Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est aujourd’hui soumis, sur l’initiative de notre collègue Jacques Mézard et de plusieurs de ses collègues du groupe du RDSE, vise à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution.
Je pense très sincèrement qu’il s’agit d’une belle initiative, car elle a le mérite de soumettre au débat un vrai sujet.
À titre liminaire, permettez-moi cependant de regretter, comme l’a dit M. le rapporteur, la multiplication, ces derniers temps, d’initiatives constitutionnelles souvent sans lendemain, alors que notre loi fondamentale appelle, par nature, une permanence dans les principes devant dépasser les querelles qui nourrissent l’actualité.
D’ailleurs, cette proposition de loi arrive à l’ordre du jour du Sénat sur fond de polémique autour de l’Observatoire de la laïcité. Je n’en rappellerai pas les termes, que chacun a en tête, mais elle a en substance alimenté un affrontement superficiel entre les partisans d’une laïcité « fermée », attachés à la stricte neutralité religieuse dans l’espace public, et ceux qui sont favorables à une laïcité « ouverte », opposés à l’idée de gommer tout signe d’appartenance religieuse.
En résumé, pour reprendre la formule de Pierre Rosanvallon, « le mot laïcité est devenu trop élastique : pour certains, il désigne techniquement la neutralité de l’État, pour d’autres, un idéal de vie sociale harmonieuse où les individus n’auraient plus de classes sociales, de religions, d’histoires… » D’un point de vue juridique, nous partageons les conclusions de la commission des lois : l’équilibre auquel est parvenu aujourd’hui le droit des cultes en France fait l’objet d’un relatif consensus, qu’il n’y a pas forcément lieu de remettre en cause, encore moins dans le contexte actuel, sauf à vouloir courir le risque de débats houleux.
Par ailleurs, se pose la question de vouloir inscrire dans la Constitution, comme le prévoit la rédaction proposée, une loi ordinaire, qui plus est onze fois modifiée depuis son adoption, pour répondre à diverses situations « concrètes ». Qu’en serait-il, demain, si les articles de cette loi étaient de nouveau modifiés ?
Sur le fond, mes chers collègues, je voudrais réaffirmer ici, au nom des membres de mon groupe, qu’il n’y a ni laïcité ouverte, ni laïcité fermée, ni quelque laïcité qualifiée que ce soit. Il y a LA laïcité, principe cardinal de notre identité républicaine. Accordons-nous sur le fait que toute nuance ou qualification de cette notion la dessert.