Vaste question... Je l'ai dit, l'accord comporte des éléments contraignants, même si les INDC n'y sont pas inclus. Les États-Unis ne sont pas le seul État à avoir rejeté un dispositif contraignant. Le principal argument mis en avant par le président Obama était la pression d'un Congrès à majorité républicaine dont une partie des membres nient le dérèglement climatique et considèrent les engagements présidentiels comme nuls, non avenus et contre-productifs pour les entreprises américaines.
Une anecdote : vous savez qu'en anglais, « shall » est l'auxiliaire du futur, « should » celui du conditionnel - le premier détermine une obligation de résultat. Les Américains ont fait valoir que si l'accord multipliait les shall, ils ne le valideraient pas. Or le secrétariat de la COP, par ailleurs très compétent, a glissé une coquille dans la troisième et dernière version de l'accord : un should des deux précédentes versions est devenu shall. Nous avions une procédure de rectification des erreurs de plume ; mais le Groupe des 77, en réalité 134, a estimé qu'il s'agissait d'un problème de fond puisque le texte disait shall. Un long flottement s'est ensuivi, le temps de les convaincre... Une fois l'erreur corrigée, le Premier ministre des îles Marshall, en première ligne face au dérèglement climatique, a lancé en guise de boutade que son pays s'appellerait dorénavant les îles Marshould !
La tarification du carbone ne fait pas l'unanimité, en particulier, ce qui n'est pas étonnant, dans les pays qui tirent 95 % de leurs recettes du pétrole et s'entendent dire qu'ils devront à l'avenir laisser leurs ressources dans le sous-sol. Le dispositif a pour objectif de faire payer davantage ceux qui émettent alors qu'aujourd'hui, les pollués paient pour les pollueurs. Nous avons réussi à mentionner la tarification dans l'accord ; quant à obtenir un prix unique au niveau mondial, c'était irréaliste. En revanche, trois zones seront bientôt couvertes par une tarification unique : la Chine au niveau national en 2017, le Canada et l'Europe. Cela devrait faire émerger, au niveau mondial, un corridor de prix appelé à se rétrécir progressivement ; un prix harmonisé dans chaque région mondiale augmenterait le coût d'utilisation des énergies fossiles et diminuerait celui des énergies renouvelables. Le prix du solaire a déjà beaucoup baissé, et d'autres évolutions s'annoncent. Dans l'idéal, il faudrait profiter de la baisse du prix du pétrole pour supprimer les subventions aux énergies fossiles ; mais il y a loin de l'idéal au réel.
Vous avez raison de soulever la question démographique. Au-delà du climat, ce sont les migrations, la sécurité alimentaire, voire la paix et la guerre qui sont en jeu. Voyez les problèmes que cause un afflux d'un million de réfugiés en Europe ; qu'en sera-t-il des 10, 15, 20 millions de déplacés par le dérèglement climatique ? Au Niger, pays très pauvre, on compte en moyenne sept enfants par femme ; le Nigeria aura 950 millions d'habitants à la fin du siècle.
En abordant les questions climatiques, on fait venir tout le reste, ce qui illustre la valeur pédagogique de notre action.