Intervention de Dominique Lenoir

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 27 janvier 2016 à 9h00
Prévention des risques en matière phytosanitaire — Table ronde

Dominique Lenoir, médecin chef, directeur de la santé sécurité au travail de la MSA :

Concernant la connaissance des risques phytosanitaires, nous disposons de systèmes de veille et de réseaux. Le premier élément est le réseau phyt'attitude qui s'intègre dans le réseau de toxicovigilance. Ce réseau a été créé en 1991 au niveau expérimental et a été diffusé à partir de 1997. Il permet d'avoir un recueil volontaire de la part des actifs salariés ou exploitants agricoles, par l'intermédiaire d'un numéro vert qui nous signale les pathologies et les symptômes cliniques qu'ils pensent avoir en lien avec un produit phytosanitaire. Cela déclenche une enquête par un médecin du travail et un conseiller en prévention, ainsi qu'une remontée anonyme au niveau national qui nous permet d'avoir une base de données et une expertise d'imputabilité par un toxicologue.

Cela nous permet, en nous intégrant dans le réseau de toxicovigilance, de répondre aux demandes de l'Anses qui nous sollicite pour certains produits pour lesquels nous faisons part des données lorsqu'une imputabilité est avérée.

Deuxième point de développement de connaissance du risque : nous faisons partie de l'enquête Agrican qui est un suivi de cohortes développé depuis 2005. 180 000 personnes sont ainsi suivies dans 11 départements. Quelques résultats de cette enquête ont fait polémique dans la presse. Ces premiers résultats étaient descriptifs et devraient nous permettre, à terme, de nous faire une idée précise de l'impact de l'environnement sur la population agricole. Cette démarche est réalisée en parallèle avec une étude de cohorte américaine, l'agricultural health study, qui étudie 50 000 personnes aux États-Unis. Les résultats de ces cohortes sont relativement cohérents, ce qui est un gage de fiabilité.

Le point fondamental de notre action est aussi la prévention. Il est de notre mission envers les salariés et exploitants agricoles de veiller à ce qu'il y ait le moins de risques possible et de conséquences pour la santé, en cas de manipulation de produits phytosanitaires ou d'autres éléments. Nous avons intégré le risque phytosanitaire et chimique dans notre nouveau plan 2016-2020 qui sera principalement consacré à l'évaluation du risque chimique. C'est une obligation depuis une quinzaine d'années, mais il nous semble important, avant toute action, d'évaluer le risque. En effet, comment peut-on mettre en oeuvre des actions concrètes si l'on ne connaît pas le niveau réel du risque par rapport au produit ? Nous allons donc préconiser l'utilisation simple de la méthodologie développée par l'INRS pour que chaque manipulateur soit à même de conduire sa propre évaluation des risques. Nos conclusions devraient résulter de cette évaluation. Nous allons accompagner toute cette démarche de prévention, une fois que cette évaluation sera faite.

Il existe plusieurs grands principes en matière de prévention. On peut supprimer le risque : s'il n'y a plus de risque, il n'y a plus de problème. Ce n'est pas toujours facile, même si, dans certains cas, cette suppression du risque est obligatoire. Après avoir évalué l'utilisation de produits considérés comme risqués, il faut privilégier la prévention collective. On entend par prévention collective l'ensemble des systèmes sans contact qui permettent de manipuler lors de la préparation du produit avant traitement, comme de remplir les cuves sans aucun contact. Ce système existe déjà dans l'industrie depuis plusieurs années et il est indispensable de le développer. Il est d'ailleurs indispensable de définir une norme unique pour le système sans contact puisqu'actuellement, plusieurs systèmes coexistent. Le Royaume-Uni préconise une norme internationale unique afin que tous les tracteurs puissent utiliser le même système, ce qui serait beaucoup plus simple.

D'autres systèmes existent une fois que le produit est dans la machine, comme l'utilisation de cabines de classe IV qui sont étanches et permettent d'utiliser des produits sans vapeur aérosol. Actuellement, les revendeurs n'informent pas beaucoup les utilisateurs sur ces classifications de machines. Il y a donc une action à mener auprès des constructeurs pour qu'ils mettent dans leur catalogue des éléments sur la sécurité et la santé des applicateurs. Pour le moment, si les brochures contiennent des éléments techniques sur les machines, la prévention de l'utilisateur est une matière guère connue pour le revendeur.

Nous participons également à la démarche Certiphyto et aux certifications individuelles dans ce cadre, en contribuant à la formation des formateurs à l'Institut national de médecine agricole de Tours et à certains modules santé au niveau du terrain.

Nous avons intérêt à avoir sur le terrain une réflexion sur toute l'organisation, à savoir le circuit, le local à produits phytosanitaires, l'entreposage ou encore l'exigence de non-mélange de produits présentant les mêmes catégories de risques. Ce sont des messages que nous rappelons sur le terrain.

Notre mission a plusieurs volets : la connaissance, un circuit de veille sanitaire, qui nous permet de constituer un recueil d'informations et de faire remonter à l'Anses les éléments dont nous pourrions avoir connaissance, un système d'accompagnement à la prévention sur le terrain et de réparation en cas de maladie professionnelle. De nouveaux tableaux ont été créés et ont remplacé ceux qui n'étaient plus d'actualité, sur la base de la synthèse conduite par l'INSERM en 2013, sur l'étude américaine, et sur l'enquête Agrican. D'autres tableaux sont également en cours d'élaboration et un certain nombre de données, que nous devrions obtenir grâce à notre système de veille, devraient nous permettre de proposer de nouvelles pistes d'évolution, si certains liens entre produits de traitement et pathologies venaient à être identifiés.

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