Intervention de Eugénia Pommaret

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 27 janvier 2016 à 9h00
Prévention des risques en matière phytosanitaire — Table ronde

Eugénia Pommaret, directrice générale de l'Union des Industries de la Protection des Plantes :

Je répondrai à deux questions. Tout d'abord comment teste-t-on un produit ? Notre cadre européen est le plus robuste au monde. Il répond à une volonté politique et à celle des opinions publiques. Nous nous insérons dans ce cadre à partir du moment où un pétitionnaire dépose un dossier. Les évaluations sont conduites dans le cadre d'un zonage qui correspond à une volonté d'harmonisation pour tester les différents contextes et usages. Cette harmonisation répondait aux voeux des industriels et de la profession agricole. Dans le règlement européen, la notion de principe uniforme couvre en effet tous les enjeux liés à la santé et au risque de l'applicateur. Les risques pour les riverains et les consommateurs, au travers des résidus, sont pris en compte. Les tests sont menés en fonction des populations et des risques d'exposition. Conformément au principe uniforme, tous les pétitionnaires doivent inclure ces aspects dans leur dossier. Ensuite, les agences nationales donnent un avis. Par la suite, l'entité qui délivre les autorisations de mise sur le marché se prononce à l'aune de ces éléments. Je tiens à souligner l'aspect intégrateur de ce règlement européen.

En 2009, une directive européenne, consacrée à l'ensemble du volet utilisation, est venue renforcer ce dispositif, ce qui représentait un pas vers l'harmonisation des consignes relatives aux matériels et des plans d'action nationaux. Ce système est donc cohérent et robuste.

En tant que consommateur, je fais confiance aux produits d'origine française et européenne. Avec un tel cadre, renforcé par des contrôles et des accompagnements, on peut toujours s'interroger en termes de consommation, mais on peut avoir confiance dans le système scientifique qui est à notre disposition. Nous continuerons toujours à nous nourrir et s'il s'agit de se nourrir avec des aliments produits dans des pays dont les contrôles, dans le domaine des intrants notamment, s'avèrent moindres, il est de notre responsabilité vis-à-vis des consommateurs de nous prémunir contre cette tendance.

Sur les questions des produits ou des méthodes alternatives, soulevées par Mme Bonnefoy et Mme Jouanno, il ne faut pas réduire la réflexion uniquement aux produits. Lorsqu'on parle de méthode alternative, on suit un raisonnement bien plus large. Ce raisonnement agronomique n'est pas nouveau. On traite la gestion des risques sanitaires, soit en prévention soit au fur et à mesure. Les principes de cette protection intégrée figurent dans la directive européenne ; c'est une obligation pour les États-membres. Cette protection intégrée va bien au-delà de l'aspect produit. On peut jouer sur différents outils et en matière de modélisation, la France est d'ailleurs pionnière. Avec les Ecophytos, nous avons investi dans la capacité de poser un diagnostic pour avoir la décision la plus avisée possible et ne recourir à un traitement qu'en cas de nécessité.

S'agissant du débat sur les produits alternatifs, on parle souvent de l'aspect « biocontrôle ». Plus de 50 % des produits qui sont sur le marché et qui répondent au label de produit vert sont élaborés par des adhérents de l'UIPP. Les produits issus du biocontrôle font appel à l'innovation, à la science et sont très souvent utilisés en complémentarité avec les produits dits classiques. Puisque les produits biocontrôle actuellement sur le marché sont de l'ordre de moins de 5 %, on comprend aisément que la complémentarité avec le reste du marché se fera de manière progressive. J'étais d'ailleurs hier au colloque organisé par l'IBMA et il y a manifestement d'énormes enjeux en matière d'innovation et d'accompagnement. Les entreprises qui proposent ces produits ont besoin d'un cadre stable. Toutefois, l'absence de définition du bio-contrôle au niveau européen est une difficulté pour nous. En matière d'harmonisation européenne, on se raccroche effectivement à la directive qui mentionne la protection intégrée. Le soutien des pouvoirs publics à l'innovation est réelle et le consortium public-privé qui découle du rapport « Agriculture et innovation 2025 », dont l'UIPP est partie prenante, permet d'oeuvrer en ce sens. En effet, près de 60 % des produits ou des brevets émanent du secteur privé. Ce qui signifie que les 40 % restants proviennent du secteur public. Il faut concrétiser cette dynamique.

En moyenne, dix ans séparent le « screening » de la recherche et la sortie d'un produit sur le marché. C'est la même chose pour les produits de biocontrôle qui s'appuient sur des méthodes biologiques. C'est même parfois plus compliqué dans la mesure où nous sommes sur du matériel vivant. Cela exige une grande technicité. De nombreux éléments doivent être testés en grandeur réelle.

Il va falloir gérer cette évolution et celle du marché. Il n'y a pas d'antinomie entre la chimie, qu'elle soit de synthèse ou naturelle, et les produits de biocontrôle qui agissent sur les méthodes biologiques. Les agriculteurs doivent avoir à leur disposition toutes ces solutions. À l'instar de la médecine humaine, il faut disposer d'une large palette de solutions pour pouvoir répondre, en fonction du seuil d'infestation, aux problèmes posés.

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