Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 2 février 2016 à 14h30
Lutte antiterroriste — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe aurait pu se demander s’il était opportun d’alourdir la charge de travail du Sénat en présentant cette proposition de loi, alors que le Gouvernement a annoncé un projet de loi d’objet voisin. Si nous étions de mauvaise composition, nous dénoncerions cet alourdissement de notre ordre du jour, mais nous prenons au contraire acte de la volonté des auteurs du présent texte d’engager un travail de « coconstruction ».

Vous allez ainsi découvrir, monsieur le garde des sceaux, ici au Sénat, une autre façon de faire vivre la démocratie parlementaire : l’examen de cette proposition de loi sera l’occasion d’un « pré-débat » sur le texte que vous présenterez bientôt à l’Assemblée nationale, puis devant la Haute Assemblée.

Cela étant dit, devinant quel sera l’avenir de cette proposition de loi, nous n’avons pas jugé utile de déposer en séance publique des amendements de suppression ou de rectification, d’autant que, en commission, nous avons pu, avec votre appui, monsieur le rapporteur, équilibrer un dispositif quelque peu excessif, par exemple en ce qui concerne la rétention de sûreté.

Comme l’a dit M. Mézard, nous devons en permanence retravailler ces textes, parce qu’il est fondamental de maintenir l’équilibre de l’État de droit face aux agressions dont la République est l’objet. Dans cette perspective, nous devons notamment veiller à ce que nos services puissent recourir aux moyens modernes dont disposent aujourd’hui les terroristes. Cette question n’est pas simple : que l’on se souvienne des débats, fort lointains désormais, sur les écoutes téléphoniques. Nous ne devons pas renoncer à l’emploi des techniques nouvelles au nom de l’État de droit ; au contraire, nous devons les utiliser pour protéger nos concitoyens et la démocratie. Dans quelles conditions et sous quel contrôle ? À cet égard, que les choses soient claires : il n’est pas question pour nous de prétendre que le juge administratif serait plus « liberticide » que le juge judiciaire. La seule différence entre eux, mais elle est fondamentale dans notre État de droit, c’est que le juge judiciaire est saisi avant la prise de la mesure, alors que le juge administratif contrôle ensuite sa mise en œuvre.

Ce contrôle préalable du juge judiciaire est fondamental et doit s’accompagner d’un débat contradictoire, non pas devant le procureur, nécessairement, mais devant le juge d’instruction, en cas de mise en examen ou de placement sous statut de témoin assisté, ou le juge des libertés et de la détention, qui est appelé à jouer un rôle de plus en plus important, comme nous l’avons souligné lors de l’examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle. Le juge des libertés et de la détention intervient avant qu’un juge d’instruction ne soit saisi et le cas échéant autorise, en quelque sorte, ce que le procureur souhaite permettre à la police.

Par ailleurs, il faut encore travailler sur la question des perquisitions numériques, qui sont aussi une forme de violation de domicile, s’agissant de données privées, mais peuvent être nécessaires.

Cette proposition de loi prévoit également de nouvelles infractions pénales, pouvant donner l’impression qu’il s’agit, pour les auteurs du texte, de faire accroire qu’ils seraient moins laxistes que d’autres. Nous en reparlerons, mais nous ne sommes pas convaincus que ces nouvelles infractions seront efficaces et qu’elles ne compliqueront pas davantage encore la tâche des magistrats dans l’organisation des poursuites.

Je conclurai par quelques observations sur les dispositions prévues en matière d’exécution des peines.

Monsieur le président de la commission des lois, je ne comprends pas que vous ayez inscrit dans le texte l’exclusion de la contrainte pénale en cas de commission d’actes terroristes. Comme si quelqu’un pouvait envisager qu’elle puisse s’appliquer dans une telle hypothèse !

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