Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 janvier 2016 à 8h30
Renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur :

Au fil des années, un droit dérogatoire se construit pour lutter contre cette forme particulière de criminalité que constitue le terrorisme. Sous l'empire de l'état d'urgence, que le Gouvernement envisage de proroger une nouvelle fois, la menace n'a pas baissé d'intensité. Le comité de suivi créé par notre commission l'a vérifié auprès des services de lutte antiterroriste. Notre pays est visé tout particulièrement par les organisations terroristes : il faut leur montrer notre détermination à nous protéger et à la combattre, dans le respect de l'État de droit.

L'an dernier, plusieurs textes ont renforcé l'action administrative contre le terrorisme ; le volet judiciaire, lui, n'a pas fait l'objet de la même adaptation. La proposition de loi du président Philippe Bas a précisément cet objectif : dans la conduite de l'enquête, dans les incriminations, comme dans le régime d'application des peines, il était nécessaire de mieux armer le juge judiciaire.

Nous avons complété le travail des auteurs de la proposition de loi par de nombreuses auditions, auxquelles certains membres du comité de suivi ont participé. Notre objectif est que les procédures de droit commun, hors état d'urgence, soient efficaces.

L'enquête judiciaire est menée par le procureur ou par le juge d'instruction. Nous donnons aux magistrats les mêmes pouvoirs que ceux que nous avons prévus pour les services spécialisés de renseignement. Mieux vaut que certaines techniques soient utilisées par le juge judiciaire. Il me paraît plus souhaitable que la « sonorisation d'un lieu d'habitation », jolie formule, soit décidée par un magistrat, en l'occurrence le juge de la détention et des libertés quand l'enquête est menée par le parquet. Dans le domaine de la police administrative à vocation préventive, le juge administratif contrôle a posteriori l'usage des mesures de police et l'action de l'autorité administrative, créant une jurisprudence et donc un encadrement. A contrario, dans le domaine judiciaire, l'autorisation d'agir est préalable. Toute utilisation d'une technique d'enquête doit être préalablement décidée par un magistrat, ce qui constitue une différence importante.

Nous avons réfléchi à l'amélioration de la procédure d'enquête afin de supprimer toute interruption de ce processus : entre l'enquête de flagrance ou préliminaire et la suite de la procédure avec la saisine des magistrats instructeurs, il peut exister un vide puisque tous les actes d'enquête autorisés par le procureur doivent être clos, à charge pour le juge d'instruction de les autoriser, le cas échéant, à nouveau. Cet intervalle peut occasionner des interruptions dans les mesures d'enquête et être mis à profit par les personnes poursuivies les plus averties. Avec un amendement que je vous présenterai, les décisions du procureur pourront continuer à s'appliquer pendant quarante-huit heures après la saisine du juge d'instruction.

La proposition de loi crée de nouvelles infractions pénales pour coller à la réalité de l'action terroriste, par exemple en ce qui concerne la consultation habituelle de certains sites faisant l'apologie du terrorisme. Je tiens d'ailleurs à souligner, comme cela a été rappelé lors de nos auditions, que les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans cette forme de criminalité : la règle de droit doit en conséquence lui être adaptée. Les attentats du Bataclan ont été planifiés et organisés depuis la Syrie. Il faut armer nos magistrats pour lutter contre ce phénomène : c'est pour cela, par exemple, que le texte crée une incrimination pour les personnes qui séjournent sur place dans le but d'entrer en contact avec les organisations terroristes.

La procédure relative à l'application des peines doit également bénéficier d'une base juridique spécifique : regroupement dans certains quartiers pénitentiaires des individus radicalisés, inscription au fichier des personnes recherchées, par exemple. De même, faut-il prévoir que la peine de contrainte pénale est applicable aux infractions terroristes ?

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