des femmes permet de couvrir une grande partie du champ de la traite des êtres humains, l'exploitation par le travail, dont les hommes sont souvent les victimes, ou celle des mineurs, ne relèvent pas de ce cadre. Le caractère interministériel de la MIPROF permet d'y remédier.

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