Intervention de Élisabeth Moiron-Braud

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 19 novembre 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Moiron-braud secrétaire générale de la miprof mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains

Élisabeth Moiron-Braud :

La mesure n° 12 du plan d'action national se propose justement de promouvoir l'incrimination de traite des êtres humains en encourageant les parquets à poursuivre sur ce fondement, même si des éléments matériels (recrutement, transfert de personnes) de l'infraction de traite des êtres humains prévus par le code de procédure pénale peuvent être difficiles à établir. Cette mesure est d'ores et déjà mise en oeuvre puisque le ministère de la justice a diffusé le 22 janvier 2015 une circulaire de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains, rédigée elle aussi de manière très pédagogique et qui explique dans le détail les enjeux de la lutte contre la traite et l'intérêt à retenir la qualification de traite des êtres humains qui permet notamment d'utiliser des outils d'entraide pénale internationale et ouvre des droits spécifiques aux victimes. Elle invite les magistrats amenés à connaître, à titre d'exemple, d'une affaire d'exploitation sexuelle à poursuivre tant sur le chef de proxénétisme aggravé que sur le chef de traite des êtres humains, si, bien sûr, les éléments constitutifs sont réunis. Une seconde circulaire, traitant de certaines formes d'exploitation, pourrait être diffusée par le ministère de la justice.

L'ensemble des mesures (n° 15, n° 16, n° 17, n° 18 et n° 19) destinées à renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre la traite font par ailleurs l'objet d'un suivi attentif par le ministère des affaires étrangères.

Les mesures 10 et 11 prévoient une protection et un accompagnement adapté aux mineurs victimes de traite des êtres humains. À cet effet, la MIPROF met en place, en partenariat avec le tribunal de grande instance de Paris, la mairie, le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (SGCIPD), la préfecture de police et les associations, l'ordre des avocats et le ministère de la justice, une expérimentation d'un dispositif de protection des mineurs victimes basé sur leur éloignement géographique et leur prise en charge par des éducateurs spécialisés, sur le modèle du dispositif Ac.Sé pour les majeurs. Nous sommes en effet partis du constat que les dispositifs de droit commun de la protection de l'enfance ne sont pas véritablement adaptés à la situation des mineurs victimes de traite des êtres humains. Ce dispositif est destiné notamment aux mineurs exploités à des fins de commettre des délits ainsi qu'aux mineurs victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle. La convention est finalisée et doit être signée sous peu. Le nombre de mineurs pris en charge dans ce dispositif est fixé entre 5 et 10, à titre indicatif. La convention prévoit un partenariat avec environ dix centres d'hébergement en région, qui pourra s'appuyer sur des éducateurs spécialement formés à cet effet et sur une association référente, « Hors la rue », qui fait un travail remarquable.

Pour qu'une politique publique soit efficace, elle doit être régulièrement évaluée, si possible par une institution indépendante. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), autorité administrative indépendante, a été chargée du suivi et de l'évaluation de la politique publique mise en oeuvre et déposera son premier rapport courant 2016. La mesure n° 23 du plan d'action national est donc pleinement effective.

Pour répondre aux exigences de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains, seuls deux autres pays européens ont fait, comme la France, le choix de confier cette évaluation à une institution indépendante. Les autres États membres ont décidé de confier celle-ci à un rapporteur national (ou mécanisme équivalent, comme par exemple une instance de coordination).

Certaines mesures sont en cours de mise en oeuvre, notamment les mesures 2 sur la formation des professionnels et la mesure 20 sur la création d'un outil statistique.

Il est cependant intéressant de noter que quelques mesures ne pourront effectivement être mises en oeuvre que si certaines dispositions de la proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel sont adoptées par le Parlement, ce que j'espère. Parmi ces mesures, citons la domiciliation administrative lors du dépôt de la demande de séjour et la construction d'un parcours de sortie de la prostitution, qui s'appliquera aussi aux victimes de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, ainsi que l'extension de la compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains, ce qui leur permettra de verbaliser sur ce fondement lors de leurs inspections dans des usines ou des ateliers ; ils sont d'ailleurs très demandeurs d'une telle extension de leur champ d'intervention.

J'ajoute que l'article 4 de la proposition de loi créée un fonds dédié aux personnes prostituées, qui vient en appui de la mesure 21 du plan qui prévoit un fonds dédié aux victimes de la traite et de l'insertion des personnes prostituées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion