Cet amendement vise effectivement à créer une exception au droit d’auteur pour les reproductions d’œuvres situées dans l’espace public, y compris à l’intérieur des bâtiments publics et pour tous les usages.
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, un amendement tendant à consacrer cette exception dite « de panorama ».
J’attire également votre attention, madame la sénatrice, sur le fait que les contours de cette exception ont été définis de manière très stricte par les députés, afin de ne pas causer de préjudice injustifié aux auteurs. C’est pour cette raison qu’il a été prévu de limiter l’exception aux seules œuvres présentes dans l’espace public et aux exploitations réalisées par des particuliers à des fins non lucratives.
Or l’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, vise à procéder à une extension très importante de cette exception : des professionnels pourraient exploiter à des fins commerciales les copies d’œuvres situées non seulement sur la voie publique, mais aussi dans les bâtiments publics. Les usages commerciaux qui garantissent la rémunération de ces auteurs se trouveraient donc directement concurrencés par les usages commerciaux réalisés par des tiers.
Cette extension serait susceptible de porter gravement préjudice aux intérêts, en particulier, des architectes et des auteurs des arts graphiques et plastiques, dont nous avons longuement discuté hier soir, ce qui ne serait pas souhaitable à l’heure actuelle.
Par ailleurs, je vous le rappelle, une discussion est en cours à l’échelon européen concernant des mesures de modernisation du droit d’auteur dans l’univers numérique, et, vous le savez, j’y apporte des propositions extrêmement concrètes et innovantes. La France est vraiment force de proposition dans le cadre de ce débat.
À cet égard, dans sa communication du 9 décembre dernier, la Commission européenne s’est engagée à évaluer l’opportunité de réduire l’incertitude juridique pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans l’espace public.
Cette discussion doit également porter sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique de manière plus générale, me semble-t-il, et qui s’opèrent au bénéfice de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus, et au détriment de ce que l’on appelle l’amont de la chaîne, c’est-à-dire essentiellement les artistes qui, eux, prennent le risque de la création.
La Commission européenne adopte une démarche prudente, puisqu’elle s’est engagée à évaluer dans quelle mesure l’utilisation en ligne des œuvres de l’esprit profite équitablement à toutes les parties concernées. C’est dans ce cadre communautaire que je vous invite donc à sécuriser ce régime juridique.
Madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, dont l’adoption, je le redis, renforcerait, au lieu de le corriger, le bouleversement du partage de la valeur au détriment des auteurs des arts visuels.