Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 2 février 2016 à 14h30
Lutte antiterroriste — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux – que je félicite de son accession à cette haute mais difficile fonction –, mes chers collègues, la menace terroriste est toujours très forte dans notre pays. Nous le savons et le Gouvernement nous le rappelle régulièrement.

Nous devons vivre avec, sans céder ni à la peur ni à une forme de panique qui pourrait nous conduire, dans un réflexe sécuritaire, à mettre en péril nos libertés individuelles. Cela serait une victoire pour les ennemis de la République.

Ne pas avoir peur donc, mais, surtout, ne pas baisser la garde ! Pas d’angélisme, et une préoccupation fondamentale : lutter contre ces criminels de la manière la plus efficace possible, mais dans le respect des grands principes démocratiques.

Nous sommes, depuis les derniers événements dramatiques qui ont frappé Paris, dans une situation particulière : l’état d’urgence, décrété par le Président de la République. Ce cadre d’exception était nécessaire, et nous avons naturellement apporté notre soutien au Gouvernement lorsqu’il nous a demandé de le prolonger.

Le Premier ministre a annoncé son souhait de le reconduire une nouvelle fois. Nous en débattrons le moment venu, mais une chose est certaine : notre pays ne peut pas, ne doit pas rester indéfiniment sous un régime d’exception.

La question de la sortie de l’état d’urgence va donc se poser. C’est dans cette perspective que cette proposition de loi nous est présentée.

La sortie de l’état d’urgence ne devra pas permettre, contrairement à ce qu’avait envisagé le Gouvernement dans une première mouture de son projet de loi constitutionnelle, le maintien aux préfets de pouvoirs de police administrative étendus. Le Gouvernement semble avoir abandonné cette hypothèse : tant mieux !

Le traitement de cette forme si particulière de criminalité qu’est le terrorisme doit pouvoir s’exercer dans le cadre normal de l’État de droit, sous l’autorité du juge judiciaire. Mais, à criminalité particulière, réponse judiciaire particulière : c’est ce que nous proposent les auteurs de ce texte. La proposition de loi balaie tout le spectre de la chaîne pénale, de l’enquête jusqu’à l’exécution des peines.

Je salue l’ampleur et la qualité du travail qui a permis d’aboutir à cette proposition de loi qui me semble un bel exemple d’initiative parlementaire, un texte technique et précis, que le Sénat pourra s’enorgueillir d’avoir élaboré et adopté rapidement, du moins je l’espère.

Dans la période troublée que nous vivons, de quoi avons-nous besoin en priorité : de symboles ou d’outils juridiques répressifs ? De nouveaux cas de déchéance de nationalité ou de la possibilité de s’assurer d’une perpétuité réelle incompressible pour les terroristes ?

Certains diront les deux. Une chose est sûre, en tout cas, l’extension de la déchéance de nationalité ne permettra jamais de neutraliser le moindre terroriste ! En revanche, la mise en œuvre des dispositions de cette proposition de loi offrira demain à la police judiciaire, aux magistrats du parquet et aux juges d’instruction de nouveaux instruments permettant d’arrêter et de condamner ces terroristes.

Certes, nous avons déjà voté récemment plusieurs textes pour lutter contre le terrorisme, notamment en augmentant les moyens des services de renseignement, là encore avec l’espoir d’empêcher de nouveaux attentats. Mais ce que nous allons faire aujourd’hui est différent : nous abordons l’aspect judiciaire des choses, les différentes étapes de la chaîne pénale.

Ce texte est donc absolument nécessaire et complémentaire des dispositions précédemment votées. Le Gouvernement ne peut d’ailleurs être que convaincu de cette nécessité, puisqu’il présentera, très prochainement, semble-t-il, son propre texte…

Les principales motivations des auteurs de la proposition de loi ont été rappelées par notre rapporteur ; je n’en citerai donc que quelques-unes, à titre d’illustration.

Le premier impératif est de rechercher une efficacité accrue, mais bien évidemment toujours sous le contrôle du juge.

Le deuxième impératif est d’approfondir l’adaptation de notre droit aux nouvelles technologies, qui avancent plus vite que le droit.

Le texte issu des travaux de la commission contient d’autres mesures bienvenues. Il prévoit ainsi la suppression de la contrainte pénale pour les infractions terroristes. Évidemment, diront certains ! Certes, mais, pour l’instant, notre droit positif le permet. Le mieux est que cela ne soit plus possible, car ce serait absolument inapproprié.

Il prévoit également la modification de notre code pénal afin de permettre à la cour d’assises, en cas de condamnation pour meurtre commis en bande organisée en relation avec une entreprise individuelle ou collective terroriste, de prononcer soit une période de sûreté de trente ans, soit une période de sûreté dite « incompressible » si elle prononce une réclusion criminelle à perpétuité. Comme l’ont dit plusieurs intervenants avant moi, cette période de sûreté ne doit pas seulement être « dite » incompressible, mais être réellement incompressible.

Ces mesures sont nécessaires dans la situation de guerre où nous nous trouvons.

Pour terminer, je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, Michel Mercier. Il a démontré sa pleine maîtrise de ces sujets complexes. Son implication dans les travaux du comité de suivi de l’état d’urgence a, je n’en doute pas, éclairé sa réflexion.

La proposition de loi qu’il nous soumet aujourd’hui au nom de la commission des lois est un texte important pour la sécurité des Français. Nous la soutiendrons donc naturellement.

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