Intervention de Annie Sugier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 janvier 2016 : 1ère réunion
La laïcité dans le sport féminin : un enjeu avant les jeux olympiques de rio — Audition de Mme Françoise Morvan présidente de la coordination française pour le lobby européen des femmes clef et de Mme Annie Sugier vice-présidente de la clef présidente de la ligue du droit international des femmes

Annie Sugier :

Il est vrai que la tentation de se laisser décourager est grande, mais si je viens vous voir, c'est parce que j'ai la conviction que nous pouvons agir. La recommandation 21 que la délégation du Sénat avait formulée dans son rapport de 2011 s'adressait au président du Comité national olympique Français. Nous devons demander à ces dirigeants s'ils croient encore aux valeurs universelles, car c'est leur devoir de les faire respecter. Il n'est pas concevable que nous nous lancions dans la candidature de Paris aux JO de 2024 si nous n'adhérons pas aux valeurs universelles. J'ai conscience du fait que les règlements se décident au niveau international, mais plusieurs voix sont néanmoins possibles.

Si les instances internationales du sport ont cédé, c'est parce que les Français n'ont pas défendu ces valeurs lorsqu'ils y étaient présents. Lorsque Mme Marie-George Buffet prit l'initiative d'organiser les premières Assises nationales du sport féminin en 2000, c'était pour remédier à la trop faible visibilité des femmes dans le paysage associatif sportif français. Elle encouragea dans cette logique la création de Femmes, Mixité, Sport (Femix'Sport), seule association française dont l'objet porte exclusivement sur la thématique « Femmes et sport ». Lors de la conférence du CIO qui s'est tenue à Paris en 2000, ce fut une Française qui présida la conférence « Women and sport ». Cela témoigne du fait que lorsqu'il y a une volonté politique, il est possible de pousser une candidature française. Sauf que cette dernière n'a pas conservé son poste, contrairement aux Anglaises qui ont pu faire du lobbying sur la durée, en occupant leurs fonctions pendant plus de vingt ans. Nous sommes confrontés à un réel déficit de représentantes françaises à l'international.

Il faut tirer les leçons de ce qui s'est passé. En France, compte tenu des différents attentats qui ont touché le pays, il faut être très clair sur la transmission des valeurs de la laïcité à travers le sport, dans la mesure où nous avons la chance de pouvoir faire appliquer une règle très claire. J'ai été invitée à débattre sur une chaîne de télévision sportive avec un représentant du mouvement sportif et avec le propriétaire d'un club sportif en Bretagne, tous deux partisans du relativisme culturel. Ils m'ont fait remarquer que de nombreuses jeunes femmes n'étaient pas d'accord sur ce sujet avec moi.

Malheureusement, nous sommes face à problème de générations : la question de la laïcité n'est pas comprise par la jeune génération de la même manière que par celle à laquelle j'appartiens ; on retrouve ce problème y compris dans les mouvements féministes. La logique est compassionnelle ; on ne réalise pas que les agissements que je dénonce traduisent du mépris à l'égard des femmes. L'exclusion des athlètes noirs américains dont je parlais tout à l'heure était en quelque sorte un signe de respect et ils savaient ce qu'ils risquaient, ils ont payé cher leur geste et sont devenus des héros. Hassiba Boulmerka, la championne algérienne, est pour moi une héroïne, mais pas l'athlète du Bahreïn qui court voilée de la tête aux pieds et qui, de surcroît, perd !

Vous vous rappelez la polémique sur les combinaisons de natations. Or, ces maillots amélioraient les performances. Là, l'idée, c'est de faire porter à des femmes des maillots qui aident à perdre ! Encore une fois, il est indispensable que les femmes comprennent que, en adoptant une posture compassionnelle, on exprime le fait que la situation des femmes athlètes ne mérite pas d'être défendue. L'Afrique du Sud a été exclue des jeux pendant trente ans, et on ne s'est pas apitoyé pour autant sur les athlètes blancs sud-africains qui, même quand ils étaient opposés à l'apartheid, n'ont pas pu concourir. On jugeait que c'était le prix à payer pour mettre fin à l'apartheid. Il faut croire que la cause des femmes ne mérite pas ce sacrifice...

Défendons au moins l'égalité et la neutralité en France, et mettons les représentants du monde sportif face à leurs contradictions. Quel est l'intérêt du « Plan citoyen du sport » s'il n'y a pas de hiérarchie des valeurs ? Ne pourrait-on pas faire prendre conscience du danger que représente la radicalisation au sein des clubs sportifs ? Et que fait Femix'Sport sport sur ce sujet ?

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