Je suis très honorée que le Président du Sénat m'ait proposée aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature. C'est une lourde responsabilité. Cette organisation est, en effet, chargée de garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire aux côtés du Président de la République. Des réformes successives ont renforcé son rôle et son indépendance. Depuis 2008, il n'est plus présidé par le Président de la République ou le garde des sceaux. Depuis 1993, le Conseil comprend une formation sur les magistrats du parquet. Enfin, alors que la réforme de 1993 mettait l'accent sur l'unité du corps judiciaire, celle de 2008 a autorisé sa saisine par les citoyens pour renforcer la confiance dans le système judiciaire.
L'indépendance est la qualité première d'une bonne justice, même si elle ne suffit pas à la garantir. Elle est dans l'intérêt des citoyens qui entretiennent un rapport quotidien avec la justice, que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle. Surtout, l'autorité judiciaire est gardienne des libertés. Mais si les citoyens demandent toujours à la justice indépendance, impartialité et intégrité, ils la veulent désormais plus accessible, moins inégalitaire et plus rapide. Ces fortes attentes engendrent des déceptions. D'où des critiques parfois contradictoires : on reproche à la justice d'être à la fois trop laxiste et trop sévère. L'irruption du pénal dans la politique a accru ces critiques, avec un problème de fond : les moyens qui lui sont dévolus.
Les membres du Conseil supérieur de la magistrature doivent, comme les juges, être indépendants et impartiaux ; le Conseil constitutionnel l'a rappelé. Professeur d'université, je crois remplir ces conditions. Je n'ai jamais eu d'engagement politique au cours de ma carrière. Je suis vice-doyen, directeur des études, responsable des étudiants de deuxième année, du master 2 de droit public général et des licences à la faculté. Si je remplis des fonctions administratives, j'apprécie surtout le contact avec les élèves.
En prolongement de mes activités à l'université, j'essaie également d'écrire des articles. Le poste de secrétaire général de la Revue française de droit administratif que j'occupe depuis 25 ans - je l'ai également été à la Revue du droit immobilier - me permet de suivre l'actualité de la justice judiciaire. Ce domaine m'a toujours intéressée. J'ai d'ailleurs créé à la faculté un cours sur les institutions juridictionnelles qui me semblait manquer.
Cela dit, mes travaux ne me prédisposent pas particulièrement à siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Hormis un petit article sur la responsabilité dans le monde de la justice, mes recherches ont surtout porté sur le droit des contrats.
Pour autant, on attend des personnalités qualifiées un regard extérieur, impartial, que je pense pouvoir porter. Je suis imprégnée de l'intérêt général, qui est en filigrane du droit administratif ; pour avoir fait des études de sociologie et d'histoire, je n'envisage pas les choses sous un angle strictement juridique. Cela me semble essentiel quand le Conseil supérieur de la magistrature a d'abord pour mission de sélectionner environ 2 000 magistrats par an, que ce soit en délivrant une proposition, un avis simple ou conforme. Étudier les dossiers et les comparer, auditionner les candidats m'est familier. On dit que ce travail est de bénédictin, éplucher les arrêts du Conseil d'État l'est aussi... Je participe au recrutement des étudiants du master 2 de droit public général, après avoir siégé huit ans au sein du comité de sélection des maîtres de conférences et professeurs du Conseil national des universités. En outre, je suis membre du comité de l'université qui donne son avis sur l'évolution de la carrière des enseignants. Je fais également partie de jurys de concours : le CFPA depuis 25 ans et autrefois le CAPA, le concours d'administrateur à l'Assemblée nationale depuis une dizaine d'années et, surtout, celui de conseiller des tribunaux administratifs d'appel depuis 5 ans. Cette dernière expérience est fort intéressante : j'ai constaté, avec l'apparition de l'épreuve de motivation depuis trois ans, que les attentes étaient identiques pour les juges administratifs et judiciaires. Si le travail universitaire est souvent solitaire, j'ai appris en participant à ces jurys la collégialité, maître-mot du Conseil supérieur de la magistrature.
Ma connaissance de la jurisprudence administrative pourrait ne pas être inutile, dans la mesure où le Conseil d'État connaît des recours dirigés contre les décisions ou les avis rendus par le Conseil supérieur de la magistrature, en matière disciplinaire ou en matière de nomination.
Voilà les éléments qui, dans une carrière linéaire, purement universitaire, pourraient justifier ma nomination au Conseil supérieur de la magistrature.