Intervention de Laurent Fabius

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 février 2016 à 16h30
Accord de paris sur le climat et ses suites — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères et du développement international

Laurent Fabius, ministre :

C'est un sujet complexe. Toute évolution de la température a des conséquences sur les capacités d'un pays. La vice-présidente iranienne, qui est aussi ministre de l'environnement, m'a dit qu'il avait fait jusqu'à 75 degrés dans certaines villes iraniennes l'été dernier. Même chez nous, les conséquences économiques sont visibles, que ce soit pour les sports d'hiver, les vignobles... D'aucuns prétendent que ce sera une aubaine pour Dunkerque qui se transformerait en Côte d'Azur. A tort : le dérèglement climatique, davantage qu'un réchauffement, est une extrémisation des phénomènes météorologiques.

Les réfugiés climatiques se compteront probablement en millions. Faut-il leur accorder un statut spécifique ? La question est contestée, les parlements peuvent y apporter une utile contribution. Quoi qu'il en soit, le lien entre le climat et les déplacements de population est incontestable.

Le principe du pollueur-payeur relève du bon sens mais nous savons que, n'en déplaise à Descartes, le bon sens n'est pas la chose du monde la mieux partagée... On trouve souvent la situation inverse. Le charbon est l'énergie la meilleur marché dans nombre de pays, parce que les externalités négatives qu'il engendre sous forme d'émissions de gaz à effet de serre ne sont pas prises en compte. Le calcul est faussé, ce que le principe du pollueur-payeur corrige en établissant une vision globale du coût. J'estime néanmoins que la situation va évoluer.

L'accord de Paris prévoit qu'à l'horizon 2020, les pays développés apporteront une aide annuelle d'au moins 100 milliards d'euros aux pays pauvres pour le climat. Cette somme ne sera pas uniquement constituée de fonds publics ni exclusivement portée par le Fonds vert. Elle inclut des fonds publics, parapublics et privés ; quant au Fonds vert, sa capitalisation est pour le moment de 10 milliards d'euros, dont 1 milliard apporté par la France : il ne peut donc pas tout financer, loin de là. La décision de Paris prévoit, de plus, que le chiffre de 100 milliards sera rehaussé en 2025.

Les financements privés sont une ressource sans commune mesure avec les fonds publics : des centaines, des milliers de milliards. Or les investissements continuent à se porter en majorité sur les énergies fossiles. Plusieurs fonds souverains, notamment celui de la Norvège, se sont néanmoins retirés du secteur charbonnier, et plusieurs groupes français ont suivi leur exemple. L'agence de notation Standard & Poor's a annoncé qu'elle pénaliserait les produits financiers dépourvus de sécurisation climatique. D'après le gouverneur de la banque centrale du Royaume-Uni, la prochaine bulle financière sera celle des énergies fossiles, qui ont fait l'objet d'un surinvestissement.

Il faut, par conséquent, mettre en oeuvre le principe du pollueur-payeur pour dévier l'argent des énergies fossiles vers d'autres secteurs. D'où le débat en Europe sur la taxe sur les transactions financières et, en France, sur la taxation du diesel. L'idée essentielle est que ce qui pollue doit coûter plus cher que ce qui ne pollue pas : un principe économiquement, moralement, socialement intelligent.

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