Intervention de Eugénia Pommaret

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 27 janvier 2016 à 9h00
Prévention des risques en matière phytosanitaire — Table ronde

Eugénia Pommaret, directrice générale de l'Union des Industries de la Protection des Plantes :

L'UIPP comprend 22 adhérents depuis le début de l'année 2016. Il s'agit des entreprises qui mettent sur le marché des produits à usage agricole dont les produits phytosanitaires.

Pour commencer, rappelons que ces produits s'inscrivent dans une logique de facteur de production pour l'agriculture et que cette dernière a sans cesse besoin de produits innovants, pour répondre à des problèmes spécifiques aux usages et à l'évolution des questions sanitaires. À cet égard, vous avez vu et entendu parler des problèmes qui se posent dernièrement au niveau européen avec des bactéries, des ravageurs, qui posent de plus en plus de questions à l'agriculture européenne.

Il faut rappeler également que l'agriculture a besoin de protection pour les cultures. Les produits qui sont mis sur le marché répondent à des demandes plurielles et diverses. Cette diversité est justement la force de l'agriculture en France auprès des consommateurs qui peuvent chercher des produits conventionnels ou biologiques, pour certains, ou des marchés de niche, pour d'autres. Il est impossible de réaliser ces cultures sans les produits de protection des plantes appropriés.

La réglementation a déjà été présentée par Françoise Weber. Rappelons toutefois que c'est un cadre européen à double détente : au niveau européen, l'évaluation et l'inscription des substances actives est la première étape pour que les pétitionnaires proposent des dossiers au niveau national. Depuis le règlement de 2009, cette évaluation est assurée pour les trois zones que compte l'Europe, la France étant en zone Sud. Je tiens à rappeler que cette procédure est extrêmement encadrée et robuste. Sur certains points, la France est allée plus loin, notamment en matière de pharmacovigilance. C'est une très bonne chose, car il est important de pouvoir recenser l'ensemble des données, les traiter, et vérifier si elles présentent une incompatibilité avec le comportement eau, air, ou encore santé. Il est important que l'agence puisse avoir un regard transversal et que les différentes parties prenantes puissent participer à l'amélioration de ce dispositif.

Les aspects phytosanitaires soulèvent légitimement des questions. En tant que citoyens, nous partageons ces interrogations. En tant qu'industrie, nous essayons d'apporter des réponses et c'est sur ce point que j'aimerais évoquer la manière dont nous travaillons.

Tout d'abord, il faut avoir en tête que toute la partie concernant l'évaluation et la mise sur le marché est fondée sur la maîtrise des risques ; le risque étant le danger multiplié par l'exposition, il est nécessaire d'agir sur les deux. Au niveau des entreprises, ainsi que de l'innovation et de la mise sur le marché, des efforts très importants ont été consacrés à l'amélioration des profils des produits. Lorsque vous regardez les produits mis sur le marché aujourd'hui, l'évolution naturelle de la science a été d'améliorer constamment leur profil. Nous allons poursuivre cette boucle d'amélioration lors du dépôt de nouveaux dossiers.

Notre secteur investit énormément en recherche et développement. Il y a d'abord la phase de laboratoire et celle de l'expérimentation au champ où on se confronte forcément au problème des usages. Pour répondre aux demandes de l'agriculture d'adapter les produits aux usages, mais aussi en matière de maîtrise des risques et de prévention, par les utilisateurs agricoles. Les produits sont de moins en moins dosés. Pour preuve, les doses moyennes homologuées pour traiter un hectare ont été divisées par 34 en soixante ans. S'agissant de la toxicité, les produits sont de plus en plus ciblés. Parallèlement, les règles d'homologation n'ont cessé de se renforcer, et c'est uniquement lorsque le risque est jugé acceptable par rapport au risque environnemental et sanitaire que le produit peut obtenir une autorisation de mise sur le marché.

Il est par ailleurs possible, au niveau européen, en fonction des rapports scientifiques publiés, d'ajuster à tout moment cette autorisation et ces conditions d'emploi. L'autorisation est le terme général, mais tout se décline en conditions d'emploi pour lesquelles l'utilisation ne comporte pas de risque. C'est donc un élément important par rapport à tout ce qui est perçu comme un danger relatif à la caractéristique intrinsèque des substances actives.

Deuxième élément à garder à l'esprit : la réduction des dangers relatifs à la formulation. Sur ce point, je reviens sur l'utilisation globale des produits phytosanitaires. Il existe des produits de synthèse ou d'origine naturelle, qui sont utilisés dans l'agriculture biologique. Ainsi, le cuivre et le soufre n'ont pas changé depuis la nuit des temps. Pour autant, en termes de formulation, on peut agir et réduire l'utilisation de ces produits. Il est facilement compréhensible que l'utilisation en sachets dispersibles ou certaines formulations apportent une véritable amélioration en termes de risques. Nous sommes dans une démarche de progrès, qui relève de la responsabilité de ceux qui introduisent ces produits sur le marché.

Troisièmement, notre souci est constant de réduire les risques en matière d'emballage ergonomique, avec pour objectif un emboîtement direct sur les machines, ce qui implique une approche transversale avec les fabricants.

Il est important également de développer l'information et la sensibilisation. La responsabilité des metteurs sur le marché ne s'arrête pas au seuil de l'autorisation : il y a toute une phase de suivi, soit spécifique aux produits et imposée compte tenu de l'autorisation, soit plus globale au niveau de l'utilisateur. Dans ce cas, il faut bien s'assurer que les conditions d'emplois sont bien comprises et, dans le cas où elles soulèvent des questions de faisabilité, d'être là pour apporter des compléments et des solutions.

En termes d'ergonomie et de conditions de travail, nous sommes au coeur des questions de prévention sanitaire. Celle-ci ne se décrète pas de Paris, et nous faisons l'effort de lancer des projets multipartenaires sur le terrain. J'ai, comme exemple, le lancement d'un projet dans le Bordelais qui s'intitule « safe using initiative ». Cette initiative européenne consiste à regarder, en conditions réelles, l'utilisation, par les viticulteurs, et d'apporter en fonction des contextes des améliorations à l'application des produits. Entre la nouveauté théorique de certaines recommandations, nous avons appris à nous confronter à la pratique et à apporter des éléments qui sont pertinents et adaptés à chaque exploitation agricole. Ce qui a été fait pour la viticulture doit l'être pour tous les usages. Tout cela a donné lieu à des livrables, c'est-à-dire à des guides spécifiques pour les utilisateurs, que nous éditons et que nous adressons aux organismes de développement et de conseil pour qu'ils les transmettent aux agriculteurs lors de formations à l'utilisation des produits phytosanitaires ou à la gestion des risques.

J'en termine en évoquant les campagnes de sensibilisation auxquelles nous participons avec l'ensemble de la filière agricole pour diffuser des messages de généralisation de bonnes pratiques et de protection des utilisateurs. Nous allons travailler avec ceux qui entourent la filière agricole et apportent des conseils aux agriculteurs. Nous avons recueilli, lors de notre participation au salon du machinisme agricole, de nombreuses questions pratiques des agriculteurs que nous souhaitons mettre à disposition avec des outils de communication digitale. Nous avons lancé une réflexion sur la lisibilité des étiquettes pour attirer l'attention sur l'essentiel. J'ai parlé d'un dispositif de limitation des risques lors du transfert des emballages vers les pulvérisateurs et qui s'avère l'une de nos priorités. En termes d'environnement, tout ce qui concerne le débat sur les abeille, nous avons un projet mobilisateur destiné à souligner l'importance des bonnes pratiques en lien avec les préoccupations des apiculteurs, afin de voir dans quel contexte les industriels peuvent répondre aux besoins exprimés. Enfin, nous avons des projets dans le secteur du ruissellement qui concerne les pollutions de l'eau.

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