Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous engageons aujourd’hui un de ces débats dont le Sénat a le secret… Je ne suis pas certain que M. Mézard imagine que son texte va prospérer et que nous allons inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 dans la Constitution. Pour être très franc, si j’étais sûr que, parce qu’inscrite dans la Constitution, la laïcité serait strictement appliquée, ce qui mettrait un terme au communautarisme, je voterais la proposition de loi !
Mais le problème est que, de révision constitutionnelle en révision constitutionnelle, on inscrit de plus en plus de choses dans une Constitution qui est de moins en moins respectée !
Ainsi, la France est une République « sociale » : c’est inscrit dans la Constitution, mais je ne sais pas ce que cela veut dire et quelle est la traduction concrète d’un tel principe…
La laïcité est un principe constitutionnel, mais ce principe a connu, depuis plus de cent ans, des « évolutions », pour rester dans le registre de langage sympathique de ceux qui disent : « n’ouvrons pas de nouveaux fronts ! »
La réalité, c’est que la loi de 1905 n’était pas une loi de liberté, de consensus, de fraternité. Que l’on cesse de récrire l’histoire ! Les années qui ont suivi ont été une période très dure : on envoyait la cavalerie contre les congrégations en Bretagne, on voulait restreindre à toute force l’influence de l’Église catholique sur l’État français. Voilà la réalité !
Le fait que l’on ait revu le dispositif de la loi de 1905 à plusieurs reprises prouve que son application posait des problèmes, des difficultés. On l’a ainsi modifié pour prendre en compte le Concordat, en Alsace-Moselle, ou la situation spécifique de l’outre-mer, pour permettre aux collectivités locales d’agir, sans forcément intervenir dans le domaine cultuel. Tout cela ne correspond pas à la rédaction initiale de la loi de 1905 !
Si, aujourd’hui, le président Mézard est amené à nous présenter cette proposition de loi, c’est parce qu’une difficulté nouvelle, ou plus exactement plus largement reconnue, se pose, à savoir le développement d’un communautarisme débridé, incontrôlé, lié au fait que l’autorité de l’État ne s’exerce plus suffisamment pour défendre l’unité de la République et la laïcité. Je précise que ce problème n’est pas apparu en 2012, même si la situation s’est aggravée depuis cette date. On se borne à éviter les conflits, à minimiser les difficultés. « N’attisons pas les braises ! » nous répond-on parfois lorsque, à Paris, nous demandons l’intervention des forces de sécurité ou du préfet de police. Mais, sous couvert de ne pas attiser les braises, on tolère, on accepte, on donne dans le compromis, la compromission !