Intervention de Élisabeth Moiron-Braud

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 19 novembre 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Moiron-braud secrétaire générale de la miprof mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains

Élisabeth Moiron-Braud :

L'exemple que vous citez montre bien que nous devons sensibiliser la société entière à travers des campagnes d'information, notamment parce que les inspecteurs du travail ne peuvent pas pénétrer dans les domiciles. Le travail dans ce domaine doit être relancé en 2016 et concernera les ministères du travail, de la santé, des droits des femmes, de la justice et de l'intérieur.

J'appelle toutefois votre attention sur la question budgétaire : la question du coût de la campagne de sensibilisation se pose en effet, de même que celui des politiques d'accompagnement des victimes. Les crédits destinés à financer ces politiques sont éclatées entre les différents ministères concernés.

Les crédits de l'action 15 « Prostitution et traite des êtres humains » du programme budgétaire 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » sont passés de 2,4 à 4,8 millions d'euros Ces crédits ont été alimentés par d'autres lignes budgétaires relevant des ministères de l'intérieur et de la justice. Mais beaucoup de mesures du plan nécessitent des financements et il n'existe pas de budget dédié exclusivement à lutte contre la traite des êtres humains.

Des moyens supplémentaires nous permettraient par exemple de financer la mesure n° 1 du plan (« Aller au-devant des victimes pour favoriser l'accès aux droits »), qui prévoit la création de cinquante postes de médiateurs culturels. J'indique que nous espérons la création de dix postes dès 2016, ce qui aidera notamment les associations qui accompagnent les femmes nigérianes victimes de la traite à des fins d'exploitation sexuelle. Le secrétariat d'État aux droits de femmes va essayer de mettre en oeuvre cette première tranche qui pourra être financée sur la ligne budgétaire de l'action 15 précitée.

L'amélioration des statistiques constitue un enjeu très important pour tous les pays de l'Union européenne. La difficulté réside dans la qualification de l'infraction, car la traite des êtres humains est elle-même composée de plusieurs infractions distinctes (travail forcé, esclavage, etc.). Cela ne permet pas aisément de disposer de chiffres précis par type d'exploitation, même si certains aspects sont suivis plus précisément, comme l'exploitation sexuelle analysée par l'OCRTEH (Office central pour la répression de la traite des êtres humains). En outre, le ministère de la justice collecte des données sur les faits délictuels et criminels, les procédures et les personnes mises en cause, mais pas sur les victimes. L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a mis en place un groupe de travail, que la MIPROF co-pilote, et dont l'objectif est de définir un outil statistique permettant d'exploiter les données existantes. Nous pourrons nous appuyer sur le logiciel de recueil de données du ministère de l'intérieur, qui est mis en oeuvre depuis peu.

Le GRETA, chargé d'évaluer la mise en oeuvre, par les États, de la convention relative à la lutte contre la traite des êtres humains du 15 mai 2005, est en train d'évaluer la France et la MIPROF coordonne la réponse au questionnaire, qui comporte 64 questions. Je dois dire que nous passons un temps assez important à répondre à ces questions ainsi qu'aux autres demandes du GRETA, qui révèlent un niveau certain d'exigence. Nous avons déjà rendu un rapport intermédiaire en février 2015 et, après l'envoi du questionnaire, nous recevrons la visite des experts.

Vous avez évoqué la convention de l'organisation internationale du travail (OIT) et son protocole relatif au travail forcé : c'est un bon outil, qui s'inscrit dans le droit fil des conventions internationales au regard des obligations faites aux États.

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