Je sais que, depuis cet été, vous êtes sur cette approche consistant à vérifier si le retrait de l'un ne va pas générer quelque chose de pire à côté.
Je voulais réagir au sujet des normes et sur leur perception par les agriculteurs. Un sondage de novembre dernier a tenté de révéler les facteurs empêchant les agriculteurs d'être heureux. On aurait pu imaginer qu'il s'agissait des prix ou des revenus ! La première contrainte était en réalité une contrainte administrative, à savoir les normes, et la seconde, l'image. Le revenu n'était cité qu'en troisième et ensuite, le temps consacré à sa vie personnelle et à sa famille. Cet ordre est révélateur de la manière dont le monde agricole vit cette pression normative et réglementaire.
Deux exemples pour illustrer mes propos. Le premier concerne les décisions de l'Anses et de l'EFSA, ainsi que les débats qui se sont tenus au Sénat sur les néonicotinoïdes. Aujourd'hui un agriculteur producteur de riz en Camargue a à sa disposition six produits pour traiter les mauvaises herbes, qui peuvent être particulièrement nombreuses lorsqu'il fait chaud. Dans la même zone de délivrance des AMM, son homologue espagnol dispose, quant à lui, de dix-huit produits et son homologue italien en a vingt-et-un ! En France, les conditions d'homologation des produits sont drastiques. On pourrait s'en féliciter en termes de gestion des risques, mais il ne faut pas créer des résistances, ou pire encore, des stratégies de contournement.
Ce que Mme Weber vient d'évoquer va nous permettre, je l'espère, de prendre davantage de recul pour savoir comment gérer une telle situation. Sinon, il n'y aura plus de riz en France. Certains s'en féliciteront peut-être... Or, la riziculture permet de désaliniser la Camargue et contribue à la préservation de la biodiversité. Il faut raisonner selon une logique globale de coûts et de bénéfices, en examinant l'ensemble des impacts résultant des décisions, avec beaucoup de recul.
De l'autre côté, nous dénonçons le phénomène « parapluie » engendré par des systèmes en cascade. Au-delà de l'autorisation des produits, il faut prendre en considération les conditions d'application. Plus les années passent, plus elles se multiplient et se complexifient. Chacun essaie de se protéger : les firmes, le Gouvernement, voire l'Anses ! À la fin de cette chaîne, c'est l'agriculteur, qui se retrouve avec des zones de non-traitement par rapport à des cultures adjacentes, ou avec des dispositifs végétalisés permanents. À cause de cette accumulation, nous n'y arrivons plus ! Nous ne disons pas que les décisions sont bonnes ou mauvaises ou que les protections ne sont pas nécessaires ! Il en faut ! Mais il faut aussi du bon sens et de l'applicabilité. Notre souhait aujourd'hui, ce n'est pas l'absence de norme ou de réglementation ; les appellations d'origine protégée (AOP) par exemple nous protègent et sont positives. Mais il faut que les normes soient applicables.
En matière de néonicotinoïdes, l'Anses et l'EFSA n'énoncent pas d'interdiction. Au cours du débat au Sénat la semaine dernière, vous vous êtes rangés à l'avis de l'Anses qui préconise d'encadrer les choses. Mais il faudra un débat sur l'applicabilité. À titre d'exemple, l'avis de l'Anses préconise une attention particulière à l'environnement proche lors du traitement, pour protéger les pollinisateurs. C'est effectivement important, mais faut-il regarder seulement les fleurs ou aller au-delà ? Est-ce que le problème, ce n'est pas également de traiter les poussières ? Ce n'est pas forcément prévu aujourd'hui, et il ne faut pas légiférer excessivement, notamment lorsqu'il s'agit davantage de bonnes pratiques. Nous comptons sur vous pour favoriser l'innovation et assurer l'applicabilité des règles adoptées. Il faut préserver la liberté des applicateurs et laisser ouvertes certaines discussions pour que l'application soit intelligente, donc efficace ! Une interdiction stricte est un gage de contournement de la loi... Il faut donc un équilibre entre la loi, que vous élaborez avec sagesse, et l'application, pour laquelle les agriculteurs en bout de chaîne doivent disposer de marges de manoeuvre.