Intervention de Françoise Weber

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 27 janvier 2016 à 9h00
Prévention des risques en matière phytosanitaire — Table ronde

Françoise Weber, directrice générale adjointe aux produits réglementés de l'Anses :

Le champ de compétence de l'Anses est très vaste puisque l'agence prend en charge la sécurité sanitaire des aliments, les risques dans les domaines de la santé environnementale et de la santé au travail, dans un champ couvrant aussi bien la santé humaine, la santé et le bien-être animal, que la santé des végétaux. Nous travaillons également sur les risques microbiologiques et chimiques ou encore physiques.

Parmi les grands principes guidant les travaux de l'Anses, il y a d'abord une vision intégrative des risques. Nous travaillons sur tous les risques auxquels sont exposés le consommateur, le travailleur, le citoyen tout au long de sa vie. Nous travaillons également dans un cadre déontologique renforcé pour garantir l'indépendance de l'expertise scientifique. Notre gouvernance est ouverte au dialogue avec tous les acteurs de la société depuis la fondation de cette nouvelle agence.

L'Anses peut être saisie aussi bien par les ministères que par les membres de son conseil d'administration, mais elle peut également s'autosaisir sur toute question relative à son champ d'action. Le Parlement n'a malheureusement pas cette possibilité ; nous le regrettons et serions favorables à une évolution en ce sens.

L'évaluation des pesticides et des médicaments vétérinaires en vue des autorisations de mise sur le marché se fait dans un cadre réglementaire. L'agence fournit aux autorités compétentes l'expertise nécessaire à l'évaluation des substances chimiques et des risques qu'elles présentent pour l'homme, via l'ensemble des voies d'exposition. Cette évaluation, que ce soit en amont de la mise sur le marché ou dans le suivi de leurs impacts après autorisation, est indissociable de la surveillance des résidus dans les aliments et dans l'environnement, dans l'eau et la biodiversité.

Depuis le 1er juillet 2015, l'Anses, qui assurait déjà l'évaluation scientifique de ces produits, s'est vue confier par la loi pour l'avenir de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, la mission de délivrance, de modification et de retrait des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes et supports de culture qui était auparavant du ressort du ministère de l'agriculture.

Un mot sur les principes qui ont présidé à la nouvelle organisation de l'agence pour intégrer cette nouvelle mission. Les principes ont été les suivants : la rigueur de l'expertise scientifique et l'indépendance des conclusions de l'évaluation, par la séparation fonctionnelle de l'évaluation et de la gestion. Nous avons ainsi reproduit à l'intérieur de l'agence la séparation de l'évaluation et de la gestion au sein de deux départements différents. Le signataire de l'autorisation n'a aucune autorité hiérarchique sur l'évaluation. Cette séparation fonctionnelle est complétée par une procédure ISO9001 qui permet de retracer toute l'évaluation.

Nous avons renforcé les moyens de détection des signaux et des alertes, avec la mise en place de la phytopharmacovigilance. C'est un axe extrêmement important de cette nouvelle activité de l'agence qui avait d'ailleurs été préconisé par le rapport de la mission pesticides du Sénat des sénatrices Bonnefoy et Primas. Notre dispositif de phytopharmacovigilance s'accompagne de la mise en oeuvre de moyens d'inspection et de contrôle, encore assez réduits pour le moment. Nous avons maintenant une capacité d'études indépendantes, dans le cadre de la phytopharmacovigilance, pour remédier à une lacune pointée par le même rapport sénatorial.

Le processus de décision de mise sur le marché se déroule suivant deux étapes distinctes. La première est l'évaluation, qui se fait dans un cadre réglementaire très précis sur la base de dispositions européennes strictes. Les conclusions de l'évaluation interne sont soumises à un comité d'experts spécialisés indépendants, qui remplissent des déclarations d'intérêts que vous pouvez consulter sur le site de l'agence. L'évaluation est ensuite signée par le directeur ou la directrice du département d'évaluation des produits réglementés qui en prend seul la responsabilité.

La deuxième étape est le processus de délivrance des AMM. Ce processus s'appuie sur une nouvelle organisation, avec un département spécifique qui prépare la décision en mettant les propositions de l'expertise scientifique en perspective avec le contexte agronomique et l'impact des mesures prises. Cela permet une gradation des mesures de gestion qui accompagnent l'autorisation de mise sur le marché. À cette étape, l'agence s'appuie également sur un comité indépendant de suivi des AMM, composé de personnalités qualifiées, qui apportent un regard agronomique, sanitaire et économique sur les pratiques et les situations de terrain.

Au niveau européen, l'agence participe très activement aux évaluations des substances actives et fait valoir la position de la France, y compris dans les débats où est élaborée la méthodologie sur les critères d'évaluation dans les États-membres.

Notre évaluation bénéficie de nombreux autres travaux conduits au sein de l'Anses. Les travaux de l'observatoire des résidus des pesticides, qui rassemble, organise et optimise l'exploitation de l'ensemble des informations et résultats provenant des contrôles et mesures de résidus de pesticides nous permet de disposer de ces données nous conduisant parfois à retirer certains produits lorsque nous constatons des résidus trop élevés dans l'alimentation. Nous disposons d'autres travaux, comme ceux relatifs à la co-exposition des abeilles aux pesticides et aux agents pathogènes. Un travail est également en cours sur l'exposition des travailleurs agricoles aux pesticides, ainsi qu'une expertise sur les modalités d'une surveillance nationale des pesticides dans l'air ambiant. Nous conduisons par ailleurs d'autres travaux sur l'exposition des consommateurs aux produits d'entretien ménagers et aux produits de lutte contre les nuisibles dans la maison.

Un dernier mot sur les résidus de pesticides. Nous avons débuté une étude sur l'alimentation totale infantile, qui permettra de mieux connaître les contaminants auxquels sont exposés les enfants de moins de trois ans.

Enfin, l'agence a également récupéré, début 2016, le pilotage de la toxicovigilance, outil extrêmement important pour repérer les signaux sur la toxicité des pesticides.

Nous sommes conscients de la portée de notre mission et de notre responsabilité, mais nous sommes aussi très modestes, car nous savons que nous sommes loin d'avoir toutes les réponses aux problèmes scientifiques majeurs qui se posent à notre société dans ce domaine. Notre objectif est de faire état, en toute transparence et à tout moment, des connaissances comme des incertitudes. Vous l'avez d'ailleurs vu à l'occasion de notre avis rendu récemment sur les néonicotinoïdes, dans lequel nous avons fait état de ce que nous savions et de ce que nous ne savions pas. C'est en fonction de ces incertitudes que nous proposons des recommandations dont nous sommes d'ailleurs en train d'engager la mise en oeuvre. Nous sommes avant tout une agence de sécurité sanitaire et nous sommes convaincus que l'enjeu pour nous n'est pas tant la délivrance des AMM, que la capacité de capter et d'analyser, sans délai, les nouvelles connaissances et les signaux de terrains à propos des effets néfastes sur l'homme, la faune, la flore ou encore le milieu, induits par l'utilisation des produits autorisés. C'est sur cette capacité de détecter des signaux parfois très diffus que nous pourrons mesurer l'accomplissement de notre mission.

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