Les défis d’aujourd’hui ne tiennent pas non plus aux menus des cantines – laissez aux maires le soin de les déterminer ! –, mais à la soustraction d’élèves à certains enseignements, à l’inégalité entre hommes et femmes, aux comportements sexistes à l’hôpital et dans les transports publics, à la radicalisation. C’est à ces défis qu’il faut répondre !
Tout principe ne peut vivre et produire des effets qu’en phase avec le contexte, l’époque et les territoires, qui varient, même dans notre République, avec l’Alsace-Moselle et l’outre-mer.
La laïcité n’est pas un dogme ; elle est la méthode d’édification de la concorde. L’intangibilité des modalités peut même créer une situation contraire aux principes de la loi.
Que dit la loi de 1905 ? Pas d’argent pour les cultes, sauf pour l’entretien des lieux de culte construits avant 1905, donc catholiques, protestants ou israélites, et plus qu’il n’en faut pour couvrir les besoins du culte aujourd’hui… Et pour les mosquées, rien ! Les musulmans doivent payer pour les autres, mais ne rien réclamer, pour l’éternité, parce qu’ils n’étaient pas là en 1905. Il y a, de fait, une rupture d’égalité, contraire aux principes posés par la loi de 1905.
À l’époque, le législateur ne pouvait pas anticiper l’immigration et l’émergence de l’islam, devenue deuxième religion de France, mais, dans sa grande sagesse, il avait su déjà s’adapter au contexte : aumôneries dans les armées, hôpitaux et prisons, baux emphytéotiques, reconnaissance du concordat d’Alsace-Moselle, grande mosquée de Paris construite sur fonds publics…
Nous ne sommes plus capables, aujourd’hui, de faire preuve d’un tel pragmatisme pour répondre à une demande sociale pourtant criante.
Schizophrène, la République demande, à juste titre, aux musulmans de France d’édifier un Islam de France, et non un Islam en France, mais elle les oblige à se faire financer par l’étranger. Il faut que la Fondation des œuvres de l’Islam de France fonctionne enfin ; l’État ne peut pas ignorer ce problème.
J’aurais voté la proposition de loi du président Mézard et de ses collègues si elle n’avait visé que l’article 1er de la loi de 1905, c’est-à-dire l’inscription dans la Constitution des principes de celle-ci, et non tout le titre Ier, l’article 2 fixant des modalités d’application et renvoyant à l’article 3, qui les développe encore plus. Ainsi, si l’on adoptait la proposition de loi, les modalités d’application des principes seraient figées dans le bloc de constitutionnalité, impossibles à adapter, même pour rester fidèles aux principes. Au moyen de questions prioritaires de constitutionnalité, on pourrait effacer les aumôneries, les baux emphytéotiques, le Concordat…
Le président Mézard a raison de regretter que l’on n’utilise pas toutes les ressources de la loi de 1905, par exemple pour sanctionner des ministres du culte qui violent les lois de la République. C’est non pas la Constitution qui est en cause, mais la faiblesse de l’exécutif.
Oui, la laïcité est à réaffirmer ! Elle est plus actuelle et nécessaire que jamais. Le vote de la loi de 1905 a été un pas historique, un acte fondateur que l’on doit célébrer, mais aucune loi ne constitue l’alpha et l’oméga de la mise en œuvre d’un principe.
Ne mettons pas la loi de 2005 sous une cloche de verre, mais appliquons-la, adaptons-la quand il le faut. Faisons vivre la laïcité, mais ne la tuons pas en la congelant. Or c’est le risque que ferait courir l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle ainsi rédigée.