Ce texte se situe dans la ligne qu'ont toujours tenue les radicaux et, même s'ils ne sont pas les seuls à avoir défendu la laïcité, leur engagement historique en sa faveur mérite d'être salué.
En un temps où la résurgence du communautarisme et l'essor des fondamentalismes nous interpellent, il n'est pas inutile de rappeler ce que sont les fondements de notre laïcité. La loi de 1905 est d'abord une loi de liberté, qui pose un principe d'organisation de la société, par le peuple - laos, par opposition à klericos -, comme l'indique clairement l'étymologie du mot de laïcité. Ainsi que le soulignait Jean Jaurès dans son fameux discours de Carmaux sur l'école, laïcité et démocratie vont de pair, se nourrissant l'une l'autre. La France est une République laïque qui, plaçant tous les cultes sur un pied d'égalité, établit la liberté de conscience. La loi de 1905 s'est voulue avant tout comme une loi de concorde et d'apaisement, le moyen de vivre ensemble dans nos différences, que l'on soit croyant ou athée.
Cela dit, si je suis de ceux qui pensent qu'il est bon de réaffirmer ce principe de laïcité, j'estime, contrairement aux auteurs de ce texte, qu'il n'est pas nécessaire d'en préciser la portée, car cela a déjà été fait. À lire leur exposé des motifs, on a le sentiment que la valeur constitutionnelle de la laïcité est imparfaitement reconnue. Or la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2013, qui faisait suite à une saisine de l'association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, pour étendre la loi de 1905 aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, a précisé la valeur constitutionnelle de la loi de 1905, ainsi que je m'en expliquerai en séance.
J'ajoute qu'inscrire le titre Ier de la loi de 1905 dans la Constitution soulèverait nombre de difficultés, ainsi que l'a clairement exposé le rapporteur. Au premier rang desquelles le fait de viser dans la Constitution, comme le fait la rédaction proposée, une loi ordinaire. Qu'en serait-il si, demain, les articles de cette loi étaient modifiés ? Inscrire le titre Ier de la loi de 1905 dans la Constitution remettrait de surcroît en cause les dispositions dérogatoires qui s'appliquent à certains territoires, métropolitains ou ultramarins. De même que se poserait la question du financement des cultes. Rappelons que la loi de 1905 a été modifiée onze fois depuis son adoption, pour y introduire quelque tempérance et répondre à des situations vivantes. La loi de 1905 posait trois interdictions : reconnaître les cultes, salarier les clercs, subventionner les cultes. Mais seules les deux premières, ainsi que l'a rappelé le rapporteur, ont valeur constitutionnelle, tandis qu'à la troisième ont été apportées nombre de dérogations, recensées dans le rapport d'Hervé Maurey sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, qui permettent de subventionner la restauration des bâtiments cultuels, de garantir un emprunt, etc. Or l'adoption du texte qui nous est proposé les remettrait en cause, au risque de rompre un équilibre chèrement acquis. Si bien que, m'inspirant de ce que disait Yvon Collin, signataire du présent texte, lors du débat en séance sur le rapport d'Hervé Maurey, je suis tenté de lancer cet appel : la loi, toute la loi, rien que la loi.
Portons haut et fort le principe de laïcité, mais gardons-nous de modifier des équilibres qui sont l'expression d'une laïcité pleine et entière. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra.