Intervention de Daniel Roques

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 27 janvier 2016 à 9h00
Prévention des risques en matière phytosanitaire — Table ronde

Daniel Roques, membre de la Coordination Rurale :

Je vous remercie de nous avoir conviés à cette table-ronde qui nous permettra de présenter le sérieux avec lequel les agriculteurs abordent la question des risques liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Tout d'abord, je voudrais, monsieur le Président, reprendre ce que vous avez dit en introduction : cette table-ronde devra aboutir à des solutions rapides s'agissant des alternatives à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Tant mieux ! Nous l'espérons ardemment car, pour nous, la problématique n'est pas tant dans le fait que les utilisateurs professionnels que sont les agriculteurs sont réticents à utiliser les alternatives, du fait d'une prétendue addiction aux produits phytopharmaceutiques, mais bien qu'ils n'en ont pas à leur disposition ou que ces alternatives ne leur garantissent pas une efficacité similaire au niveau biologique pour un coût économiquement supportable. Aussi avions-nous proposé, dans le cadre d'Ecophyto 2, que l'axe 2 relatif à la recherche passe en axe 1, afin que tous les efforts soient portés vers la recherche d'alternatives, en particulier dans le domaine du matériel agricole, avec des pulvérisateurs intelligents afin d'éviter les déperditions de produits et de matières ne touchant pas la cible souhaitée.

En ce qui concerne nos actions, la Coordination rurale est membre de l'association Audace que je préside. Depuis 17 ans, le président de la Coordination rurale m'a donné mandat pour intervenir sur les produits phytopharmaceutiques. C'est ainsi que j'ai été auditionné par la mission pesticides de Sophie Primas et Nicole Bonnefoy.

Cela fait longtemps que nous proposons des dispositifs et des mesures de précaution liés à l'utilisation, mais aussi à la fabrication et à l'autorisation des produits. Nous avons rendu à la Commission européenne un rapport, fort de trente propositions, dans le cadre de l'élaboration de la stratégie thématique relative à l'utilisation durable des produits pharmaceutiques dès 2002. Parmi ces propositions, une vingtaine a été reprise par la directive 2009-928 sur l'utilisation durable des produits pharmaceutiques.

Nous nous sommes opposés depuis longtemps à ce sophisme qui consiste à dire, de manière fort malencontreuse vis-à-vis des professionnels utilisateurs, que l'AMM est la garantie de l'innocuité d'un produit phytosanitaire. Nous avons dû, hélas, le dénoncer pendant pratiquement deux générations d'agriculteurs. Les autorités compétentes et l'industrie ont pris conscience que cette page avait été tournée et que les produits phytosanitaires représentaient un certain nombre de risques qui pouvaient toucher l'utilisateur mais aussi le voisinage autour d'un champ en cours de traitement, les consommateurs, s'agissant des résidus dont a parlé précédemment et enfin, l'environnement. Depuis vingt ans, nous faisons notre possible, dans le cadre de réunions ou de communications hebdomadaires publiées par la Coordination rurale au sujet des groupes de travail dans lesquels nous sommes présents à la DGAL, l'Anses ou la Commission européenne. Par ailleurs, la Coordination rurale rappelle, dans une publication mensuelle et de manière périodique, les précautions à prendre s'agissant de l'utilisation des produits phytosanitaires. De manière plus ponctuelle et personnelle, nous accompagnons les professionnels utilisateurs de produits pour suivre la réglementation souvent changeante.

Enfin, nous participons à des propositions qui vont dans le sens d'une réduction des risques. L'évaluation telle qu'elle est faite par l'Anses suscite la plus grande confiance chez nos agriculteurs. Les substances actives relèvent d'une évaluation communautaire. Cette confiance est telle que nous sommes parfois amenés à émettre des propositions pour prendre en compte des usages non pourvus ou pour obtenir l'autorisation de produits autorisés dans d'autres États membres, mais non en France. La multiplication des usages orphelins sur des cultures mineures, voire majeures, entraîne des risques accrus de tous ordres, y compris l'utilisation de produits non autorisés par des achats irréguliers dans d'autres États membres.

Enfin, le risque phytosanitaire ravive l'image de l'agriculteur pollueur avec son scaphandrier sur son pulvérisateur. Nous commençons à en avoir puissamment assez ! Nous fournissons à la population des aliments en qualité, en quantité et en diversité parfaitement sains, réguliers et conformes à la réglementation. L'activité agricole est cependant sujette à des impondérables : la climatologie, la différence des sols et des cultures, car notre agriculture française est victime, vis-à-vis de son opinion publique, de sa propre diversité. Nous avons en effet une diversité de productions absolument inouïe. Nous ne sommes pas dans l'exagération quant à l'utilisation des produits phytosanitaires. Nous sommes au neuvième rang des pays européens pour l'utilisation à l'hectare et les sixièmes utilisateurs mondiaux. Mais nous avons 30 millions d'hectares de surface agricole utile et toutes les productions représentées ! Nous avons donc besoin de toute la phyto-pharmacopée disponible sur le marché et nous l'utilisons, en règle générale, à bon escient.

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