Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 janvier 2016 à 8h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, rapporteur :

Ce texte découle des travaux de la commission d'enquête, dont le rapport a été adopté à l'unanimité. Ce travail s'inscrit dans la suite de celui de notre ancien collègue, le doyen Gélard, qui avait déposé deux propositions de loi, dont nous nous sommes largement inspirés.

Notre but n'est pas de détruire les autorités administratives indépendantes (AAI). Nous avons entendu la quasi-totalité de présidents d'autorités, compétents et intelligents. Mais il y a manifestement une dérive. Depuis 1978, on crée une AAI par an en moyenne, sans critères, avec des règles de fonctionnement très différentes, des chevauchements... Cette prolifération fait peser un risque d'éclatement de l'action de l'État et d'illisibilité des institutions, et freine le contrôle parlementaire. Plusieurs AAI tiennent leur qualité non de la loi mais de la doctrine administrative. Tel M. Jourdain, le Parlement découvre qu'il a créé, sans le savoir, des AAI !

Le périmètre a varié. Ainsi, le champ des règles établies en 2013 sur les déclarations d'intérêt et de situation patrimoniale reste incertain : plus de 15 % des membres de collèges ont d'ailleurs refusé de s'y plier, sans conséquences particulières. Qu'aurions-nous entendu si des parlementaires avaient réagi ainsi !

Les interprétations différentes font varier la liste des AAI, en fonction de la volonté supposée du législateur... Il nous est donc apparu souhaitable de dresser la liste dans la loi - comme M. Gélard le proposait dès 2006 - en fixant un socle de règles transversales garantissant leur indépendance et leur impartialité, comme nous y a incités M. Sauvé, vice-président du Conseil d'État.

Cette proposition de loi a pour vocation de fixer le statut général des AAI et autorités publiques indépendantes (API). Nous l'avons accompagnée d'une proposition de loi organique, notamment sur les incompatibilités. La compétence exclusive du législateur doit être affirmée pour la création de ces AAI. Il est temps de rationaliser le paysage des AAI en limitant à 20 leur nombre.

Ce texte ne modifie pas les attributions des AAI et ne propose pas de fusion. Les deux textes harmonisent simplement le statut de ces autorités, en prévoyant une consolidation des règles communes et des dérogations motivées.

Sur l'organisation des AAI et API, nous limitons les mandats à six ans, non révocables et non renouvelables ; pour assurer la continuité, les membres seraient renouvelés de façon échelonnée dans le temps. Un membre ne pourrait exercer qu'un seul mandat au sein d'une seule AAI. En outre, il ne pourrait parallèlement siéger au sein du collège et de la commission des sanctions, conformément à une exigence constitutionnelle.

Certains ont vécu l'absence de leur autorité de la liste comme un désaveu, une déchéance - c'est révélateur !

En matière de déontologie, les membres doivent s'abstenir de siéger quand il y a situation de conflit d'intérêts, notion désormais définie par la loi. Leurs déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale seraient consultables par les autres membres, mais non publiées. Dans le socle commun figurent le devoir de réserve, la disponibilité à temps plein des présidents - ce qui ne va pas de soi, apparemment - ainsi que l'incompatibilité avec certains mandats et fonctions juridictionnelles, nécessaire à la diversification des recrutements, pour mettre fin à une certaine consanguinité.

Il est prévu un contrôle par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) car on relève certains problèmes déontologiques, quand par exemple un mandat dans une AAI se cumule avec une activité rémunérée par une entreprise du secteur concurrentiel. Certains cumuls posent des problèmes déontologiques. Un cadre déontologique s'appliquerait à leurs personnels. Les directeurs généraux et les secrétaires généraux seraient tenus aux mêmes obligations déclaratives que les membres.

Des règles particulières doivent s'appliquer à la HATVP : les déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale de ses membres seraient, par exception, rendues publiques.

La loi fixerait des principes de fonctionnement des AAI : liberté de recrutement, le personnel étant placé sous la seule autorité du président ; liberté d'engagement des dépenses, sous le contrôle de la Cour des comptes, que certaines AAI contestent !

Quant au contrôle parlementaire, il doit s'appliquer aussi aux AAI, qui rendront un rapport annuel d'activité. Leurs présidents devront être nommés dans le cadre de la procédure fixée par l'article 13 de la Constitution.

Bref, nous proposons un régime cohérent applicable aux AAI et aux API, qui ne devront plus être créées autrement que par le législateur. Leur définition doit être précisée, aussi. Comme l'avait relevé le doyen Gélard, certaines ne sont actuellement ni indépendantes... ni des autorités !

Le Secrétariat général du Gouvernement nous a dit que la situation actuelle est satisfaisante, mais nous ne botterons pas en touche, quel que soit le lobbying de certains organismes.

Je voudrais rappeler que certains disposent de garanties d'indépendance sans être des AAI : Haut Conseil des finances publiques, Caisse des dépôts et consignations, AFP... Ils n'ont pas la qualité d'AAI sans qu'on leur dénie leur indépendance.

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