Le principe selon lequel la République ne subventionne aucun culte, inscrit à l'article 2 de la loi de 1905, n'étant pas retenu par le Conseil constitutionnel dans sa définition du principe de laïcité en 2013, n'a qu'une valeur législative : il peut donc y être dérogé par la loi. L'interdiction de rémunérer le ministre d'un culte doit ainsi être distinguée de l'interdiction de subventionner un culte, à laquelle le législateur n'est pas tenu. En retenant cette distinction dans son explicitation du principe de laïcité, le Conseil constitutionnel n'a donc pas invalidé les dispositions législatives qui permettent, de façon directe ou indirecte, de subventionner les cultes, contribuant ainsi à préserver une situation pacifiée entre les cultes et l'État.
Adopter cette proposition de loi constitutionnelle rendrait inconstitutionnels les avantages fiscaux accordés aux associations cultuelles, la déductibilité des dons, les baux emphytéotiques ou les garanties d'emprunt que peuvent consentir les collectivités territoriales et les diverses aides directes ou indirectes reconnues par la jurisprudence du Conseil d'État ; sans parler des conventions passées avec l'enseignement privé confessionnel.
Je pourrais affiner encore cette analyse juridique, qui appelle, à mon sens, une vigilance toute particulière. Le droit des cultes, auquel s'attache la loi de 1905, aboutit aujourd'hui à une séparation apaisée, tempérée par certaines dérogations. Il me paraît essentiel de préserver cet équilibre, sans susciter les controverses juridiques que soulèverait immanquablement l'introduction des deux premiers articles de la loi de 1905 dans notre Constitution.
Depuis la dernière révision de 2008, l'idée de réviser la Constitution devient une pratique un peu inflationniste. Pas moins de cinq textes ont été déposés depuis 2012, dont aucun n'a abouti, sans compter celui dont nous serons bientôt saisis. N'oublions pas que la Constitution est notre loi fondamentale et évitons de la transformer, en lui imprimant un mouvement constant, à l'image du code civil ou du code pénal, en un simple « code de la République ».
Si nous pouvons très largement partager les préoccupations qui motivent la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues, introduire dans notre Constitution le titre Ier de la loi de 1905 n'y répondrait pas. C'est pourquoi je vous invite à repousser ce texte, pour envisager d'autres solutions propres à répondre aux préoccupations bien réelles que soulève le communautarisme.