Qu'est-ce qu'un infirmier aujourd'hui ? C'est un professionnel de santé, doté d'un haut niveau de compétence. Sa formation, composée de 2 100 heures de cours magistraux et 2 100 heures de stage, y compris en exercice libéral, se traduit par l'acquisition de dix compétences que l'on peut dire gravées dans le marbre.
Les effectifs de notre profession sont et vont rester en augmentation. Selon le récent scénario de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), cette augmentation devrait être de 1,5 % par an jusqu'en 2030, soit une progression similaire à celle de 1,2 % que nous avons connue depuis 2011.
Toutefois, la croissance de l'exercice en libéral a été plus importante, comme le note la Cour des comptes dans son rapport récent : 80 399 infirmiers libéraux installés en France en 2014, soit une augmentation de 4,6 % par rapport à 2013. Il y a aujourd'hui plus de 100 000 infirmiers libéraux, en incluant les remplaçants et l'exercice mixte. L'âge moyen des infirmiers est de 43 ans. La profession est à 83,7 % féminine.
Le constat d'une très forte disparité de densité selon les départements, dressé il y a environ dix ans, a amené les partenaires conventionnels, syndicats d'infirmiers libéraux et assurance maladie, à concevoir un dispositif de régulation des installations en zones excédentaires et d'incitation dans les zones déficitaires, mis en place à titre expérimental en septembre 2008 via la convention signée avec l'assurance maladie, avant d'être pérennisé en 2011. Depuis, ce dispositif a été étendu aux masseurs-kinésithérapeutes, aux sages-femmes et aux chirurgiens-dentistes.
Il repose sur l'identification de zones géographiques auxquelles sont appliqués des critères d'offre et de besoins. Les zones sont classées, selon l'importance des effectifs libéraux par bassin de vie, en cinq catégories : très sous-dotées, sous-dotées, intermédiaires, très dotées et surdotées. Ces zones sont fixées par arrêté des directeurs généraux des ARS, en tenant compte des honoraires moyens, de la part des personnes âgées de plus de 75 ans, de la densité pour 100 000 habitants, du nombre moyen d'indemnités kilométriques par infirmier libéral. On recense ainsi 470 zones surdotées et 322 zones très sous-dotées, auxquelles s'ajoutent 172 zones sous-dotées et 213 zones très dotées ainsi que 1 978 zones intermédiaires, soit 3 155 zones au total.
Dans les zones très sous-dotées, un « contrat incitatif infirmier » est proposé aux professionnels s'installant ou déjà installés qui s'engagent notamment à exercer les deux tiers de leur activité libérale conventionnée dans la zone. En contrepartie, ils reçoivent une aide à l'équipement pouvant aller jusqu'à 3 000 euros et bénéficient de la prise en charge des cotisations sociales dues au titre des allocations familiales. Dans les zones surdotées, l'accès au conventionnement ne peut intervenir qu'en remplacement d'une cessation définitive d'activité dans la même zone. Résultat, le nombre d'installations de 2010 à 2014 progresse de 262 à 441 en zones très sous-dotées et recule de 1 771 à 985 en zones surdotées. En 2014, 173 installations en zones sous-dotées ont été recensées.
L'écart des densités départementales s'est un peu réduit mais il demeure fort. On peut juger les résultats insuffisants après sept années de dispositif mais il mérite d'être maintenu et amélioré, par un suivi plus fin de la situation dans les zones et des ajustements beaucoup plus réguliers - afin d'éviter, par exemple, les effets d'aubaine dans des zones limitrophes aux zones surdotées - ; par une réflexion sur l'utilisation des exonérations de cotisations sociales pour inciter davantage à l'installation dans les zones sous-dotées ; par une réflexion, enfin, sur une approche pluriprofessionnelle du conventionnement sélectif s'appuyant sur la notion d'équipe de soins primaires introduite par la loi de modernisation de notre système de santé.
Toutefois, ce conventionnement sélectif ne peut constituer une solution à lui seul. Il faut également évoluer en termes de coopération, de nouveaux modes d'exercice collectif et d'optimisation de la production de soins.
Une réforme des champs d'exercice professionnel doit également être mise en oeuvre pour améliorer la prise en charge de premier recours. Les compétences des infirmiers se sont diversifiées et étendues, notamment depuis 2009, avec le diplôme rénové, reconnu au niveau licence. Le rôle de l'infirmier croit et peut encore croitre en matière de prévention, d'éducation thérapeutique, de suivi des patients chroniques, de vaccination, de prescription de dispositifs médicaux et de produits.
L'évolution des pratiques infirmières a été au coeur de la recherche de solutions aux déserts médicaux et à l'accès aux soins dans certains systèmes de santé. Ainsi, au Royaume-Uni, les infirmières ont un rôle de diagnostic de premier niveau au sein du service NHS direct - call-centers d'orientation des patients - ou des NHS walk-in-centers - centres de soins de proximité proposant des bilans infirmiers sept jours sur sept. L'infirmière est ainsi un point d'entrée principal dans le système de soins, ce qui permet de réduire les pertes de chances en termes d'accès aux soins. Elle joue un rôle de triage par l'évaluation de l'état de santé du patient dont, selon la gravité, elle assure la prise en charge ou qu'elle réoriente vers le médecin généraliste, le médecin spécialiste ou l'hôpital. Autre exemple, la Suède a, dès 1994, décidé d'autoriser aux infirmiers la prescription de certains médicaments et examens de biologie en contrepartie d'une formation spécifique et dans un cadre strict.
Le bilan de ces dispositifs d'infirmiers praticiens est satisfaisant en termes d'accès aux soins, notamment dans le cadre des examens de routine, et les actions de prévention s'en trouvent accrues, à la plus grande satisfaction des usagers.
La loi du 26 janvier 2016 reconnaît légalement, par son article 119, un exercice en pratique avancée. Il permettra de conférer un cadre à un exercice infirmier en pratique avancée de premier recours. Dans le cadre de regroupements, de maisons de santé, de pôles mais également d'équipes de soins primaires sans regroupement physique mais dans une logique pluriprofessionnelle, l'infirmier en pratique avancée de premier recours pourra assurer une coordination soignante et sociale, une consultation infirmière de première ligne, une consultation longue de suivi des pathologies chroniques, la prescription infirmière et un champ élargi de la vaccination sans prescription, l'éducation thérapeutique du patient et enfin, un accès plus rapide au médecin spécialiste. Cette pratique avancée s'inscrit dans le développement de la coopération interprofessionnelle et le partage sécurisé d'informations de santé, à travers le dossier partagé, la messagerie sécurisée et la télémédecine.
Dans de nombreux pays, au travers de ces coopérations et du statut d'infirmier praticien en soins primaires, une solution efficiente à la problématique de l'accès aux soins a été trouvée tant en termes de délais et d'accessibilité économique que de santé publique, évitant le recours à l'hospitalisation puisque les soins primaires absorbent une partie de l'activité d'urgences et de chirurgie hospitalière.